Cette nouvelle réalité amène Jacques à revoir son testament. Ses objectifs sont à la fois de minimiser les répercussions fiscales à son décès et de protéger le legs d’une partie de son patrimoine au profit de ses enfants issus d’une union précédente.
Jacques crée donc par testament une fiducie exclusive au profit de Christine.
Les avantages d’une fiducie
En vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu, le décès d’une personne entraîne généralement la vente présumée de ses biens à leur juste valeur marchande. Il est néanmoins possible de reporter l’imposition de la plus-value en léguant les biens à son conjoint ou à une fiducie testamentaire exclusive à son profit, pourvu que certaines conditions soient respectées.
Sur le plan fiscal, l’établissement d’une fiducie aux termes d’un testament donne lieu à la création d’un «deuxième contribuable», ce qui peut permettre au conjoint bénéficiaire de la fiducie (Christine) de réaliser des économies d’impôt annuelles.
Par ailleurs, une fiducie testamentaire au profit du conjoint peut être utilisée afin de subvenir aux besoins du conjoint survivant jusqu’à la fin de ses jours, puis de léguer le reste des biens aux enfants du défunt, dans notre exemple, les enfants de Jacques issus d’une union précédente.
La création d’une fiducie au profit de Christine doit prévoir que Christine a un droit absolu et inconditionnel aux biens de la fiducie. Ceux-ci doivent lui être dévolus irrévocablement dans les 36 mois qui suivent le décès de Jacques. Par conséquent, dans notre exemple, seule Christine est autorisée à recevoir le revenu de la fiducie, et ce, jusqu’à son décès.
Nouvelles règles
Jusqu’au 31 décembre 2015, le revenu gagné dans une fiducie testamentaire exclusive au profit du conjoint sera imposé à des taux progressifs. Ainsi, le conjoint survivant a la possibilité de profiter des paliers d’imposition inférieurs à deux reprises (soit personnellement et par l’intermédiaire de la fiducie). Cependant, cette fiducie ne peut bénéficier de certaines déductions telles que le montant personnel de base ou le montant en raison de l’âge.
À partir du 1er janvier 2016, de nouvelles règles limiteront généralement l’accès aux taux progressifs pour les 36 premiers mois qui suivent le décès d’un particulier. Les successions qui sont admissibles à ce titre porteront le nom de «succession assujettie à l’imposition à taux progressif (SAITP)».
Tracas liés aux remariages
En vertu des règles actuelles, lorsque le conjoint bénéficiaire (Christine) d’une fiducie testamentaire établie à son bénéfice exclusif décède, une vente de tous les biens détenus dans la fiducie est présumée avoir lieu, et les fiduciaires utilisent généralement l’actif de la fiducie pour payer l’impôt qui en découle avant d’en distribuer le reste aux bénéficiaires du capital, soit dans notre exemple, les enfants de Jacques issus d’une union précédente.
À compter du 1er janvier 2016, le décès éventuel de Christine entraînera une fin d’année fiscale réputée pour la fiducie. Tous les revenus de la fiducie de cette dernière année, y compris tout gain en capital résultant de la vente présumée de l’actif de la fiducie à la suite du décès de Christine, seront inclus dans la dernière déclaration de revenus de Christine.
À première vue, cela peut sembler un résultat favorable, puisque Christine pourrait, contrairement à la fiducie, profiter des paliers d’imposition inférieurs. Cependant, rappelons-nous que les intentions de Jacques étaient de faire bénéficier Christine des revenus de la fiducie, et qu’à son décès éventuel, le capital résiduel de la fiducie serait remis aux enfants de Jacques issus de son précédent mariage.
Dans le cas où les héritiers de la succession de Christine ne sont pas les enfants de Jacques, les premiers subiront une réduction de leur héritage au profit de ces derniers. Autrement dit, les enfants de Jacques hériteront du capital de la fiducie, tandis que les héritiers de Christine devront assumer la facture fiscale liée aux revenus de l’année fiscale de la fiducie se terminant au moment du décès de Christine.
Cette situation devient très délicate dans la mesure où Jacques aurait donné des instructions claires aux fiduciaires limitant l’utilisation du capital de la fiducie au bénéfice de Christine. Ceux-ci n’auraient donc probablement pas la capacité de payer l’impôt de Christine en vertu des modalités de la fiducie.
Selon les nouvelles règles, c’est la succession de Christine qui serait responsable de la facture provenant de la dernière année fiscale de la fiducie, et ce, bien que des dispositions aient été prises afin d’exiger que la fiducie et la succession soient tenues solidairement responsables de l’impôt.
Par conséquent, il pourrait être intéressant de souscrire une assurance particulière sur la vie de Jacques ou de Christine afin de maintenir le patrimoine successoral au profit des héritiers de Christine.