Le présent document traite de la diversification des classes d’actifs, des styles de gestion et des régions. Il aborde le concept de la diversification en fonction des facteurs de risque, les défis de la mise en œuvre d’une telle approche, et illustre l’importance d’une diversification étendue dans la conception de portefeuille.
Diversification en fonction des classes d’actifs, des styles de gestion et des régions
Une classe d’actifs est généralement définie comme un large groupe de titres ou autres actifs présentant des caractéristiques similaires, qui évoluent dans les marchés de manière semblable et qui sont assujettis à la même législation et à la même réglementation. De manière pragmatique, elle peut être définie comme un large groupe de titres ou autres actifs qui offrent une exposition similaire à certaines primes de risque ou des avantages de diversification bien spécifiques. Les classes d’actifs traditionnelles sont les actions, les obligations et les quasi-espèces. Les matières premières et l’immobilier sont souvent considérés comme des classes d’actifs. Les fonds de couverture sont bâtis autour de stratégies de placement qui exploitent les primes de risque et les avantages de la diversification qui se retrouvent souvent dans les classes d’actifs traditionnelles. C’est pourquoi plusieurs observateurs ne considèrent pas les fonds de couverture comme une classe d’actifs.
La notion de style de gestion de placement, quant à elle, fait référence aux caractéristiques générales du portefeuille que privilégie la philosophie de placement du gestionnaire. Outre la simple gestion indicielle (qui consiste principalement à reproduire des indices boursiers de référence pondérés en fonction de la capitalisation), les styles de gestion de placement dans les actions les plus connus sont définis en fonction de la taille des sociétés (petites, moyennes ou grandes capitalisations) et de leur attribut fondamental (valeur, croissance, mixte (core), momentum). Les gestionnaires de style valeur cherchent à investir dans des titres offerts au prix le plus avantageux, tandis que ceux de style croissance recherchent des sociétés susceptibles de croître rapidement. Les gestionnaires de style mixte combinent les deux premiers styles, tandis que ceux qui adoptent le style momentum tentent de profiter de l’amorce de récents mouvements à la hausse du cours des actions.
Chaque approche comporte des risques et peut offrir des avantages; le rendement excédentaire espéré de chacune de ces approches par rapport au marché en général n’est pas parfaitement corrélé. Certaines approches liées au style de gestion de placement s’apparentent également à une autre forme d’approche de gestion reposant sur les facteurs de risque. Cet aspect sera toutefois abordé à la fin du présent
document.
La diversification géographique évoque l’idée d’une diversification selon le pays. Mais pour la conception de portefeuille, la notion géographique réfère le plus souvent aux grandes régions comme les Amériques, l’Europe et le Moyen-Orient, l’Asie, les États-Unis et l’international (ce qui est hors des États-Unis). La notion de stade de développement économique peut faire référence aux économies et marchés développés, émergents et naissants. La diversification selon les régions et les stades de développement économique vise à exploiter la synchronisation imparfaite de la croissance économique, les écarts de valeurs sur différents marchés financiers et l’exposition à différentes devises, un aspect qui sera abordé plus particulièrement dans le document 3d.
Un processus de diversification efficient comprend à tout le moins la diversification des classes d’actifs et des régions. La proportion du capital à affecter à différentes classes d’actifs et le degré de diversification géographique requis sont des sujets qui seront couverts dans la partie 5 et le document 3d.
Le tableau suivant (Rendement des catégories d’actifs) illustre l’intérêt de la diversification au moyen des classes d’actifs et des régions. Il présente un classement de cinq classes d’actifs spécifiques et d’un portefeuille équilibré selon leurs rendements respectifs sur des périodes successives de deux ans comprises entre janvier 1991 et décembre 2014. Il présente également le rendement moyen composé (en dollars américains) sur toute la période. Le code de couleur associé à chaque actif permet de constater aisément qu’aucun actif n’a dominé toutes les années.
