Également, dans le but d’accroître l’équité du régime fiscal, un avis de motion de voies et moyens a été déposé (« AVM »). Cet AVM a un impact important pour certaines fiducies personnelles qui détiennent une résidence principale.
Brève mise en situation
Dans un contexte de protection d’actifs, bon nombre d’entrepreneurs, d’actionnaires et de gens d’affaires (« entrepreneur ») ont mis en place des fiducies de protection d’actifs. Ces fiducies peuvent détenir, entre autres, la résidence principale puisqu’elle constitue généralement un actif important sur le plan personnel et familial (« fiducie résidentielle »).
Afin de s’assurer d’une protection maximale à l’endroit de créanciers potentiels de toute nature, la fiducie résidentielle est une fiducie discrétionnaire à l’égard de plusieurs bénéficiaires, soit le conjoint, le conjoint de fait, les enfants et d’autres personnes, s’il y a lieu (« fiducie résidentielle discrétionnaire »). Naturellement, le but de la fiducie résidentielle discrétionnaire est d’éviter que la résidence principale revienne à l’auteur du transfert, si ce dernier éprouve des difficultés financières.
Dans l’éventualité où la résidence principale a été acquise par la fiducie résidentielle discrétionnaire lors d’un transfert par un entrepreneur, il n’y avait généralement pas de roulement fiscal en vertu de l’article 73 de la Loi de l’impôt sur le revenu (« L.I.R. »). Toutefois, cela n’engendrait normalement pas d’impôt pour l’auteur du transfert, si la résidence se qualifiait pour l’exemption pour résidence principale. Également, avant que les nouvelles mesures soient déposées, il était possible pour ce type de fiducie de demander l’exemption pour résidence principale lors de la vente de cette dernière.
Les nouvelles mesures
Les nouvelles mesures déposées le 3 octobre dernier apportent des changements importants relativement à la détention d’une résidence principale par certaines fiducies au regard de l’exemption pour résidence principale.
Pour les années d’imposition qui commencent après le 31 décembre 2016, seules les fiducies suivantes seront admissibles à l’exemption pour résidence principale (« fiducie admissible ») : une fiducie en faveur de soi-même (sans limite d’âge), une fiducie au profit exclusif de l’auteur au cours de sa vie, une fiducie au profit du conjoint, une fiducie mixte au profit du conjoint, une fiducie testamentaire pour personne handicapée et une fiducie au profit d’un enfant mineur dont l’auteur et son conjoint sont décédés avant le début de l’année.
Par conséquent, les fiducies résidentielles discrétionnaires qui ont été mises en place avant 2017 et qui ne sont pas des fiducies admissibles perdront leur droit à l’exemption pour résidence principale pour les années d’imposition qui commencent après le 31 décembre 2016.
Toutefois, afin de prendre en considération le gain accumulé avant 2017, des règles transitoires ont été introduites dans l’AVM. À cet effet, lorsqu’une fiducie non admissible dispose d’une résidence principale, le nouveau paragraphe 40(6.1) L.I.R. s’appliquera. Ce nouveau paragraphe prévoit une disposition théorique à la juste valeur marchande (« JVM ») en date du 31 décembre 2016 lors de la disposition réelle de la résidence principale, ce qui a pour effet d’isoler le gain qui s’est accumulé entre la date d’acquisition et le 31 décembre 2016. Ce gain accumulé avant 2017 sera assujetti aux mêmes règles d’exemption pour résidence principale qui existaient avant le dépôt de l’AVM. Par conséquent, afin de s’assurer d’avoir l’information requise lors de la disposition réelle de la résidence dans 10, 15 ou 20 ans, cela obligera à procéder à une évaluation de cette dernière afin d’appuyer la JVM en date du 31 décembre 2016.
Également, dans l’éventualité où le produit de disposition au moment de la vente de la résidence est inférieur à sa JVM en date du 31 décembre 2016, le paragraphe 40(6.1) L.I.R. prévoit une déduction équivalente à la baisse de valeur entre le 31 décembre 2016 et la date de disposition réelle.
Roulement à la sortie pour l’auteur du transfert ou son conjoint
En règle générale, lorsqu’une personne transfère une résidence principale à une fiducie, le paragraphe 75(2) L.I.R. s’applique puisque l’auteur du transfert a un droit de retour. Par conséquent, puisque la fiducie est contaminée, un roulement à la sortie est possible uniquement si le bien retourne à son auteur, son conjoint ou son conjoint de fait (« cessionnaire »).
Lors du transfert de la résidence principale par la fiducie, si le paragraphe 107(2) L.I.R. s’est appliqué (roulement à la sortie), le cessionnaire sera réputé, en vertu du paragraphe 40(7) L.I.R., avoir été propriétaire de la résidence principale depuis que la fiducie l’a acquise.
Dans la mesure où les différentes conditions sont remplies pour l’exemption pour résidence principale, une pleine exemption pourra potentiellement être demandée par le cessionnaire.
Par conséquent, si la fiducie n’est pas une fiducie admissible lors de la vente de la résidence principale, il sera toujours loisible de transférer cette dernière avant sa vente.
Roulement à la sortie pour les autres bénéficiaires
Avant l’annonce des nouvelles mesures, il n’était pas possible dans un contexte de fiducie contaminée de transférer un bien avec roulement à la sortie à un autre bénéficiaire que l’auteur du transfert, son conjoint ou son conjoint de fait. Cela ne posait pas nécessairement problème puisque, lors de la vente de la résidence, la fiducie était en droit de demander l’exemption pour résidence principale dans la mesure où les différentes conditions étaient remplies.
