Retour sur les nouvelles règles à l'égard des placements interdits

Ces nouvelles règles se retrouvent aux articles 207.01 et suivants de la Loi de l’impôt sur le revenu (« L.I.R. »). Elles ont fait l’objet de plusieurs modifications depuis mars 2011, incluant les plus récents changements apportés par le Projet de loi C-4, qui a été sanctionné le 12 décembre 2013.

Nouvelles règles

Les placements dans un REÉR et un FERR doivent maintenant respecter les règles régissant les placements interdits qui s’appliquent depuis 2009 à l’égard des comptes d’épargne libre d’impôt (CÉLI). Les règles régissant les placements non admissibles continuent par ailleurs de s’appliquer.

Ces deux notions sont différentes tant par la qualification du placement que par les impôts spéciaux qui leur sont applicables. Lorsqu’un placement est à la fois un placement interdit et un placement non admissible, il est réputé être uniquement un placement interdit.

Avant la mise en place de nouvelles règles, un particulier pouvait détenir, par l’intermédiaire de son REÉR, plus de 10 % des actions d’une catégorie quelconque d’une société publique sans être assujetti à un impôt de pénalité. Également, il était possible pour l’actionnaire d’une société exploitant une petite entreprise de détenir dans son REÉR des actions d’une telle société, selon les limites permises par le paragraphe 4900(12) du Règlement de l’impôt sur le revenu, sans être assujetti à un impôt de pénalité.

Rappelons que les limites permises par ce règlement permettaient à un particulier de détenir des actions d’une société exploitant une petite entreprise dans son REÉR s’il détenait moins de 10 % des actions émises d’une catégorie quelconque de la société, ou s’il détenait 10 % ou plus des actions d’une catégorie quelconque de la société, pourvu qu’il n’eût pas un lien de dépendance avec la société et que le coût de ses actions fût de moins de 25 000 $.

Les nouvelles règles visent donc autant les REÉR des détenteurs d’un bloc important (10 % et plus) d’actions d’une catégorie quelconque d’une société publique ou privée. Pour cette détermination, il faut aussi tenir compte des actions détenues par des personnes ayant un lien de dépendance. Lorsqu’elles s’appliquent, les nouvelles règles peuvent entraîner des impôts de pénalité importants.

Aux fins du présent article, nous ne traiterons que des placements interdits.

Placements interdits

La notion de placement interdit fait référence à une notion de participation notable dans une société. Si un particulier a une participation notable dans une société et qu’il détient dans son REÉR ou son FERR des actions de cette société, les nouvelles règles s’appliqueront. La notion de participation notable fait, quant à elle, référence à la notion d’actionnaire déterminé, tel qu’elle est définie au paragraphe 248(1) L.I.R.

Généralement, une personne détient une participation notable dans une société si elle détient seule ou avec des personnes avec qui elle a un lien de dépendance :

• 10 % ou plus d’une catégorie d’actions d’une société privée ou publique ou d’une société liée à celle-ci; ou

• 10 % ou plus de la juste valeur marchande (« JVM ») de l’ensemble des participations d’une société de personnes ou d’une fiducie.

Fait important, le pourcentage de détention d’un placement dans un REÉR ou dans un FERR doit être constamment surveillé, car les règles s’appliquent « à tout moment de l’année » et non seulement au moment de l’acquisition du placement.

Comme nous l’avons mentionné, les nouvelles règles font en sorte que des impôts de pénalité importants peuvent s’appliquer. Le moment où le placement est acquis détermine les impôts de pénalité applicables.

Impôts de pénalité

Deux impôts peuvent être imposés lorsqu’un placement devient interdit ou qu’il l’est dès le moment de son acquisition, à savoir :

• un impôt de 50 % de la JVM du placement lorsqu’il devient interdit ou est acquis. Cet impôt ne s’applique pas à un placement qui était détenu le 22 mars 2011 dans un REÉR ou un FERR et qui est devenu un placement interdit le 23 mars 2011; et

• un impôt de 100 % du revenu gagné ou des gains en capital réalisés attribuables au placement interdit. Des règles transitoires peuvent s’appliquer au revenu gagné ou aux gains en capital réalisés sur un placement détenu le 22 mars 2011 dans un REÉR ou un FERR qui est devenu un placement qui était interdit le 23 mars 2011.

Afin d’illustrer ces deux impôts, prenons comme exemple le REÉR de Mme X qui a acheté, le 3 décembre 2013, 8 % des actions d’une catégorie d’actions de la société ABC pour la somme de 100 000 $. Supposons que, sans qu’elle le sache, son beau-frère détenait déjà 3 % des actions de la même catégorie d’actions de la société ABC, et ce, par l’entremise d’une société qu’il contrôle.

