Guerlane Noël – Finance et Investissement https://www.finance-investissement.com Source de nouvelles du Canada pour les professionnels financiers Mon, 04 Oct 2021 13:09:38 +0000 fr-CA hourly 1 https://wordpress.org/?v=5.9.3 https://www.finance-investissement.com/wp-content/uploads/sites/2/2018/02/cropped-fav-icon-fi-1-32x32.png Guerlane Noël – Finance et Investissement https://www.finance-investissement.com 32 32 Day trading et fiscalité : sommes-nous bien informés? https://www.finance-investissement.com/zone-experts_/guerlane-noel/day-trading-et-fiscalite-sommes-nous-bien-informes/ Mon, 04 Oct 2021 13:09:38 +0000 https://www.finance-investissement.com/?p=82623 ZONE EXPERTS -L’année 2020 et maintenant 2021 auront fait couler beaucoup d’encre et bouleversé bien des vies. La pandémie a forcé le changement de bon nombre de nos habitudes, recadré plusieurs de nos emplois et même généré de nouveaux métiers.

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Qui dit nouveaux besoins, dit également nouvelles adaptations. L’un des aspects économiques ayant probablement le plus touché notre société durant la dernière année est la perte de nombreux emplois et, conséquemment, la crise financière pour de nombreux individus et foyers.

La réponse à la crise de l’emploi causée par la Covid-19 se sera manifestée de différentes façons pour chacun. Certains seront demeurés au chômage en attendant un retour à la « normale », d’autres auront changé d’employeur alors que certains auront changé de carrière.

Tel qu’il est mentionné plus haut, devant de nouveaux besoins ayant fait surface en temps de pandémie, de nouveaux emplois se sont créés, mais face à cette crise, certains emplois ou activités génératrices de revenus ont également gagné en popularité. C’est le cas du « day trading» ou la spéculation sur séance (ces deux expressions seront utilisées de façon interchangeable dans le cadre de ce texte). En effet, alors que cette activité n’est pas nouvelle en soi, plusieurs textes et articles dans la dernière année ont fait état du constat quant au fait qu’un nombre grandissant d’individus, lesquels n’ont pas une formation de près ou de loin liée au milieu financier, s’adonnent au day trading. Les nombreuses informations disponibles sur le Web et les médias sociaux ont assurément ouvert le champ aux intéressés et ainsi créé un engouement marqué pour la spéculation sur séance.

Au cours des quelques lignes qui suivront, une attention particulière sera portée à la spéculation sur séance dans un contexte fiscal. En effet, malgré le fait que ce type d’activités soit généralement encadré et réglementé par l’Autorité des marchés financiers (« AMF »), compte tenu de l’adhésion « simplifiée » et facilitée par des plateformes technologiques aujourd’hui accessibles à tous, le day tradinga pris une nette expansion au cours de la pandémie, l’espoir de générer des revenus ayant été forgé par des témoignages de transactions à succès sur les médias sociaux. Cela étant dit, parmi les croyances des nouveaux adeptes de la spéculation sur séance, il semble y avoir, d’une part, une présomption établie que les gains (ou les pertes) réalisés par les investisseurs seront imposés à titre de gain en capital (ou les pertes déduites à titre de perte en capital) plutôt qu’à titre de revenu ou perte d’entreprise. D’autre part, l’exécution de ce type d’activités par le biais d’un compte enregistré tel qu’un REÉR ou un CÉLI semble également être une façon bien établie de contourner, ou plutôt de différer, l’imposition des gains dans ce contexte. Que dit la Loi de l’impôt sur le revenu(« L.I.R. ») ? L’objet des dispositions de la loi visant à différer l’imposition des gains dans un compte enregistré est-il respecté lorsqu’un particulier s’adonne à du day trading?

Nous tenterons de répondre à ces questions en faisant premièrement une révision des critères déterminant la nature d’un profit réalisé à titre de gain en capital ou de revenu d’entreprise, puis en établissant les règles anti-évitement existantes associées aux comptes enregistrés. Notons que les critères ci-après s’appliquent de la même manière, que les transactions soient effectuées dans un compte enregistré (par exemple REÉR/CÉLI) ou non enregistré.

Spéculation sur séance : de quoi s’agit-il ?