Les données pour l’ensemble des périodes indiquent que les actifs risqués tendent à être plus profitables à long terme; toutefois, certains résultats surprennent, même en tenant compte de la période complète. Parmi les classes d’actifs, les actions des marchés émergents et les actions américaines ont eu le meilleur rendement, tandis que le rendement des titres à revenu fixe a surpassé celui des actions internationales et celui des matières premières, manifestement à la
traîne. Le fort rendement relatif des titres à revenu fixe s’explique par le contexte déflationniste des quinze dernières années et par les deux crises boursières (2000-2001 et 2008).
Il est peu probable que les titres à revenu fixe maintiennent le même niveau de rendement, puisqu’au-delà de 2016, la faiblesse des taux d’intérêt rendra mathématiquement impossible un niveau de gains équivalent aux gains passés. Bien que le rendement des matières premières n’ait pas rapporté de plus-value, cette catégorie d’actifs mérite néanmoins d’être considérée comme une source de diversification dans le cadre d’un programme qui rééquilibre périodiquement la répartition des actifs, compte tenu de l’incertitude considérable qui entoure le niveau de prime de risque qu’offre cette catégorie d’actifs*. Le portefeuille équilibré a, quant à lui, fourni un rendement légèrement inférieur à celui des actions américaines, malgré sa volatilité beaucoup plus faible. Comme il fallait s’y attendre, il ne se
classe jamais en première ni en dernière place.
Diversifications en fonction des facteurs de risque
La diversification en fonction des catégories d’actifs constitue l’approche la plus courante en matière de conception de portefeuille. Cependant, de nombreux académiciens et gestionnaires de portefeuille soutiennent que la diversification doit être fondée sur des facteurs de risque. Le risque propre au taux d’intérêt et le risque propre au marché des actions sont parmi les facteurs de risque les plus connus. Les primes de risque correspondent à des compensations (sous formes de rendement) versées aux investisseurs qui s’exposent aux facteurs de risque; plus précisément, ce sont des compensations touchées au fil du temps et en moyenne pour les pertes qu’ils ont subies pendant les périodes difficiles, où ils sont en fait pénalisés pour leur exposition à certains de ces facteurs de risque. Par exemple, les investisseurs s’exposent au risque propre au marché des actions parce que ceux-ci s’attendent à ce que ce soit profitable au fil du temps, mais il est bien connu qu’ils peuvent essuyer des pertes importantes lorsque la conjoncture est difficile.
Plusieurs facteurs de risque ont fait l’objet d’études, tels le
risque de marché, de valeur, de taille, de momentum et de
bêta faible.
• Risque propre au marché des actions – stratégie de placement axée sur les actions plutôt que sur les espèces;
• Risque propre à la valeur – stratégie de placement axée sur les titres de sociétés se transigeant à un prix avantageux plutôt que sur les titres de sociétés à fort potentiel de croissance;
• Risque propre à la taille de la société – stratégie de placement axée sur les titres de petites sociétés plutôt que sur les titres de grandes sociétés;
• Risque propre au momentum – stratégie de placement axée sur les titres de sociétés dont le cours présente un momentum supérieur à celui d’autres titres de sociétés;
• Risque propre aux titres à bêta faible – stratégie de placement axée sur les titres de sociétés à bêta faible plutôt les titres de sociétés à bêta élevé.
Normalement, l’existence d’un facteur de risque a une justification économique. Par exemple, les titres de sociétés à prix avantageux (généralement caractérisées par leur faible ratio cours-valeur comptable) rapportent, en moyenne et à long terme, un meilleur rendement que les titres de sociétés à fort potentiel de croissance. Une explication rationnelle de ce phénomène est que le rendement excédentaire des titres de sociétés à prix avantageux compense le risque supplémentaire lié à leur nécessité d’infrastructure plus coûteuse et moins flexible (comparez, par exemple, Exxon avec Alphabet). Cela pourrait aussi être le résultat d’un biais comportemental, soit la possibilité que les investisseurs aient tendance, par excès d’optimisme, à surévaluer les titres de sociétés à fort potentiel de croissance et, par conséquent, à sous-estimer les titres de sociétés à prix avantageux.