Dans une telle situation, bien que Mme X détienne moins de 10 % d’une catégorie d’actions de la société ABC, le placement est un placement interdit au moment de son acquisition et elle sera tenue de payer un impôt de pénalité de 50 000 $, soit 50 % de la JVM du placement au moment de son acquisition. De plus, si la société ABC paie des dividendes sur les actions pendant qu’elles sont détenues par le REÉR, Mme X devra également payer un impôt de pénalité de 100 % sur le revenu gagné par le REÉR.

Le REÉR de Mme X devra plus tard se défaire du placement interdit pour minimiser l’impact des nouvelles règles. Au moment de la disposition, si le placement a pris de la valeur, il y aura un impôt de pénalité équivalant à 100 % du gain en capital réalisé qui devra être payé.

Cet exemple démontre l’importance de s’assurer qu’un placement n’est pas interdit dès son acquisition, mais aussi qu’il ne le sera pas tout au long de sa détention.

Demande de remboursement pour les placements interdits acquis après le 22 mars 2011 ou qui le deviennent après cette date

Pour les placements interdits acquis après le 22 mars 2011 ou ceux qu’ils le deviennent après cette date, il est possible de demander le remboursement des impôts de pénalité ayant été payés.

En effet, un remboursement de l’impôt payé peut être demandé s’il est démontré que le rentier ne savait pas que le placement était ou deviendrait un placement interdit et si le REÉR ou le FERR dispose du placement avant la fin de l’année au cours de laquelle il a été acquis ou au cours de laquelle il est devenu un placement interdit.

Par ailleurs, le ministre peut renoncer à cet impôt s’il est juste et équitable de le faire, après avoir considéré toutes les circonstances, y compris le fait que les impôts découlent d’une erreur raisonnable, la mesure dans laquelle l’opération ou la série d’opérations donnent lieu à d’autres impôts sur le revenu et si l’impôt de pénalité a été payé à même un paiement provenant du régime enregistré.

À ce jour, l’Agence du revenu du Canada (« ARC ») n’a pas publié de directives claires et précises, ni de procédures administratives prévoyant comment elle entendait rembourser les impôts ou renoncer à ceux-ci. De plus, il n’existe pas de formulaire prescrit pour effectuer la demande.

Il s’agira pour le rentier d’envoyer une lettre détaillant les circonstances de l’acquisition et d’inclure le nom du placement, le nombre d’actions ou d’unités détenues, la date où le bien a été acquis ou à laquelle il est devenu un placement interdit, ainsi que les détails concernant la disposition ou la date où le bien a cessé d’être interdit.

Mesures transitoires pour les placements devenus interdits le 23 mars 2011

Aucune règle « grand-père » ne vise les placements détenus dans un REÉR ou FERR antérieurement à la mise en œuvre de nouvelles règles. Il y a donc plusieurs particuliers qui se sont retrouvés, au lendemain du Budget 2011, à détenir des placements interdits par l’intermédiaire de leur REÉR ou FERR.

Afin de tenter de remédier aux effets néfastes de nouvelles règles, des mesures transitoires ont été prévues afin d’éviter l’impôt de pénalité de 100 % touchant les placements interdits détenus le 22 mars 2011.

Les règles transitoires prévues au paragraphe 207.05(4) L.I.R. prévoient ce qui suit :

• tout revenu gagné après le 22 mars 2011 et avant 2022; ou

• tout gain en capital réalisé ou accumulé après le 22 mars 2011 et avant 2022 doit être sorti du REÉR ou du FERR et distribué au rentier dans les 90 jours après la fin de l’année au cours de laquelle le revenu ou le gain en capital ont été réalisés. Toute perte en capital réalisée réduit le montant du revenu qui doit être distribué dans le délai de 90 jours.

Le particulier paiera l’impôt sur cette distribution aux taux d’imposition ordinaires, comme pour toute autre distribution normale d’un REÉR ou d’un FERR, plutôt que l’impôt de pénalité de 100 %.

Pour bénéficier des règles transitoires, il fallait faire un choix avant le 2 mars 2013 en remplissant le Formulaire RC341, « Choix relatif à un bénéfice transitoire d’un placement autre qu’un REÉR ou un FERR ».

Si le choix a été fait dans le délai prescrit, le placement devra être retiré du compte ou encore devenir un placement non interdit avant 2022. Dans l’intervalle, il faudra calculer annuellement le montant au titre de « bénéfices transitoires » et le rentier devra le retirer du REÉR ou du FERR au plus tard 90 jours suivant la fin de l’année pour éviter le paiement de l’impôt de pénalité. Il est en effet préférable pour le particulier de payer un impôt sur le montant retiré du REÉR, à son taux marginal d’imposition, plutôt que de payer un impôt de pénalité de 100 %.

