La plupart des investisseurs ont une aversion pour le risque et craignent les pertes, quel que soit l’horizon de celles-ci. Toutefois, comment définir les pertes?
La plupart du temps, nous définissons une perte par un rendement négatif réalisé sur une période donnée, tel avoir perdu 15 % à 20 % sur un portefeuille équilibré en 2008. Toutefois, un portefeuille à risque et à rendement espéré moindre peut donner lieu à un autre type de risque, soit une probabilité plus élevée de générer un revenu insuffisant à la retraite.
Les investisseurs se trouvent devant un « compromis de la peur ». Autrement dit, ces derniers doivent choisir entre une probabilité plus élevée de pertes substantielles à court terme mais offrant une meilleure perspective de revenu à la retraite (en présumant un portfefeuille plus risqué) et une probabilité moindre de pertes substantielles à court terme mais offrant une moins bonne perspective de revenu (en présumant un portefeuille moins risqué). Pour y voir clair et espérer comprendre notre profil de risque, l’investisseur doit comprendre ce compromis sous ses deux facettes.
La peur des pertes financières
De janvier 1990 à décembre 2014, le rendement annualisé du marché boursier américain représenté par l’indice des actions Russell 1000 s’établissait à 9,82 % avant déduction des frais. Tous les investisseurs seraient heureux d’un tel rendement. Toutefois, ce rendement n’a pas été réalisé de façon linéaire. La figure ci-dessous indique le rendement annualisé calculé sur des périodes mobiles de un an, de trois ans et de cinq ans. Lorsqu’on utilise une période mobile de un an, on relève plusieurs périodes de très faible rendement.
Toutefois, lorsqu’on utilise une période mobile de cinq ans,l’évolution des rendements est beaucoup plus tolérable, quoiqu’on observe encore des périodes de rendement faible, mais pas nécessairement négatif. Malheureusement, les investisseurs n’examinent pas leur portefeuille à chaque période de cinq ans ni n’examinent uniquement leur rendement moyen que sur la période des cinq dernières années. Ils sont touchés émotionnellement par les rendements à court terme et les commentaires quotidiens sur le marché alimentent leurs craintes.
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Voilà pourquoi la diversification est si importante. La figure qui suit montre les mêmes renseignements pour un portefeuille composé à 60 % d’actions et à 40 % de titres à revenu fixe (avec des obligations du Trésor de dix ans pour l’investissement dans les titres à revenu fixe). Même si la composante titres à revenu fixe a produit un rendement plus bas – quoiqu’impressionnant, de 7,61 % en raison de la baisse des taux d’intérêt -, la répartition 60/40 produit un rendement presque aussi élevé que celui des actions (9,54 %, avec un rééquilibrage annuel) en raison de l’effet de la diversification (volatilité plus faible) sur les rendements composés. Dans ce cas, la période mobile de un an montre encore des pertes importantes pendant certaines périodes, mais ces pertes sont beaucoup plus faibles que celles d’un portefeuille composé entièrement d’actions. La période mobile de cinq ans est, quant à elle, encore plus stable.
Les investisseurs doivent comprendre que même si de tels événements sont rares, un portefeuille d’actions peut perdre 40 %, ou plus, de sa valeur en une seule année, tandis qu’un portefeuille 60/40 peut perdre plus de 20 %. Heureusement, l’analyse des rendements historiques indique également que les importantes pertes sont généralement suivies par d’importants gains dans la mesure où l’investisseur n’a pas paniqué ni liquidé son portefeuille. Cela dit, ces observations s’appliquent seulement aux portefeuilles bien diversifiés de titres et de catégories d’actifs. La crise de 2008 a démontré que même des actifs financiers dont la notation de crédit est élevée peuvent subir une dégringolade de leur cours. Que vous déteniez ou non des portefeuilles à faible risque ou à risque élevé, les portefeuilles devraient être bien diversifiés.