Les nouvelles mesures prévoient que si une distribution est effectuée après 2016 par une fiducie qui n’est pas une fiducie admissible dans sa première année d’imposition qui commence après 2016 et que cette fiducie possède une résidence principale à la fin de 2016, il sera possible d’effectuer un roulement en faveur d’un autre bénéficiaire que l’auteur du transfert, son conjoint ou son conjoint de fait.
Également, le bénéficiaire du bien pourra profiter de l’application du paragraphe 40(7) L.I.R. afin de pouvoir bénéficier potentiellement de la pleine exemption pour résidence principale.
Fiducie admissible créée après le 2 octobre
Pour une fiducie admissible qui acquiert une résidence principale après le 2 octobre 2016, l’AVM mentionne que les modalités de l’acte de fiducie doivent prévoir que le bénéficiaire a un droit à l’usage du logement comme résidence tout au long de la période de l’année au cours de laquelle la fiducie est propriétaire du bien.
Il y aura lieu de se questionner relativement à une fiducie admissible créée avant le 3 octobre 2016, qui n’est pas propriétaire d’une résidence principale avant cette date et dont les modalités de son acte ne prévoient pas le droit d’usage comme il est mentionné précédemment. Vaudrait-il mieux rédiger un nouvel acte de fiducie ou s’adresser aux tribunaux afin de le modifier, cela naturellement dans le but que la fiducie puisse profiter de l’exemption pour résidence principale?
Droits de mutation
Dans le contexte où une fiducie qui détient une résidence principale ne se qualifie pas à titre de fiducie admissible aux fins de l’exemption pour résidence principale à compter de 2017 et qu’il a été décidé de transférer la résidence principale à l’un des bénéficiaires pour réduire la facture d’impôt lors de la vente de la résidence, l’application potentielle des droits de mutation doit être prise en considération.
Au paragraphe 20e.1) de la Loi concernant les droits sur les mutations immobilières (« L.D.M.I. »), une exonération est prévue lors du transfert d’un immeuble que détient une fiducie à l’un de ses bénéficiaires. Pour avoir droit à l’exonération, la fiducie doit avoir acquis l’immeuble d’un bénéficiaire (« cédant ») pour lequel la fiducie a été établie ou d’une personne qui lui est liée. Aux fins du paragraphe 20e.1) L.D.M.I., une personne liée à un cédant comprend le père, la mère, le fils, la fille ou le conjoint de l’une de ces personnes. Également, cela inclut le conjoint, le père, la mère, le fils ou la fille de ce conjoint.
Dans l’éventualité où la fiducie a acquis la résidence d’une tierce personne (un achat purement et simplement), il ne sera pas possible de profiter d’une exonération des droits de mutation lors du transfert à l’un des bénéficiaires de la fiducie.
Divulgation de la disposition
Selon la politique de longue date de l’Agence du revenu du Canada (« ARC »), un contribuable qui dispose d’une résidence principale n’est pas tenu de remplir et de produire le Formulaire T2091(IND) avec sa déclaration de revenus, lorsque les conditions suivantes sont remplies :
1) la résidence a été la résidence principale du contribuable pendant chaque année depuis sa date d’acquisition;
2) le contribuable ou son époux ou son conjoint de fait n’a pas produit un Formulaire T664 ou T664 (aînés) à l’égard du bien qui était la résidence principale du contribuable (choix du 22 février 1994).
À compter de l’année d’imposition 2016, tout contribuable (incluant les sociétés de personnes) qui dispose d’un bien immeuble ou réel devra déclarer cette disposition sous peine de voir sa période de nouvelle cotisation prolongée. En effet, le nouvel alinéa 152(4)b.3) L.I.R. permettra l’établissement d’une nouvelle cotisation au-delà de la période normale de cotisation si le contribuable omet d’indiquer la disposition dans sa déclaration de revenus. Pour un particulier, l’information relativement à la disposition d’une résidence principale devra être incluse à l’annexe 3, qu’il y ait un gain ou non. Toutefois, la nouvelle cotisation ne pourra être établie que relativement à la non-divulgation de la disposition d’un immeuble ou d’un bien réel.
Par conséquent, même si un contribuable a droit à la pleine exemption pour résidence principale, il devra informer l’ARC qu’il a disposé de sa résidence. Pour le Québec, cela ne change rien, car le Formulaire TP-274 devait être produit dans tous les cas.
Exemption pour les non-résidents
Avant le dépôt de l’AVM, un non-résident avait droit au facteur « plus un » aux fins du calcul de l’exemption pour résidence principale. Les nouvelles mesures proposées prévoient que le facteur du « nombre un plus » ne s’applique que si le contribuable réside au Canada au cours de l’année dans laquelle il acquiert la résidence principale.
Dans le but de maximiser la protection d’actifs, certaines fiducies qui ont été mises en place pour la détention d’une résidence principale n’auront plus droit à l’exemption pour résidence principale pour la valeur qui s’accumulera après le 31 décembre 2016. Dans ce contexte, une analyse devra être effectuée afin de déterminer si la fiducie devra être conservée ou s’il y aurait lieu de la liquider. À ce titre, il faudra prendre en considération les droits de mutation potentiellement applicables lors du transfert, la durée de détention prévue de la résidence, l’accroissement de valeur dans le futur, la protection recherchée, etc.
Ce texte provient du Stratège, une publication de l’Association de planification fiscale et financière (APFF), et a été écrit par Guy Carbonneau.