En 2019, le législateur québécois a modifié la Loi sur les impôts (« Loi » ou « L.I. ») pour y introduire de nouvelles dispositions prévoyant qu’un contribuable qui réalise une « opération désignée » ou qui est membre d’une société de personnes qui réalise une telle opération doit en informer Revenu Québec dans une déclaration de renseignements produite de la manière et dans les délais prévus à la Loi. Les nouvelles dispositions prévoient également qu’un conseiller ou un promoteur qui commercialise une telle opération ou qui en fait la promotion, ou s’il est une société de personnes, l’un de ses membres, doit également produire une telle déclaration de renseignements.
Qu’est-ce qu’une « opération désignée » ? Il s’agit d’une opération dont la forme et la substance des faits propres au contribuable ou à la société de personnes s’apparentent de façon significative à la forme et à la substance des faits d’une « opération déterminée » par le ministre et publiée à la Gazette officielle du Québec.
Le 17 mars 2021, le ministre des Finances du Québec, M. Eric Girard, publiait dans la Gazette officielle du Québec la première version du Règlement concernant les opérations à divulgation obligatoire (« Règlement ») définissant quatre « opérations déterminées » :
- Opération 1 – Évitement de l’aliénation réputée d’un bien d’une fiducie;
- Opération 2 – Paiement vers un pays non conventionné;
- Opération 3 – Multiplication de la déduction pour gains en capital (« DGC »); et
- Opération 4 – Commerce d’attributs fiscaux.
Le Règlement a ensuite fait l’objet d’une première modification effective le 29 juin 2022. Plusieurs articles ont été rédigés sur le sujet et vous devrez vous y référer pour approfondir vos connaissances sur le sujet.
Concernant plus particulièrement l’opération 3, il convient de rappeler que deux planifications de multiplication de la DGC sont incluses, à savoir :
- lorsqu’une personne (généralement l’entrepreneur) utilise des accommodateurs pour bénéficier plusieurs fois de la DGC, notamment par le biais d’une fiducie, et se voit retourner une partie ou la totalité du gain des accommodateurs; et
- le conjoint de l’actionnaire est introduit dans l’actionnariat afin de multiplier la DGC réclamée par une manipulation des règles d’attribution entre conjoints.
Le 22 avril 2022, Revenu Québec a publié sur son site les premières « opérations exclues ». Une opération exclue est une position administrative selon laquelle une opération ou une série d’opérations n’est pas visée par la description générique d’une opération déterminée ou est exclue de son application. Ainsi, Revenu Québec considérait comme exclues les deux opérations suivantes, qui sont cumulatives :
- le transfert, après le 22 avril 2022, d’un montant qui est égal ou moindre au montant de la partie non imposable du gain en capital; et
- le transfert d’un montant égal ou moindre au montant obtenu au moyen de la formule suivante : A-B-C, où :
- A correspond au gain en capital imposable;
- B correspond à la DGC déduite dans le calcul du revenu imposable pour une année d’imposition en vertu de l’article 726.7.1 L.I.;
- C correspond à l’impôt au taux marginal (total des taux fédéral et provincial) calculé sur le total du gain en capital imposable, moins la déduction représentée par la variable B, découlant de l’aliénation.
En bref, cela signifie que toute personne dont on veut utiliser la DGC doit effectivement recevoir les fonds représentants la portion imposable du gain en capital pour laquelle la DGC est utilisée. Quant au sens à donner à l’aspect « cumulatif » des exclusions, ce serait intéressant que Revenu Québec nous donne un exemple chiffré.
Les divulgations obligatoires ont refait surface récemment puisque qu’une nouvelle exclusion est applicable depuis le 5 juin 2023 concernant les opérations de multiplication de la DGC. En effet, Revenu Québec a ajusté sa position administrative en catimini en ajoutant une nouvelle opération exclue :
« L’attribution, par une fiducie, d’un gain en capital imposable en faveur du bénéficiaire et payable par l’émission d’un billet si, à la fois,
-
ce billet est remboursé avant l’échéance du délai de 60 jours qui est prévu pour faire la divulgation de l’opération désignée et qui est applicable au particulier visé;
-
il est établi que le remboursement n’a pas été fait comme partie d’une série d’opérations et de remboursements. »
La morale de cette histoire : le site de Revenu Québec, on gagne à y aller souvent!
Par Thierry Lavigne-Martel, avocat, M. Fisc., TEP, Martel Cantin, Avocats, ThierryMartel@martelcantin.ca
Ce texte a été publié initialement dans le magazine Stratège de l’APFF, vol. 28, no 2 (Été 2023).