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Résumé des pertes et ordre d’utilisation

En général, lors de la vente d’un bien, si le produit de disposition est moins élevé que le prix de base rajusté (« PBR »), il en résultera une perte en capital qui pourra être déduite des gains en capital. Toutefois, plusieurs dispositions de la Loi de l’impôt sur le revenu (« L.I.R. ») viennent restreindre l’utilisation de certaines pertes à des fins fiscales. De plus, la Loi de l’impôt sur le revenu prévoit un ordre d’application des déductions des différentes pertes pour les particuliers.

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Certaines pertes en capital sont considérées comme « apparentes » et ne peuvent servir à compenser des gains en capital.

Lorsqu’un contribuable vend un bien à perte et que lui ou une personne qui lui est affiliée rachète un bien identique, la perte est alors considérée comme une perte apparente et ne peut être déduite des gains en capital puisqu’elle est réputée nulle.

Les règles de perte apparente ne s’appliqueront pas si le contribuable ou une personne qui lui est affiliée achète un bien identique dans les 30 jours avant la disposition du bien ou dans les 30 jours après, mais ne le détient plus le 30e jour suivant la date de la disposition.

Pertes apparentes et pertes suspendues

Certaines pertes réalisées dans le cadre de transactions entre personnes affiliées seront qualifiées d’apparentes et leur utilisation sera restreinte ou suspendue selon l’identité des disposants.

Pour qu’une perte se qualifie d’apparente, trois conditions doivent être remplies :

  • une personne affiliée au cédant acquiert un bien identique;
  • l’acquisition du bien identique est effectuée à l’intérieur d’une fenêtre de 61 jours, soit 30 jours avant ou 30 jours après la disposition par le cédant;
  • l’acquéreur demeure affilié et détient toujours le bien identique au 30e jour suivant la disposition.

Le cédant est un particulier

Lorsque le cédant qui réalise la perte apparente est un particulier, la perte sera refusée et s’ajoutera au PBR du bien identique acquis. Concrètement, il en résultera le transfert de la perte au cessionnaire, qui pourra l’utiliser lors de la vente du bien hors du groupe affilié.

Cette transaction effectuée entre conjoints constitue une planification courante permettant le déclenchement délibéré du transfert de perte entre conjoints en créant les conditions requises à la qualification de perte apparente.

Le cédant n’est pas un particulier

Dans le cas d’une perte qui survient lorsqu’une société, une fiducie ou une société de personnes dispose d’un bien en faveur d’une personne affiliée (acquéreur), si l’acquéreur est toujours propriétaire du bien le 30e jour suivant le transfert, ou a le droit de l’acquérir, on parle plutôt de perte suspendue.

Dans ce cas, la perte en capital refusée est en fait reportée, puisqu’elle pourra être utilisée par l’entité qui a disposé du bien lorsque la personne affiliée disposera du bien identique. La réalisation de la perte demeure ainsi suspendue entre les mains du cédant qui pourra l’utiliser une fois que le bien identique ne sera plus détenu par une personne affiliée.

Le bien identique doit donc disparaître de l’enceinte du groupe affilié au cédant. Aucun rajustement ne sera effectué au PBR, ni pour l’acquéreur ni pour le cédant, autre que pour refléter la vente et l’acquisition normales.

Personne affiliée

De façon générale, une personne est affiliée avec elle-même, son conjoint, ses comptes REÉR, FERR et CÉLI. Une personne sera aussi affiliée aux sociétés contrôlées par elle ou une personne affiliée. De façon similaire, elle pourra être affiliée à des fiducies dont elle est bénéficiaire. Enfin, les sociétés et les fiducies pourront aussi être affiliées entre elles.

Une personne décédée n’est pas affiliée à sa succession ni à son conjoint survivant.

La notion de personnes affiliées est donc différente de la notion de personnes liées et est moins étendue. Selon la définition de personne affiliée, un particulier n’est pas affilié à ses enfants ni à ses parents ou à ses frères ou sœurs.

Le tableau ci-dessous présente les situations de perte apparente pour les particuliers ou les entités, ainsi que leurs conditions d’application.

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Biens identiques

Selon l’Agence du revenu du Canada (« ARC »), « des biens identiques sont des biens qui sont semblables quant à tous leurs points importants, de sorte qu’un acheteur éventuel n’aurait pas de préférence pour l’un plutôt que pour l’autre ». Les règles de perte apparente ne s’appliquent que lors de la détention d’un « bien identique ».

Par exemple, deux catégories d’actions d’une société ne seraient généralement pas considérées comme identiques si elles ne comportaient pas les mêmes intérêts, droits et privilèges.

Les titres acquis en vertu d’un régime d’options d’achat accordées à des employés, lorsqu’ils peuvent faire l’objet du report des avantages, ne sont en général pas considérés comme des biens identiques.

Par contre, les options d’achat acquises dans un portefeuille (les calls) sont considérées comme identiques aux actions visées par l’option d’achat. Étant donné que l’option d’achat donne le droit d’acheter le bien identique, les règles de perte apparente s’appliqueraient si l’option d’achat est détenue au 30e jour après la vente du titre.

Lorsque des actifs sont considérés comme des biens identiques, la règle du coût moyen doit s’appliquer lors du calcul de la perte. Si des biens identiques sont détenus dans plusieurs portefeuilles, le gain ou la perte réalisé sur un titre pourrait devoir être rajusté en fonction des autres biens identiques.

