Sans entrer dans le détail de ce débat, la question des FAR peut servir à illustrer une réflexion plus approfondie sur l’approche réglementaire.

Plusieurs approches ont été suggérées, comme solutionner l’absence de transparence des commissions intégrées en les remplaçant par une rémunération directe, par un frais d’entrée ou des honoraires à négocier. Chose certaine, la consultation des ACVM risque de provoquer un autre bouleversement majeur des pratiques du domaine. Le régulateur devrait considérer l’impact sur le « terrain », ainsi que les coûts afférents à ces changements, le tout afin de s’assurer de toucher la bonne cible.

En ce sens, toutes les voix qui s’expriment sur les impacts pratiques de cette réglementation ont le mérite d’amener la réflexion non pas vers une interdiction, mais à plutôt dans la direction d’un éventail de solutions connues et comprises par le client. L’objectif fondamental de cette réglementation devrait plutôt viser la connaissance par le client par rapport à la commission.

Au niveau de l’objectif, on cible aussi le conflit d’intérêts, inhérent à ce type de rémunération, dont la gestion ne semble pas encore assez efficace, malgré toutes les dispositions normatives créées depuis quelques années. Faut-il donc continuer à ajouter des règles ou aller jusqu’à l’interdiction? Le client sera-t-il vraiment mieux servi? Ne devrait-on pas le laisser apprécier et décider tout en poursuivant les initiatives d’éducation? L’Autorité des marchés financiers (AMF) est particulièrement proactive et imaginative à cet égard.

Les dispositions qui régissent les conflits d’intérêts reposent sur deux grands principes : la primauté de l’intérêt du client et la divulgation. Ces principes, le premier surtout, font partie des arguments des opposants à la création d’un « devoir fiduciaire » à ajouter dans la réglementation du secteur des valeurs mobilières.

Le Québec et le Code civil

Le Normatif et le Prescriptif

Au Québec, en plus , cette notion de devoir fiduciaire est déjà couverte par le Code civil. Point n’est besoin d’en rajouter pour la rendre plus évidente ou plus claire à moins de démontrer qu’elle n’a jamais été appliquée, ce qui n’est pas le cas.

Ici encore, la tentation de régler un problème d’application par un ensemble de nouvelles règles ne change rien par rapport à la nécessité de déterminer des critères et des seuils d’appréciation au cas par cas.

Cette référence au Code civil du Québec s’inscrit bien dans une réflexion sur l’approche réglementaire. Tenter de tout légiférer pour plus de certitude, certes, semble bien irréalisable d’autant plus que la réglementation n’a pas démontré qu’elle peut anticiper les évolutions des pratiques d’affaires ainsi que des besoins et attitudes des clients.

Le Code civil est un excellent exemple d’un texte législatif de base qui peut couvrir plusieurs réalités, mais qui peut surtout évoluer, et même intégrer, des réalités non connues lors de sa rédaction.

On peut aussi considérer l’avantage d’un texte large par rapport à une multitude de textes spécialisés qu’il faut connaitre et relier.

Cela veut-il dire que l’on ne légifère jamais de façon explicite et précise? Non mais on choisit en fonction du besoin et du résultat recherché.

Responsabiliser

Plus la règle est précise et détaillée, plus elle est facile à comprendre autant par ceux qui doivent en assurer l’application que par ceux qui doivent la respecter. L’approche prescriptive, traditionnellement utilisée dans le secteur des valeurs mobilières, est même en partie responsable du volume réglementaire, car « plus on en fait plus il faut en faire ».

Le risque lié à une approche très prescriptive, est de développer une interprétation et une application du style « protocole à suivre » utilisant une liste de contrôle (« check list »). Ce faisant, si le protocole a été suivi, par exemple par un conseiller ou une société, il pourrait ne pas y avoir d’infraction. Par contre, pour celui qui examine, la liste de contrôle à suivre risque de limiter le questionnement. Le résultat doit malgré tout avoir du sens.

La norme plus générale constitue par ailleurs, par sa limitation de détails, un incitatif, pour les sociétés, leurs conseillers et autres représentants, à adopter des pratiques vigilantes. Tous préfèrent asseoir leur réputation sur un respect des meilleures pratiques et, pourquoi pas, sur le développement d’une approche réglementaire à l’avant-garde.

Par contre, une approche ayant davantage recours à des principes ou à des règles larges ne rend-t-elle pas le processus de mise en application (« enforcement ») plus difficile et, donc, susceptible de nuire à la crédibilité de sa mise en œuvre ?

Ce processus est, de toute façon, difficile. Dans cette optique, le respect de l’esprit de la loi peut être plus contraignant et préventif que le seul respect de sa lettre!

 

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(1) ACVM 81-408 Consultation sur l’option d’abandonner les commissions intégrées

ACVM Avis 33-318 Analyse des pratiques de rémunération des représentants-Décembre 2016

ACVM Norme 81-105 Les pratiques commerciales des organismes de placement

ACVM A dissection of Mutual Fund Fees, Flows and Performance- Etude Schulich School of Business- Université York

MFDA Review of compensation, Incentives and Conflicts of interests

OCRCVM Avis 160297 Gérer les conflits au mieux des intérêts des clients