Naturellement, les investisseurs peuvent décider de détenir des portefeuilles à très faible risque. La figure qui suit indique les rendements mobiles d’un investissement dans des obligations du Trésor de cinq ans. Le rendement composé moyen s’est établi à 5,54 % et le rendement a été relativement stable. Malheureusement, ce rendement historique ne fut possible qu’en raison de la baisse des taux d’intérêt. Le rendement de tels titres se situait en deçà de 2 % en décembre 2014, d’où l’impossibilité de réaliser au cours de la décennie à venir les rendements réalisés lors des décennies antérieures.
La peur de rendements inadéquats sur le capital investi
Prenons l’exemple d’un investisseur âgé de 35 ans qui est en mesure d’affecter 30 % de ses économies à des comptes avec exonération ou report d’impôts et 70 % à son compte imposable; il fait annuellement « X » dollars d’économies après impôt réelles et ajustera, par conséquent, ses économies nominales annuellement en fonction du taux d’inflation, disons de 2 %. Cet investisseur prendra sa retraite à l’âge de 65 ans et a une espérance de vie de 90 ans. Prenons l’hypothèse qu’il peut choisir entre deux portefeuilles : un avec un rendement annuel prévu d’environ 2 % après déduction des frais et des impôts
(probablement un portefeuille axé sur des obligations) et un autre avec un rendement prévu d’environ 4,5 % (probablement un portefeuille plus risqué, comme un portefeuille composé à 60 % d’actions et à 40 % de titres à revenu fixe). Pour l’instant, mettons de côté la façon dont ces rendements ont été calculés. Il s’agit uniquement d’établir l’effet d’un écart de rendement de 2,5 % lorsque l’horizon de placement est aussi long que 55 ans, soit 30 ans d’accumulation et 25 ans de désaccumulation.
Quel est le véritable revenu après impôt auquel cet investisseur peut s’attendre à recevoir annuellement à sa retraite avant d’épuiser tous ses actifs ? Pour simplifier les choses, avec des économies annuelles réelles de 1 000 $ (ajusté en fonction de l’inflation), le revenu de retraite réel (ajusté en fonction de l’inflation) s’établira à environ 1 200 $ annuellement si le rendement moyen est de 2 %, mais à 2 442 $ si le rendement est de 4,5 %. Donc, dans le premier scénario, cet investisseur peut s’attendre à encaisser annuellement, après déduction de l’impôt, environ 120 % de ses économies annuelles, tandis que dans le deuxième scénario, l’encaissement peut atteindre 245 %. Autrement dit, il faut deux fois plus d’économies suivant un scénario de rendement de 2 % pour l’obtention du même revenu que suivant le scénario de rendement à 4,5 %.
Que devraient faire les investisseurs?
De nombreuses raisons expliquent le fait que les grandes caisses de retraite gérées par des professionnels répartissent 60 % à 70 % de leurs portefeuilles dans des actions, l’immobilier, l’infrastructure et autres actifs plus risqués – que les obligations de qualité supérieure. Premièrement, la diversification, conjuguée à un processus de rééquilibrage efficace, fonctionne à long terme.
Deuxièmement, le coût de prestations de retraite adéquates aux retraités dans le cas d’une affectation presque entièrement en obligations serait extrêmement élevé. Cela nécessiterait que les employés, les employeurs et les gouvernements augmentent considérablement leurs cotisations respectives à ces régimes. Pourtant, bon nombre de personnes estimeraient qu’une répartition de 60 % à 70 % d’actions est difficilement envisageable pour leur portefeuille personnel.
Les recherches ont permis la découverte d’une corrélation élevée entre l’aversion pour le risque et l’angoisse. On a aussi découvert que les personnes qui craignent le risque sont plus susceptibles de croire, en moyenne, que des résultats défavorables risquent davantage de se produire et sont pires qu’en réalité. Toutefois, ces observations se limitent à notre situation personnelle. Autrement dit, l’angoisse, l’aversion pour le risque et la croyance que de mauvais résultats risquent davantage de se produire ont moins d’effet sur notre processus décisionnel lorsque nous analysons la même situation dans le contexte d’une autre personne, et non pas dans notre contexte personnel. Par conséquent, les
particuliers sont souvent beaucoup plus émotionnellement impliqués lorsqu’ils investissent leurs économies personnelles que les gestionnaires de caisses de retraite qui gèrent les actifs d’autres personnes (et non pas les leurs). C’est l’une des raisons pour lesquelles bon nombre de personnes ont besoin d’un conseiller et de soutien moral pour les aider à gérer leurs émotions et demeurer sur une voie stable.
