À titre d’exemple, à la suite de son analyse des différents mémoires déposés, l’Association professionnelle des conseillers en services financiers (APCSF) réitère l’un des principaux arguments soulevés par le secteur, soit que l’abandon de cette forme de rémunération réduirait l’accès aux conseils pour les petits épargnants. (2)
Comme toute proposition qui vise à implanter des changements majeurs, le secteur réagit et il en soulève les impacts sur lui et sur les clients. Les réactions à cette proposition ne font donc pas exception, à une différence près.
Ici, on ne parle pas de règles plus sévères ou de nouvelles exigences de documentation ou d’informations à fournir aux clients, une démarche souvent perçue comme une bureaucratie lourde ou coûteuse, en dépit d’une adhésion aux principes sous-jacents : on peut penser ici au MRCC 2, Modèle de relation client-conseiller. Non, on parle plutôt d’une abolition qui signifie la fin d’un modèle d’affaires avec des impacts pour le marché et l’accès à la profession pour les jeunes. De même que de la disparition de services ou de l’accès à des services et à des conseils pour une majorité d’épargnants. (3)
On pourrait donc être tenté de se dire « Encore une fois, il y a de l’exagération » et que tout le monde finira par s’adapter.
Et si cette fois, les appréhensions se révélaient plus que des appréhensions ou de la résistance au changement? Après tout, l’objectif est d’assurer un meilleur service au client et d’empêcher des pratiques entourant les rémunérations perçues comme contraires aux intérêts des épargnants.
Qu’en est-il au juste?
Pour comprendre, il faut se rapporter à la démarche initiale de 2012 où les ACVM ont amorcé leur réflexion sur les frais des organismes de placement collectif (OPC) en regard de la protection des épargnants et de l’équité. (4)
Les ACVM ont alors noté que ce marché constituait « une pierre angulaire des investissements de nombreux Canadiens », mais estimaient cette réflexion nécessaire en raison de leur coût évalué parmi les plus élevés comparé à d’autres marchés. (5)
Ainsi, le Document a circonscrit l’action réglementaire aux commissions de suivi avec une option d’abolition en fonction de trois angles : la gestion des conflits d’intérêts, la compréhension et le contrôle des coûts, ainsi que l’adéquation aux services fournis. (6)
Les arguments : le pour et le contre sous ces trois angles
Adéquation aux services
Réglons ici que si le client ne reçoit pas de conseils, il paie trop cher et l’option d’abolition est une solution acceptable. L’argument principal du marché c’est l’accès au conseil pour les plus petits épargnants. On cible ici environ 4,5 millions de ménages avec des actifs inférieurs à 100,00$ (7), soit 80% des ménages canadiens. (8)
Pas surprenant que 71% des organismes de défense des investisseurs soient en faveur de l’abolition des commissions intégrées. (9)
La clef pour les investisseurs c’est le conseil car « le fait d’avoir un conseiller accroît significativement le taux d’épargne d’un client ». (10)
Cet impact est majeur et milite en faveur de la recherche d’autres options pour assurer cette adéquation coûts-services, d’autant plus que plusieurs cabinets ont ajusté leurs pratiques dans le cadre du MRCC, puisque les conseillers doivent justifier les frais facturés. (11) Cela s’ajoute au rehaussement des obligations des courtiers envers leurs clients. (12)
Un autre élément à considérer, est le développement vers les comptes à honoraires qui se traduit par une absence de service pour les détenteurs de petits de comptes puisqu’on parle de seuils de 250 à 450,00$ (13)
La compréhension et le contrôle des coûts
L’objectif énoncé au Document est de « proposer aux investisseurs un modèle qui leur donne les moyens d’agir et qui concilie au mieux les intérêts ». (14)
Diverses formes sont proposées : rémunération directe, commission à l’acquisition, honoraires fixes et honoraires selon le pourcentage des actifs, qui permettent chacune une négociation établie dans une convention. (15)
En principe, cette ouverture permet à chaque épargnant de retenir la formule qui lui convient le mieux. En même temps, on demande à l’épargnant d’apprécier à l’avance un service qu’il peut avoir du mal à évaluer à l’heure ou le niveau de littéracie financière semble bas. (16)
La gestion des conflits d’intérêts
À cet égard, il faut penser que tout fournisseur de services en retire un bénéfice. Ce qui importe, c’est donc la connaissance favorisée par les exigences de divulgation et d’encadrement établies par les diverses autorités réglementaires.
L’abolition est certes efficace, mais on pourrait penser que de continuer à encadrer « en ajoutant des directives aux règles existantes ou en les modifiant » le serait aussi. (17)
Qu’en conclure?
Le Document atteste de l’impact de l’option d’abolir les commissions intégrées et on comprend la réaction du secteur à favoriser des mesures moins « déstabilisantes » (18)
Un autre élément des plus importants à inclure dans l’équation est l’encadrement des fonds distincts. Plusieurs épargnants les assimilent à des fonds communs alors qu’ils sont moins réglementés que ces derniers. Cet écart est certes sous la loupe des régulateurs, mais s’il n’est pas réglé de façon concomitante, on risque de seulement déplacer le problème, et c’est l’épargnant qui sera perdant. (19)