Cependant, l’objectif de la présente chronique n’est pas d’expliquer comment obtenir une diversification efficiente du portefeuille au sein de l’économie réelle (cette question sera abordée dans une autre chronique), mais plutôt de montrer comment la diversification réduit le risque d’un portefeuille tout en rehaussant le rendement attendu de ce dernier.
Le principe élémentaire de la diversification pourrait s’exprimer ainsi : éviter de mettre tous ses oeufs dans un même panier. Au cours des récentes décennies, nous avons assisté à de nombreux échecs spectaculaires d’entreprises qui semblaient bien établies, comme Swissair, WorldCom/MCI, Tyco, Arthur Anderson, Enron et Nortel. Toutefois, la diversification vise bien plus qu’à éviter de graves erreurs de placement.
Pour comprendre les avantages de la diversification, il est utile de caractériser les titres et les portefeuilles selon deux variables : le rendement périodique moyen et le risque (défini ici selon l’écart type des rendements, appelé volatilité). La volatilité est une mesure simple de la dispersion des rendements autour du rendement périodique moyen. Elle est calculée au moyen de la formule suivante. Toutefois, l’équation importe moins que les implications de ses résultats.
Par exemple, supposons que le rendement moyen d’un titre de même que sa volatilité atteignent 10 % annuellement. Dans l’hypothèse d’une distribution normale des rendements – ce qui est une façon courante de simplifier la démonstration -, la mesure de la volatilité rend compte de l’ensemble du risque.
La distribution est centrée à 10 %, et le tracé et la densité de la courbe normale reflètent la probabilité d’observer des rendements périodiques particuliers. La distribution suggère qu’il est nettement plus probable d’observer des valeurs avoisinant 10 % que des valeurs qui s’en éloignent.
Plus précisément, les probabilités de rendement sur la période sont les suivantes.
Exemple d’un portefeuille équilibré composé d’actions et d’obligations
Illustrons maintenant la notion de diversification et ses avantages au moyen d’un portefeuille formé de deux actifs pendant la période allant de 1990 à 2014. Le premier actif est un placement dans l’indice boursier de rendement total Russell 1000, tandis que le second est un placement dans un portefeuille à revenu fixe investi dans des obligations du Trésor de dix ans.
Comme les actions comportent un risque supérieur à celui des obligations du Trésor, il est logique que la volatilité des premières soit supérieure à celle des secondes. Dans l’exemple proposé, la « tolérance » des investisseurs à cette volatilité accrue est également récompensée par un meilleur rendement composé. Toutefois, cela n’est pas nécessairement toujours le cas.
Bien que les investisseurs devraient normalement être récompensés à long terme lorsqu’ils s’exposent à des risques plus importants, il n’y a aucune garantie qu’en acceptant un degré de risque élevé, ils obtiendront de meilleurs rendements. La possibilité que des attentes rationnelles soient déçues est inhérente à la notion de risque. Un rendement moyen supérieur sur des actifs risqués constitue la compensation de l’investisseur pour les périodes difficiles. Cet aspect sera traité dans la prochaine chronique.
Néanmoins, cet exemple illustre bien les avantages de la diversification. En outre, bien que le rendement périodique du portefeuille (10,05 %) corresponde simplement à la moyenne pondérée du rendement périodique des deux actifs, le rendement composé de ce portefeuille est semblable à celui de l’indice Russell 1000 (9,54 %, par rapport à 9,82 %) tout en étant beaucoup moins volatil (10,63 %, par rapport à 18,49 %).
Cela soulève deux questions. Pourquoi un portefeuille équilibré composé à 60 % d’actions et à 40 % d’obligations offre-t-il une volatilité si faible, et pourquoi procure-t-il un rendement composé si élevé? Le graphique suivant présente les rendements annuels de l’indice Russell 1000 (en bleu) et des obligations du Trésor (en gris) pendant la période de référence. La volatilité supérieure des actions y est évidente.
La différence entre ces structures de rendement est souvent exprimée au moyen d’une mesure appelée corrélation, qui va de -1 à 1. Une corrélation de 1 signifie l’absence d’avantages conférés par la diversification puisque les deux actifs évoluent en parallèle. Plus la corrélation est faible, plus la diversification est efficace.