Selon l’AMF, la spéculation sur séance se définit comme étant « une activité de courtage qui permet aux investisseurs d’effectuer, sans conseil ni recommandation, des transactions de vente ou d’achat dans leur portefeuille dans le but de générer rapidement des profits grâce aux fluctuations quotidiennes du cours de ces titres ». En d’autres termes, le day tradingconsiste à effectuer de multiples transactions d’achat et de vente sur le même titre lors d’une même séance de négociation. Alors que le mandat de l’AMF vise globalement à encadrer le secteur financier au Québec et ainsi protéger les consommateurs, il faut se souvenir que le suivi des activités de day tradingd’un particulier sera effectué puis imposé différemment, d’un point de vue fiscal, s’il y a lieu, par l’Agence du revenu du Canada (« ARC ») et non par l’AMF. Ainsi, l’activité de day tradingétant largement accessible par le consommateur final, l’AMF se trouve limitée quant à sa capacité d’agir dans ce domaine auprès du grand public. La spéculation sur séance est une activité hautement spéculative et les risques financiers associés sont également considérables.

Maintenant, dans le meilleur des mondes, lorsque l’objectif de l’investisseur est atteint et que des profits importants sont générés, l’aspect fiscal devient doublement important considérant les risques de cotisation dans ce secteur. Même si tous les espoirs des investisseurs sont fondés sur des gains, la réalisation de pertes est bel et bien possible et celui ou celle qui réalisera une perte d’entreprise découlant de la spéculation sur séance voudra être en mesure d’en tirer un avantage d’un point de vue fiscal. En effet, il faut se rappeler que les pertes dites d’entreprise sont déductibles à 100 % à l’encontre de tout type de revenu. A contrario, une perte de nature capital sera déductible à 50 % et uniquement à l’encontre d’un gain en capital imposable. Un adepte prudent devra être conscient qu’une perte d’entreprise réalisée dans un compte enregistré ne pourra jamais être utilisée d’un point de vue fiscal.

Imposition des gains : gain en capital ou revenu d’entreprise ?

Chaque fois qu’un contribuable est confronté à la réalisation d’un gain, la nature de son revenu doit être établie considérant que sa facture fiscale résultante y sera directement liée. Rappelons que le revenu provenant d’une transaction de nature capital sera imposable seulement à raison de 50 % du gain réalisé alors que le profit de nature dite d’entreprise sera imposable à 100 %. Ces règles sont inversement applicables lorsqu’il s’agit de pertes. Les investisseurs voulant maximiser leurs profits nets d’impôts auront tout intérêt à ce que leurs gains soient de nature capital plutôt que d’entreprise.

Alors que certains structurent leurs activités en lien avec le day tradingpar l’intermédiaire d’une entreprise et de façon consciente que leurs gains seront imposés à titre de revenus d’entreprise, d’autres pour qui cette activité ne constitue pas leur principale source de revenus ou est simplement exécutée de façon occasionnelle devraient s’attarder à la qualification de la nature de leurs gains.

L’ARC édicte, dans son Bulletin d’interprétationIT-459 (archivé), « Projet comportant un risque ou une affaire de caractère commercial », les circonstances suggérant que nous sommes en présence d’une entreprise. Avant tout, il importe de mentionner que le paragraphe 248(1) L.I.R. définit une entreprise comme comprenant tout projet comportant un risque ou une affaire de caractère commercial. Dans ce sens, l’ARC souligne que le fait d’être devant d’un tel « projet » ne signifie pas automatiquement que nous sommes en présence d’un particulier qui exploite une entreprise. Le revenu généré dans le cadre d’un projet comportant un risque ou une affaire de caractère commercial sera imposé à titre de revenu d’entreprise. De plus, dans son bulletin, l’ARC rappelle qu’il est important de déterminer la fréquence de l’activité en cause afin de savoir si nous ne sommes pas plutôt en présence d’une transaction isolée, plutôt qu’en présence d’une entreprise ou d’une affaire de caractère commercial. Soulignons cependant qu’une transaction unique pourrait tout de même être qualifiée de nature commerciale.

À l’égard de ce qui précède, les critères permettant de déterminer la nature du revenu gagné par un contribuable peuvent être résumés comme suit :

1) l’intention du contribuable;

2) la conduite du contribuable;

3) la nature et la quantité du bien en question.

En effet, quoique les faits de chaque situation doivent être analysés afin de déterminer la nature d’un gain, les critères susmentionnés émanent de la jurisprudence et servent depuis longtemps de lignes directrices dans l’établissement de la nature capital ou d’entreprise d’un revenu. Notons que chaque critère n’est pas déterminant en soi et que c’est l’ensemble des critères qui doit être considéré lors de l’analyse de la nature d’un gain. Le Bulletin d’interprétationIT-479R (archivé), « Transactions de valeurs mobilières », traite précisément de ce sujet dans le contexte de valeurs mobilières, lesquelles comprennent donc l’achat et la vente d’actions et autres titres par un contribuable.

