Se préparer aux prochaines élections : transfert d'un immeuble à une société de gestion

Malgré le fait que le gouvernement ait finalement retiré ces propositions, bon nombre de contribuables craignent, à tort ou à raison, qu’un gouvernement majoritaire dirigé par le Parti Québécois reviendra en force avec des hausses d’impôt pour les mieux nantis.

Ces dernières années, les fiscalistes de la province ont donc été bien occupés à répondre aux questions de contribuables souhaitant quitter le Québec.

Cependant, cette solution radicale n’est pas très praticable pour les propriétaires d’immeubles locatifs situés au Québec. Ceux-ci doivent donc songer à une autre alternative : différer l’impôt.

L’objectif est de gagner du temps en reportant l’imposition de certains revenus jusqu’au moment où ils seront imposés à un taux moindre. Pour plusieurs, cela sera au moment de la retraite. Pour d’autres, ce sera au moment de tout vendre et quitter vers l’Alberta ou un paradis fiscal.

Finalement, il y a l’espoir que le redressement des finances publiques permettra un jour d’abaisser les taux d’imposition.

Le transfert d’un immeuble locatif à une société de gestion permet d’effectuer un tel report d’impôt et même, dans certains cas, d’encaisser des sommes libre d’impôts. Il existe deux façons d’effectuer ce transfert.

1. Roulement sans impôt

En vertu de l’alinéa 85(1) LIR, un contribuable peut choisir de transférer un immeuble à sa société de gestion sans déclencher un gain en capital. Le produit de disposition aux fins fiscales sera présumé être la fraction non amortie du coût en capital de l’immeuble.

Prenons l’exemple d’un immeuble acheté pour la somme de 300 000 $ et qui vaut aujourd’hui 500 000 $. Le propriétaire a choisi de ne pas amortir l’immeuble et le solde de l’hypothèque est de 200 000 $.

En effectuant un roulement fiscal, le propriétaire sera présumé avoir disposé de l’immeuble au prix de 300 000 $. Il n’y aura donc aucun impact fiscal pour le propriétaire. En échange, la société de gestion devra offrir une contrepartie égale à la valeur marchande de l’immeuble, soit 500 000 $. Afin d’éviter toute conséquence fiscale, cette contrepartie sera composée de la prise en charge de l’hypothèque de 200 000 $ et de l’émission d’actions à la hauteur de 200 000$. Le solde, soit 100 000$, sera payable sous la forme d’un billet (i.e. une créance). Le remboursement de ce billet sera sans impact fiscal pour l’individu.


 

2. Déclencher volontairement un gain en capital

Il est possible de transférer l’immeuble à une société en déclenchant volontairement un gain en capital. Dans notre exemple, le propriétaire serait alors imposé sur la plus value de 200 000 $, ce qui représenterait une facture d’impôts d’environ 50 000 $. La contrepartie offerte par la société serait alors de composée de la prise en charge de l’hypothèque de 200 000 $ et le solde, soit 300 000 $, sera payable sous la forme d’un billet non imposable.

Cette stratégie permet de « moyenner » partiellement l’immeuble sans en disposer à un tiers. Il peut être avantageux d’avoir recours à une telle planification si le propriétaire peut, par ailleurs, réclamer la déduction pour résidence principale ou utiliser des pertes en capitales.

Dans un scénario impliquant des hausses d’impôts éventuelles, cette stratégie permet de déclencher l’imposition de la plus value et de payer les impôts à un taux d’imposition qui est actuellement inférieur.

Dans notre exemple et selon les taux d’impôts qui avaient été annoncés en septembre 2012 par le Parti Québécois, un gain en capital de 200 000 $ aurait conduit à une facture d’impôts d’environ 70 000 $ plutôt que de 50 000 $, soit une augmentation d’environ 10%. Cette stratégie permet ainsi de protéger le taux d’imposition actuel qui est inférieur.

Autres avantages

Le transfert d’un immeuble à une société de gestion permet également d’éviter qu’un individu soit imposé sur les revenus locatifs entre ses mains. Cela peut être particulièrement avantageux lorsque le taux d’imposition d’un particulier est supérieur au taux d’imposition d’une société. Cela était également une résultante des propositions de septembre 2012.

Mise en garde

Outre le déclenchement ou non d’un gain en capital, il est important de valider l’impact du transfert d’un immeuble au niveau de l’application des droits de mutation, des taxes de vente (TPS et TVQ) et des pénalités imposées par le prêteur hypothécaire. Heureusement, il existe plusieurs scénarios de planification qui permettront d’éviter ces frais supplémentaires.

Disposition ultérieure de l’immeuble

Comme nous l’avons exprimé, le transfert d’un immeuble à une société de gestion peut permettre le report d’impôts pour plusieurs années. Cependant, il faut se méfier des règles de disposition présumée au décès. Selon celles-ci, l’actionnaire de la société sera présumé avoir disposé de ces actions, et indirectement de l’immeuble, pour un prix égal à leur valeur marchande. Il faudra ainsi prévoir l’accès à certaines liquidités pour payer la facture fiscale. Dans certains cas, une police d’assurance-vie sera une solution efficace afin de couvrir ce risque.

Photo Bloomberg