Le but n’est pas d’argumenter sur la validité de l’explication rationnelle ni sur la validité du biais comportemental, mais plutôt d’accepter un constat : la prime de risque propre à la valeur a son importance et son existence est bien documentée depuis longtemps. En outre, l’investisseur qui perçoit qu’un facteur de risque se justifie tant sur le plan économique que sur le plan comportemental voit sa confiance renforcée dans la rentabilité à long terme de ce facteur. Bien sûr, il n’est pas garanti que la prime de risque propre à la valeur indemnise les investisseurs à court terme. Par exemple, les titres de sociétés à prix avantageux ont affiché des résultats médiocres au cours des périodes allant de 1998 à 1999 et de 2008 à 2009, et il est bien connu que la croissance d’Alphabet a de loin surpassé celle d’Exxon.
Chaque titre et chaque catégorie d’actifs offre une combinaison différente d’exposition aux facteurs de risque. Andrew Ang, de l’Université Columbia, a mentionné que les facteurs de risque sont aux catégories d’actifs ce que les éléments nutritifs sont à différents aliments. Une alimentation équilibrée vise à procurer une combinaison appropriée de nutriments en fonction des besoins des individus, qui n’ont pas tous le même régime alimentaire. Les individus ne couvrent pas tous leurs besoins nutritionnels grâce à un même choix d’aliments. Selon ce professeur, il importe de déterminer d’abord le degré d’exposition d’un portefeuille à des facteurs de risque donnés et de déterminer ensuite la
combinaison d’actifs appropriée à cette fin. Cette approche offre l’avantage que la diversification d’un portefeuille comporte toute l’exposition souhaitée par l’investisseur aux facteurs de risque. Par exemple, de nombreux investisseurs, qui ne savent pas que certaines composantes de l’actif (comme les obligations des marchés émergents) sont très sensibles au risque propre au marché des actions, peuvent être davantage exposés à certains facteurs de risque qu’ils ne le croient. Bien entendu, cette approche suppose une capacité à mesurer l’exposition de chacune des composantes de portfeuilles aux facteurs de risque, exigence qui complique considérablement le processus de gestion de portefeuille. De nombreuses institutions s’ouvrent à la gestion de leur exposition selon une approche liée aux facteurs de risque; cependant, bien que cette approche soit fondée sur des concepts solides, elle n’est pas largement utilisée dans l’élaboration des portefeuilles, que ce soit ceux des épargnants ou ceux des investisseurs institutionnels. Mais ce n’est sans doute qu’une question de temps et de sensibilisation.
Certaines grandes caisses de retraite ont adopté ce modèle. Le tableau suivant (Rendements des facteurs de risque) présente les mêmes informations que le précédent, mais pour cinq facteurs de risque liés au marché américain des actions seulement. Bien entendu, le même type d’analyse pourrait être présenté pour plusieurs autres catégories d’actifs et autres marchés en utilisant les facteurs de risque appropriés.
Il importe également de comprendre que le risque propre à la taille de la société, le risque propre à la valeur, le risque propre au momentum et le risque propre aux titres à bêta faible sont des primes de risque qui peuvent être saisies en sus de la prime de risque propre au marché des actions. Par exemple, l’investisseur qui dispose d’une certaine exposition à long terme au facteur de risque propre au momentum améliore son rendement par rapport au rendement qu’il obtiendrait grâce à une exposition au facteur de risque propre au marché des actions seulement. En outre, de nombreuses stratégies soidisant non corrélées offertes par les fonds de couverture sont souvent simplement des portefeuilles conçus pour cumuler de nombreux facteurs de risque, à l’exclusion souvent du facteur de risque propre au marché des actions lui-même. Il est également intéressant de constater que certaines primes de risque (celle du risque propre aux titres à bêta faible et celle du momentum) semblent historiquement presque aussi importantes, voire davantage, que la prime de risque propre au marché des actions. Le tableau montre également que les titres de sociétés à bêta faible ont, en fait, surpassé les titres de sociétés à bêta élevé sur l’ensemble de la période, ce qui explique la prolifération dans l’industrie des produits qui offrent une combinaison de titres à faible volatilité et de titres à faibles risques.