Le critère impliquant l’intention du contribuable est certainement le plus subjectif et difficile à établir, tout en étant un élément rassembleur pour les deux autres critères qui seront vus sous peu. L’ensemble des faits et circonstances entourant la situation d’un contribuable doit être analysé. Il est cependant pertinent de mentionner qu’alors que l’intention de vendre à profit est généralement présente pour tout investisseur, l’intention de vendre à la première occasion ne l’est pas nécessairement. Cette dernière intention peut tendre à indiquer que nous sommes en présence d’un projet comportant

un risque ou une affaire de caractère commercial. Soulignons également qu’un contribuable peut avoir plusieurs intentions. La spéculation sur titre implique généralement que l’investisseur surveille le marché boursier afin de cibler le meilleur moment pour vendre ses titres et ainsi réaliser un profit, comportement qui suggère une intention qui se veut commerciale.

Sommairement, en ce qui a trait à la conduite du= contribuable, il faut savoir que si les agissements de ce dernier s’apparentent à ceux d’un commerçant ou d’un négociant, les gains seront associés à du revenu d’entreprise. L’ARC précise que si des efforts ont été faits afin de vendre le bien sous-jacent à l’intérieur d’une courte période suivant l’achat, il est raisonnable de considérer que nous sommes en présence d’une affaire à caractère commercial. Toujours en ce qui a trait à la conduite du contribuable, la répétition de transactions semblables sera également un élément assez déterminant. Dans le cadre de la spéculation sur séance, les adeptes achètent et revendent fréquemment leurs titres et typiquement à l’intérieur d’une courte période ou séance.

Maintenant, en ce qui a trait à la nature du bien, il faut considérer que lorsqu’un bien ne peut procurer d’avantages à son propriétaire par sa simple détention et qu’ainsi le bien a été acquis dans l’objectif de le revendre à profit, nous sommes en présence d’un projet comportant un risque ou une affaire de caractère commercial. Dans le contexte du day trading, l’achat et la vente d’actions étant monnaie courante, il faut savoir que l’action est de nature spéculative. Ainsi, en considérant la conduite du contribuable, l’achat et la vente d’actions, à l’intérieur d’une courte période, suggéreraient une affaire de caractère commercial.

Même si ces notions ne seront pas abordées dans le cadre de ce texte en raison de sa portée limitée, il importe de mentionner que la Loi de l’impôt sur le revenufait état de certaines présomptions de qualification d’un revenu à titre de gain en capital ou de revenu d’entreprise. Ce sera le cas, par exemple, des gains réalisés sur des titres canadiens qui seront présumés générer du gain en capital lorsque le choix prévu au paragraphe 39(4) L.I.R. aura été effectué à cet égard ou la présomption de revenu d’entreprise lors de la disposition d’actions dites « à découvert ».

Selon les nombreux commentaires de l’ARC sur la notion de distinction entre un gain en capital et un revenu d’entreprise et la spéculation sur séance, tout contribuable s’adonnant à ce type d’activité devrait être conscient qu’il est généralement considéré qu’il y a exploitation d’une entreprise.

Day trading, REÉR et CÉLI

Toujours en considérant la montée importante du day trading, une autre idée largement véhiculée dans l’objectif d’éliminer ou de reporter l’imposition des gains, qu’ils soient de nature capital ou d’entreprise, est le fait d’effectuer ce type d’activité à l’aide d’un compte enregistré, soit un REÉR ou un CÉLI. En effet, il est vrai que ces comptes procurent à leurs titulaires l’avantage de différer l’impôt (dans le cadre du REÉR) et d’éviter l’impôt (dans le cadre du CÉLI), mais la spéculation sur séance dans ce type de compte crée-t-elle un avantage fiscal indu ou, en d’autres mots, qui va à l’encontre de l’esprit de la loi ?