Il faudra également déterminer la JVM du placement au 22 mars 2011 et sa JVM au moment de la disposition réelle ou réputée du bien (par exemple, si le placement cesse d’être interdit sans être vendu).

Si le choix a été fait dans le délai prescrit, la plus-value accumulée sur le placement entre le 23 mars 2011 et la date où le placement est vendu ou cesse d’être interdit pourra elle aussi être imposée à titre de retrait d’un REÉR ou d’un FERR selon les taux progressifs applicables au particulier si un montant égal à ce gain en capital est effectivement retiré du REÉR ou du FERR au plus tard 90 jours suivant la fin de l’année.

Il est donc recommandé de retirer le placement interdit dès que possible, avant qu’il prenne trop de valeur par rapport à sa valeur au 22 mars 2011, ou à un moment où sa valeur s’est dépréciée par rapport à sa valeur au 22 mars 2011, afin de minimiser le montant à retirer du REÉR ou du FERR et par conséquent sa facture d’impôt à payer.

Non-application des règles transitoires

Si le choix de se prévaloir des mesures transitoires n’a pas été fait dans le délai prescrit, il faut calculer le montant au titre d’avantage dans le compte REÉR ou FERR entre le 23 mars 2011 et le moment où le placement cesse d’être interdit, soit :

• tout revenu gagné par le placement à titre de dividendes, intérêts ou autres;

• tout gain en capital réalisé ou accumulé après le 22 mars 2011.

Le montant au titre d’avantage ainsi calculé sera imposable à 100 % pour le rentier.

De plus, au moment où le placement sera vendu ou cessera d’être un placement interdit, l’impôt de 100 % sur le montant de l’avantage s’appliquera, ce qui signifie que 100 % de la plus-value accumulée sur le placement depuis le 22 mars 2011 doit être payée à l’ARC par le rentier à titre d’impôt de pénalité.

Dans de tels cas, l’impôt à payer par le rentier n’est donc pas calculé comme s’il s’agissait d’un retrait d’un REÉR ou d’un FERR.

Il est possible en vertu du paragraphe 207.06(2) L.I.R. de demander au ministre de renoncer à cet impôt selon les limites mentionnées ci-dessus.

Retrait du placement interdit

Afin de cesser d’être assujettis aux nouvelles règles, les placements doivent cesser d’être des placements interdits. Pour ce faire, les placements interdits acquis après le 22 mars 2011 doivent être vendus à un tiers ou sur le marché.

Quant à ceux détenus le 22 mars 2011, ils peuvent être vendus à un tiers, sur le marché ou au rentier. Le rentier peut en effet acquérir le bien du REÉR ou du FERR sans impôt ou pénalité supplémentaires, s’il le fait avant 2022 pour une contrepartie (en espèces, par exemple) équivalant à la JVM du bien au moment de la transaction.

Nouveautés en 2013

Parmi les modifications apportées par le Projet de loi C-4, notons que le nouveau paragraphe 207.01(6) L.I.R. prévoit qu’un bien qui devient un placement interdit ou qui cesse de l’être sera réputé faire l’objet d’une disposition de sorte que les impôts de la partie XI.o.1 L.I.R. s’appliqueront à une telle disposition. Cette modification peut avoir pour conséquence de générer un gain en capital qui sera assujetti à un impôt de pénalité ou de forcer le retrait du gain en capital du REÉR ou du FERR pour profiter des mesures transitoires, et ce, même si aucun produit de disposition n’est réellement reçu. Le paragraphe 207.01(7) L.I.R. précise que le coût d’un placement détenu par un REÉR ou un FERR le 22 mars 2011 est réputé égal à sa JVM le 22 mars 2011.

Toutefois, les paragraphes 207.01(8) et 207.01(9) L.I.R. ont également été ajoutés afin de permettre au rentier, dans certaines circonstances, de faire un choix pour éviter la disposition réputée prévue au paragraphe 207.01(6) L.I.R. Ces nouveaux paragraphes entrent en vigueur le 23 mars 2011. Le choix sera réputé avoir été fait dans le délai imparti s’il est envoyé dans les 90 jours suivant le 12 décembre 2013, la date de la sanction royale du projet de loi.

Cet article se voulait un rappel de l’importance de bien connaître la portée des règles et de s’assurer que les mesures seront prises pour éliminer les placements interdits existants. À l’avenir, les particuliers devront également être prudents lorsqu’ils décideront des placements à acquérir par leur REÉR ou leur FERR parce que les impôts sur les placements interdits peuvent être importants.

* Article paru initialement dans le magazine Stratège de l’APFF, vol. 19, numéro 2, du mois d’avril 2014.

Photo Bloomberg

Ce texte provient du Stratège, une publication de l’Association de planification fiscale et financière (APFF), et a été écrit par Johanne Dubé.