Dans l’exemple proposé, la corrélation entre les actions et les titres à revenu fixe est faible, à -0,28, ce qui veut dire que la diversification réduit efficacement la volatilité du portefeuille. Il est facile de comprendre que la corrélation entre les actions et les titres à revenu fixe sera vraisemblablement plus faible que celle entre deux actions du secteur bancaire.
En outre, la volatilité du portefeuille est inférieure à la moyenne pondérée de la volatilité des deux actifs en raison de la corrélation imparfaite (inférieure à 1). Qu’est-ce qui explique que le rendement composé du portefeuille est si élevé? La prédécente chronique explique que la volatilité réduit le rendement composé d’un actif. Bien qu’il s’agisse d’une approximation, il est possible de démontrer que la volatilité entraîne une perte de rendement composé qui correspond à peu près à la moitié du carré de la volatilité (ou la moitié de la variance) de cet actif. L’équation suivante exprime ceci.
Dans le cas de l’indice Russell 1000, la différence entre le rendement périodique et le rendement composé est 1,68 %, tandis que le carré de la volatilité (18,49 %2) divisé par 2 donne 1,71 %, un résultat très similaire. Le même calcul effectué pour l’exemple du portefeuille équilibré donne 0,51 % et 0,56 %.
Ce portefeuille bénéficie d’une moindre perte de rendement composé grâce à sa faible volatilité. Cela illustre l’importance des avantages conférés par la diversification. La volatilité nuit aux rendements composés; la diversification, qui réduit le risque, atténue la baisse de rendement composé attribuable à la volatilité. Voici donc deux bonnes raisons de diversifier un portefeuille : l’atténuation du risque et la diminution de la perte de rendement composé par unité de rendement périodique.
Enfin, les investisseurs ont souvent tendance à omettre un principe lié à la diversification. Pour que la diversification puisse réduire le risque et accroître le rendement composé, comme illustré ci-dessus, il faut rééquilibrer le portefeuille. Sinon, ni les avantages de la diversification sur la volatilité ni les rendements composés ne seront pleinement réalisés à long terme. Bien que différentes méthodes de rééquilibrage puissent être appliquées, plusieurs méthodes courantes présentent une efficacité semblable.
L’exemple précédent repose sur l’hypothèse d’un rééquilibrage annuel du portefeuille à sa pondération cible de 60 % d’actions et 40 % d’obligations. Autrement dit, si le rendement annuel des actions est supérieur à celui des obligations du Trésor et que la pondération en actions dépasse 60 % de la valeur du portefeuille, les pondérations cibles devront être rétablies par la vente d’actions et l’achat d’obligations du Trésor.
La frontière efficiente et ses limites
Le concept de frontière efficiente est une représentation des différentes allocations de portefeuille permettant, conceptuellement, d’optimiser le rendement d’un portefeuille pour un niveau spécifique de risque. Il est souvent utilisé pour illustrer les bénéfices de la diversification. La figure suivante illustre les différentes combinaisons optimales de risque et de rendements qui auraient pu être réalisées au cours de la période de 1990 à 2014 en conjuguant des actions et des obligations du Trésor dans des proportions qui vont de 0 % à 100 % d’actions.
Le concept de frontière efficiente est valable, mais son application est délicate, car les frontières efficientes sont habituellement établies en
fonction de rendements historiques, et donc de volatilités et de corrélations historiques. Ainsi, la courbe de la figure est très variable
selon la période de référence utilisée. Comme les investisseurs sont préoccupés par les rendements, volatilités et corrélations futurs, les
frontières efficientes qui leur sont présentées peuvent être trompeuses au moment de sélectionner une composition de portefeuille appropriée et optimale.
Par exemple, même si la frontière efficiente créée à partir des rendements observés de 1990 à 2014 indique qu’un portefeuille de 100 % obligations aurait généré un rendement moyen de 7.9 % sur cette période, nous ne pouvons pas anticiper un tel rendement pour les
prochaines années étant donné le faible niveau actuel des taux d’intérêt. Il n’en demeure pas moins que la diversification réduit le risque de
portefeuille et réduit le drain de performance attribuable à la volatilité. C’est pourquoi il est essentiel de bâtir des portefeuilles diversifiés
aussi efficacement que possible.