Devises

Lorsqu’il y a une perte de change lors de la vente d’un bien détenu en devises, la perte est alors intrinsèquement incluse dans la perte en capital sur la vente du bien et, à ce titre, elle pourrait se qualifier de perte apparente si les conditions sont remplies.

Toutefois, les gains ou pertes réalisés à la disposition de devises (la conversion de dollars américains en dollars canadiens, par exemple) sont traités comme du capital parce qu’ils sont inclus dans la définition de gain ou perte en capital. Seules les sommes excédant 200 $ sont imposables. L’ARC a toutefois pris la position que les devises ne constituaient pas des biens aux fins des règles sur les pertes apparentes; les pertes de changes ne seraient donc pas refusées.

Arrimage avec les règles d’attribution hors roulement au conjoint

En plus de pouvoir être potentiellement transférées entre contribuables en vertu des dispositions sur les pertes apparentes, les pertes pourront aussi être visées par les règles d’attribution pour modifier l’identité de leur utilisateur final. C’est principalement lorsqu’une transaction est initialement soumise aux règles d’attribution et qu’une perte apparente est réalisée dans les circonstances analysées que nous pouvons les voir agir concurremment, ou plutôt en priorité. Un exemple valant mille mots, en voici deux qui illustrent cette relation.

La perte apparente autrement visée par les règles d’attribution

Prenons une situation où les règles d’attribution s’appliqueraient sur les revenus et gains réalisés, par exemple lors d’un don au conjoint. Si une perte était réalisée par le conjoint bénéficiaire du don, elle serait a priori attribuée au conjoint donateur. Par contre, si le conjoint donateur avait acquis le même bien en déclenchant la règle sur les pertes apparentes, la perte serait réputée nulle avant même d’avoir l’occasion d’être réattribuée.

La perte apparente créée au remboursement d’un prêt à taux prescrit entre conjoints

L’autre exemple illustre une exception aux règles d’attribution, soit celle par laquelle le bien est transféré à sa valeur marchande par le conjoint prêteur et que la contrepartie inclut un prêt à taux prescrit accordé au conjoint emprunteur. Cette situation n’attire pas les règles d’attribution puisqu’il s’agit d’une exception expresse lorsque le conjoint emprunteur fait le choix de ne pas se prévaloir du roulement automatique et que la disposition est effectuée à la juste valeur marchande.

Le conjoint emprunteur pourrait vouloir rembourser son prêt en disposant des biens investis, sans faire appel aux règles d’attribution lorsque la transaction se fait pour une contrepartie à la valeur marchande et que le conjoint cédant fait le choix de ne pas se prévaloir du roulement. Cette deuxième disposition pourrait, aux fins de notre exemple, déclencher une perte pouvant être qualifiée d’apparente si les conditions sont présentes par ailleurs. Le conjoint (emprunteur à l’origine) verra sa perte réputée nulle et le PBR du conjoint (prêteur à l’origine) sera augmenté afin que la perte soit réalisée dans ses mains.

Arrimage avec le roulement au conjoint

Les transferts entre conjoints, qui sont aussi des personnes affiliées, bénéficient normalement du roulement automatique au PBR du bien, à moins que des conditions précises ne soient réunies. Il s’agirait alors d’un scénario dans lequel à la fois le roulement au conjoint, les règles d’attribution et les règles sur les pertes apparentes pourraient s’appliquer. Une analyse serrée des circonstances déterminera le moment de la réalisation de la perte et de l’identité de celui qui la réalisera ou qui pourra l’utiliser.

Remise de dette

Une perte peut aussi être réalisée par un créancier lors de la remise d’une dette pour une somme inférieure à sa valeur marchande, c’est-à-dire lorsque la dette est effacée contre un montant moindre que le montant dû.

Le débiteur bénéficiant de la remise de dette devra appliquer les dispositions prévues lorsqu’une dette commerciale fait l’objet d’une remise. La « créance commerciale » est une créance sur laquelle des intérêts sont payés ou payables en vertu d’une obligation légale et déductibles dans le calcul du revenu.

Un prêt à taux prescrit entre conjoints se range donc dans la catégorie des créances commerciales et son remboursement pour une somme inférieure à sa valeur marchande entraînera l’application de ces règles pour le débiteur.

Conclusion

Les transactions occasionnant des pertes peuvent donner droit à des allègements fiscaux qui permettront de récupérer une partie de la perte économique. Toutefois, il existe de nombreuses conditions pour avoir droit à ces allègements et il est facile pour un investisseur de s’y perdre. On ne le répètera jamais assez souvent, il est essentiel de faire appel à des experts avant toute transaction et de leur fournir un portrait complet de la situation.

Par Nathalie Fisette-Caza, MBA, Pl. Fin., M. Fisc., TEP, Vice-présidente, Services en planification, clientèle fortunée, RBC/Dominion valeurs mobilières, nathalie.fisette-caza@rbc.com

et Paule Gauthier, CPA, CA, LL. M., TEP, Vice-présidente, Services en planification, clientèle fortunée, RBC/Dominion valeurs mobilières, paule.gauthier@rbc.com

Ce texte a paru initialement dans le magazine Stratège de l’APFF, (Printemps 2021), vol. 26, no 1.