Généralement, on pose quelques questions aux investisseurs pour déterminer le portefeuille qui leur convient. Ces questions relèvent de trois catégories :
• La situation personnelle et financière. On présume souvent que les jeunes ayant un revenu courant plus élevé et un certain patrimoine sont davantage en mesure de courir un certain risque.
• Les objectifs et la tolérance au risque. Un objectif à long terme peut justifier un portefeuille plus risqué, mais peu importe la situation personnelle et financière et l’objectif, certaines personnes peuvent éprouver des craintes au sujet de la possibilité de subir une perte financière, même sur une courte période. En outre, lorsqu’on pose à une personne des questions pour déterminer sa tolérance aux pertes, cette personne peut y répondre différemment si on les lui pose pendant une crise financière, comme en 2008, ou pendant un marché à la hausse, comme en 2013. La personne peut aussi répondre différemment selon la formulation de la question. Par exemple, est-ce que la réponse sera la même si on lui demande « Que pensez-vous de la perte d’environ 10 % de votre actif sur une période de 12 mois? » ou « Que pensez-vous de la perte de 100 000 $ sur 12 mois? » Des recherches plus récentes révèlent que pour mieux évaluer la tolérance au risque, il suffit d’examiner le comportement et les actes passés de l’investisseur, son cheminement de carrière et ses sources d’influence sociale plutôt que de lui poser des questions hypothétiques au sujet d’un comportement prévu dans certains cas. Ce serait une enquête sur la tolérance au risque plus efficace, mais pas nécessairement plus facile.
• Les connaissances et l’expérience en matière d’investissement. Il est important de fixer des objectifs appropriés et d’avoir des attentes appropriées. Toutefois, il n’y a rien de pire que croire que nous en savons davantage qu’en réalité. Il s’agit souvent du plus grand obstacle à la mise en œuvre d’un plan financier à long terme. Par exemple, certains investisseurs estiment qu’ils peuvent acheter et vendre au bon moment ou identifier le prochain Alphabet (c’est-à-dire Google).
Certaines de ces questions font référence à la capacité de risque de l’investisseur; le niveau de risque associé au portefeuille qui est approprié compte tenu de la situation personnelle et financière de l’investisseur et de ses objectifs. D’autres portent sur l’incidence d’autres facteurs sur la tolérance au risque de l’investisseur. Néanmoins, l’information et les indications sont cruciales pour aider les investisseurs à comprendre ce qui leur convient et, peut-être, à gérer leurs angoisses.
La situation d’un investisseur peut influencer son aversion pour le risque. Toutes autres choses étant égales, l’investisseur plus prospère et plus jeune peut se sentir plus à l’aise de courir des risques plus élevés. La personne entourée par les membres de sa famille et ses amis qui investissent régulièrement bénéficie d’une influence positive et rassurante. Toutefois, certains investisseurs éprouvent davantage d’angoisse lorsque vient le temps d’investir. Nous avons tous notre propre personnalité, mais l’une des façons d’améliorer notre capacité de prendre des décisions rationnelles consiste à mieux comprendre le milieu du placement ainsi que les incidences des décisions que nous prenons aujourd’hui. Par conséquent, l’objectif de cette information consiste à aider les investisseurs à prendre des décisions de placement plus appropriées et rationnelles ainsi qu’à gérer leurs craintes. Comme l’a dit Warren Buffet : il est simple, mais pas facile, d’investir.
Ce texte provient du Stratège, une publication de l’Association de planification financière et fiscale (APFF), et a été écrit par Guy Carbonneau.