La diversification en fonction des facteurs de risque offre une multitude de possibilités, plus particulièrement lorsque le portefeuille est composé d’un grand nombre de facteurs de risque et de classes d’actifs. Cependant, bien que de nombreux produits soient conçus en fonction de facteurs de risque (fonds axés sur des titres de sociétés à prix avantageux, sur des titres de société à petite capitalisation, sur des titres de sociétés dont le cours présente un momentum et sur des titres à bêta faible et FNB), il est presque impossible pour les épargnants de profiter pleinement de leurs avantages. Hormis le rendement du marché, les rendements des facteurs de risque indiqués ci-dessus sont le résultat de la création de portefeuilles à transactions couplées (combinaison de positions acheteur et vendeur) et qui ont recours à l’effet de levier**.
La plupart des investisseurs, et même certains investisseurs institutionnels, n’ont ni la capacité ni la volonté d’accepter ces exigences. C’est pourquoi les produits axés sur ces primes de risque tendent à simplement fonder leur répartition sur des actions qui présentent les caractéristiques souhaitées, sans toutefois avoir recours à des positions vendeur ou à l’effet de levier. Cela leur permet de bénéficier de certains avantages liés à l’exposition aux facteurs de risque, comme le font systématiquement les produits dits « à bêta intelligent ». Par ailleurs, il faudrait plutôt qualifier ces produits de placements « basés sur les facteurs ».
La diversification est essentielle, mais sa conception d’une manière appropriée aux besoins des investisseurs constitue tout un défi. Voilà pourquoi la plupart des investisseurs ont besoin d’être appuyés par un conseiller compétent. Il importe qu’un portefeuille judicieusement diversifié offre une exposition à diverses classes d’actifs couvrant différentes régions. Enfin, bien que la diversification des facteurs de
risque constitue une approche rationnelle et efficace, sa mise en oeuvre pose plusieurs défis. Les produits dits « à bêta intelligent » sont un premier pas dans la bonne direction, mais ils se fondent ni plus ni moins
que sur des méthodes de répartition implicites ou explicites qui visent à fournir une exposition à des facteurs de risque donnés. Voilà pourquoi l’appellation « placements basés sur les facteurs » sera privilégiée dans les présents documents.
* Il est possible d’investir dans les matières premières (sans en acheter directement) au moyen de contrats à terme. L’une des caractéristiques de base du marché à terme est qu’il compte toujours une quantité égale de contrats à terme achetés et vendus. Pour qu’un producteur aurifère puisse vendre un contrat sur l’or, il doit exister un investisseur qui achète ce contrat. Par conséquent, il s’agit d’un marché à somme nulle. Il est dont difficile d’établir si les matières premières rapportent nécessairement une prime de risque, mais aussi de déterminer si cette prime est versée à l’acheteur ou au vendeur du contrat à un moment précis. Toutefois ce sujet déborde le cadre des objectifs de ce document.
** Les rendements des facteurs de risque sont habituellement calculés par la combinaison d’un portefeuille acheteur présentant les caractéristiques souhaitées (par exemple, des titres de sociétés à prix avantageux) et d’un portefeuille vendeur présentant les caractéristiques opposées à celles du portefeuille acheteur (par exemple, des titres de sociétés à fort potentiel de croissance).
Ce texte provient du Stratège, une publication de l’Association de planification financière et fiscale (APFF), et a été écrit par Marie-Claude Marcil.