Ainsi, la volatilité d’un portefeuille qui n’est pas rééquilibré augmentera probablement au fil du temps, et ce portefeuille ne bénéficiera pas de l’effet d’une plus faible volatilité sur les rendements composés. Il existe de nombreux choix de méthodologie de rééquilibrage comme l’approche de calendrier, de seuil et l’approche fondée sur le risque.
Ces méthodologies n’ont pas toutes la même efficience rendement-risque, quoique toute méthode devrait s’avérer meilleure que la stratégie d’achat et de conservation. En outre, l’efficience de la diversification repose en très grande partie sur la diversité des catégories d’actifs au sein du portefeuille. Le processus de rééquilibrage bénéficie davantage au portefeuille qui intègre un plus grand nombre de catégories d’actifs.
Les rendements composés et le processus de rééquilibrage
La volatilité entraîne une perte de rendement composé d’un portefeuille qui correspond à peu près à la moitié du carré de l’écart-type d’un actif. Autrement dit :
Rendement composé moyen = rendement périodique moyen – (volatilité au carré)/2
Cette relation comporte au moins deux hypothèses implicites. Premièrement, la volatilité est stable au fil du temps et, deuxièmement, cette relation implique que le portefeuille est continuellement rééquilibré. Manifestement, aucune de ces hypothèses n’est vraie. Les portefeuilles ne sont pas rééquilibrés continuellement et la volatilité est loin d’être stable.
Par exemple, la volatilité des marchés est généralement d’une ampleur beaucoup plus grande dans une conjoncture économique difficile qu’en temps normal. Il est donc non seulement important de connaître les différentes formes de rééquilibrage de portefeuille, mais aussi la façon dont ces formes se comparent les unes aux autres. Ainsi, ce document n’a pas comme objectif de justifier le rééquilibrage (cet aspect a déjà été couvert), mais d’en établir l’incidence et de déterminer si certaines méthodologies de rééquilibrage peuvent être plus efficientes.
Rééquilibrer en fonction du calendrier, du seuil et du risque
Dans le cas d’un portefeuille dont la cible de répartition est de 60 % en actions et de 40 % en obligations, et même s’il est initialement réparti ainsi, les rendements des marchés feront en sorte que la répartition véritable du portefeuille s’écarte de cette cible. Un rééquilibrage en fonction du calendrier vise à rééquilibrer le portefeuille en l’orientant vers la cible à intervalles réguliers, comme mensuellement, trimestriellement ou annuellement. Il y a rééquilibrage en fonction du seuil seulement lorsque la véritable répartition du portefeuille s’écarte à un certain point de la cible 60/40.
Par exemple, il peut y avoir rééquilibrage automatique si l’élément titres à revenu fixe s’écarte de plus de 10 % de sa valeur cible de 40 % (soit sous 36 % ou au-delà de 44 %). Dans les deux cas, lorsqu’il y a rééquilibrage, le portefeuille peut être rééquilibré exactement à la cible à long terme ou suivant une bande de tolérance afin de réduire le roulement des titres en portefeuille. Par exemple, si la bande de tolérance relative aux titres à revenu fixe se situe entre 38 % et 42 %, le portefeuille est rééquilibré en vue d’atteindre 38 % de titres à revenu fixe si la proportion est inférieure à 36 % et en vue d’atteindre 42 % si elle excède 44 %.
Le rééquilibrage en fonction du risque est plus complexe. Tel qu’il a été indiqué, la volatilité d’un portefeuille n’est pas stable au fil du temps. Par exemple, la méthodologie du rééquilibrage en fonction du risque peut nécessiter la mise en œuvre d’une répartition comportant la même volatilité à court terme que la volatilité moyenne à long terme d’un portefeuille 60/40.
Si on présume que la volatilité à long terme moyenne d’un portefeuille 60/40 est de 9 % et si la volatilité à court terme d’un portefeuille 60/40 est supérieure à 9 % en raison d’une brusque hausse de la volatilité des actions, le rééquilibrage en fonction du risque se traduit par une réduction de la proportion d’actions afin de maintenir la constance du niveau de volatilité. Comme pour le rééquilibrage en fonction du calendrier et en fonction du seuil, une bande de tolérance de la volatilité peut aussi être appliquée de manière à tolérer la répartition courante dans la mesure où la volatilité du portefeuille continue de se situer entre, par exemple, 8 % et 10 %.
Les méthodologies de rééquilibrage et le rendement
Lussier (2013) a effectué une analyse approfondie de la plupart des méthodologies de rééquilibrage documentées dans les textes en la matière, et a ainsi comparé l’efficience de chacune d’elles dans des contextes de portefeuille similaires. Les analyses ont porté sur les trois types de méthodologie qui ont été évalués selon différentes cibles de portefeuille (allant de 40/60 à 80/20), différents intervalles de rééquilibrage (hebdomadaire jusqu’aux deux ans), différentes mesures de seuil, deux cibles de rééquilibrage (suivant la cible et suivant une bande de tolérance) et deux types de portefeuille (un portefeuille simple fondé uniquement sur l’indice S&P 500 et sur les obligations du Trésor et un portefeuille plus diversifié contenant des actions américaines et internationales de même que des actions à petite capitalisation et des matières premières).
L’étude a été menée sur une période de trente ans. Les résultats de toutes les méthodologies ont été comparés à une approche standard de rééquilibrage mensuel en fonction du calendrier. Les principales conclusions sont compatibles avec les résultats de la plupart des autres études.
- Selon l’approche du calendrier, les rendements excédentaires les plus importants ont été réalisés au moyen d’un rééquilibrage semestriel, quoique le rééquilibrage trimestriel et le rééquilibrage annuel aient aussi produit de bons résultats. Cependant, le gain réalisé par rapport à un rééquilibrage mensuel standard est plus important pour un portefeuille plus diversifié que pour un portefeuille ne comportant que quelques catégories d’actifs. Des gains annuels de 10 à 15 points de base ont été observés en moyenne.
- La méthodologie du seuil appliquée en fonction d’un seuil de tolérance d’environ 20 % à 25 % (rééquilibrage déclenché lorsque l’un des éléments constitutifs du portefeuille s’écarte de sa répartition cible de plus de 20 % à 25 %) a rapporté de meilleurs résultats, avec des rendements excédentaires moyens d’environ 20 à 35 points de base en moyenne.
- Une stratégie de volatilité contrôlée consistant à cibler la volatilité à long terme moyenne de la répartition cible a rapporté des résultats encore meilleurs même si elle est manifestement plus difficile à mettre en œuvre
Un portefeuille bénéficiant d’une plus grande diversification des catégories d’actifs peut s’attendre à des gains encore plus marqués. Jusqu’à un certain point, ces résultats ne surprennent pas. Nous savons que lorsqu’une catégorie d’actifs bénéficie d’un contexte favorable, l’élan des cours de cette catégorie d’actifs peut durer plusieurs trimestres.
Par exemple, lorsque les actions produisent des rendements supérieurs ou inférieurs à ceux des titres à revenu fixe ou lorsque les actions américaines produisent des rendements supérieurs ou inférieurs à ceux des actions internationales, cette tendance relative du rendement dure généralement plusieurs trimestres, voire des années, même s’il est difficile d’en prévoir la durée.
Un rééquilibrage trop fréquent cause le risque de vente d’actifs en hausse ou d’achat d’actifs en baisse trop rapidement. Par ailleurs, si le rééquilibrage se fait trop attendre, un actif en hausse pourrait devenir moins recherché, engendrant la perte des gains enregistrés auparavant. De même, une méthodologie en fonction du risque a rapporté de meilleurs résultats parce que la gestion du risque total d’un portefeuille entraîne un risque à long terme plus stable et une moins grande volatilité faisant obstacle aux rendements composés.
De plus, la gestion de la volatilité ou même le plafonnement de la volatilité d’un portefeuille à un niveau maximal protège parfois le portefeuille contre les rendements défavorables généralement observés pendant les périodes d’extrême volatilité.
Le rééquilibrage et le risque
Augmente-t-on le risque du portefeuille en cas de rééquilibrage moins fréquent? Même si l’absence totale de rééquilibrage fait généralement dériver la répartition du portefeuille vers l’actif le plus risqué, il a été démontré que le rééquilibrage en fonction de la méthodologie du calendrier, chaque trimestre ou même chaque année, ne fait pas augmenter le risque. Cela s’explique de façon instinctive.
Prenons l’exemple d’un marché boursier défavorable. Si le marché boursier perd de la valeur et qu’il y a rééquilibrage chaque jour ou chaque mois, il faut continuellement acheter des actions pour rétablir le portefeuille vers sa répartition cible. Toutefois, un rééquilibrage moins fréquent permet au portefeuille de conserver une proportion plus faible d’actifs en baisse jusqu’au rééquilibrage, un trimestre ou un semestre plus tard. Cela pourrait en réalité faire diminuer considérablement le risque si les actions dégringolent et la volatilité est élevée. Par ailleurs, si la valeur des actions augmente, cela permet la hausse de la proportion d’actions, de sorte que sur le plan conceptuel, le risque pour le portefeuille augmente. Cependant, la volatilité est souvent moindre lorsque les marchés boursiers augmentent de valeur, ce qui signifie que nous tolérons une allocation plus importante aux actions en circonstances de marchés boursiers plus stables.
Dans la mesure où l’intervalle de rééquilibrage n’est pas trop important, rien n’indique qu’un intervalle de rééquilibrage plus long, comme trois à douze mois, est plus risqué qu’un intervalle mensuel.
Le rééquilibrage fait augmenter les rendements composés en permettant le fonctionnement du processus de diversification. Cependant, il existe de nombreuses méthodologies de rééquilibrage et les analyses empiriques démontrent que certaines peuvent offrir des rendements excédentaires supérieurs sans nécessairement faire augmenter le risque. Dans le cas du rééquilibrage en fonction du calendrier, il a été démontré que des intervalles de rééquilibrage trimestriels et annuels étaient plus efficients en moyenne que le rééquilibrage mensuel, tandis que le rééquilibrage en fonction du seuil peut procurer des résultats encore meilleurs. Enfin, le rééquilibrage en fonction du risque semble constituer la méthodologie la plus efficiente même si elle est plus complexe à mettre en œuvre. La plupart des investisseurs seraient bien avisés de mettre en œuvre un rééquilibrage en fonction d’un calendrier rigoureux pour ensuite analyser d’autres méthodologies.
Ce texte provient du Stratège, une publication de l’Association de planification financière et fiscale (APFF), et a été écrit par Sophie Rivest.