L’ARC a énoncé sa position dans sa lettre d’interprétation 2009-0340431E5, « REER, exploitation d’une entreprise », laquelle date du 18 janvier 2010. Brièvement, il faut savoir que lorsqu’une fiducie est régie par un REÉR ou un CÉLI (généralement détenu auprès d’un courtier), c’est le fait qu’il y ait ou non exploitation d’une entreprise qui sera « néfaste » pour le contribuable qui s’adonne au day trading. En effet, dans sa lettre, l’ARC indique que si la fiducie régie par un REÉR ou un CÉLI exploite une entreprise (en considérant les critères discutés ci-dessus et les faits pertinents), un impôt sur la partie I L.I.R. sera payable sur les revenus nets d’entreprise générés par la fiducie. Cette conséquence impliquera qu’une déclaration de renseignements et de revenus de fiducie devra être produite et l’impôt payable sera calculé au taux d’imposition le plus élevé des particuliers, soit le taux auquel sont assujetties les fiducies non testamentaires. Selon les termes de la fiducie, si les revenus qualifiés d’entreprise sont payables au bénéficiaire (ici l’investisseur) de la fiducie régie par le REÉR, la fiducie pourra bénéficier de la déduction prévue à cet égard à l’alinéa 104(6)b) L.I.R. et le montant devenu payable au bénéficiaire devra être inclus dans sa déclaration de revenus en vertu de l’alinéa 56(1)h) et du paragraphe 146(8) L.I.R., soit pour l’année où le montant est effectivement reçu.

Il importe de mentionner que l’ARC a précisé sa position dans la lettre d’interprétation 2014-0538221C6, « Day Trading in RRSP», et a souligné une exception à l’imposition des revenus nets d’entreprise dans un REÉR selon laquelle un impôt n’aura pas à être payable pour une année donnée tant que les placements effectués par un investisseur à l’aide de son REÉR constituent des placements admissibles, selon ce qui est prévu au paragraphe 146(1) L.I.R. En effet, lorsque cette exception s’applique, soit en vertu du sous-alinéa 146(4)b)(ii) L.I.R., seuls les revenus découlant de placements admissibles d’un contribuable exploitant une entreprise grâce à la spéculation sur séance pourront être exemptés de l’imposition des gains dans la fiducie ou dans le calcul du revenu de l’investisseur.

Soulignons que cette exception est uniquement applicable au REÉR. En ce qui a trait au CÉLI, les règles susmentionnées s’appliquent, considérant que les gains générés par le biais d’un CÉLI ne sont jamais imposables, autrement, la poursuite d’une telle activité permettrait un évitement total de l’impôt sur tout gain réalisé avec le CÉLI. Enfin, dans l’objectif de décourager le day tradingdans un CÉLI, lorsque des revenus nets d’entreprise sont imposés dans une fiducie régissant un CÉLI, contrairement à un REÉR, il ne sera pas possible de déduire un montant en vertu du paragraphe 104(6) L.I.R., soit un montant payable au bénéficiaire. La totalité du revenu sera donc imposable au taux d’impôt le plus élevé des particuliers dans la déclaration de revenus de la fiducie.

Conclusion

À la lumière des règles précédentes, même si la spéculation sur séance se veut attrayante et accessible au grand public, la connaissance des règles fiscales est primordiale dans la minimisation des risques financiers. Le fait qu’un gain soit imposable à titre de gain en capital au lieu d’un revenu d’entreprise créera un avantage fiscal pour l’investisseur alors que l’imposition à titre de revenu d’entreprise générera une facture fiscale plus importante. En ce qui a trait aux pertes, l’avantage fiscal sera pour le contribuable qui réalisera une perte d’entreprise puisque ce type de perte est déductible à 100 % et à l’égard de tout type de revenus. L’ARC a déjà effectué plusieurs vérifications à ce titre et il est raisonnable de s’attendre à un accroissement de ses vérifications en considérant la popularité montante du day trading. La prudence est donc de mise !

Par Guerlane Noël, CPA, CGA, LL.M. fisc., Directrice, Planification fiscale et successorale, Placements Mackenzie, gunoel@placementsmackenzie.com

* Ce texte a paru initialement dans le magazine Stratège de l’APFF, (Automne 2021), vol. 26, no3.

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Mettre la clé sous la porte… pas sans PTPE! https://www.finance-investissement.com/zone-experts_/guerlane-noel/mettre-la-cle-sous-la-porte-pas-sans-ptpe/ Fri, 29 Jan 2021 13:14:35 +0000 https://www.finance-investissement.com/?p=77587 ZONE EXPERTS - Dans quelques semaines déjà, nous soulignerons ce moment qui marquera le premier « anniversaire » d’une période de confinement et de débalancement de notre quotidien qui s’est installée dans nos vies sans crier gare.

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La COVID-19 en aura traumatisé plus d’un! C’est finalement toutes les sphères de notre société dans son ensemble qui en auront subi les conséquences. Le temps de ces quelques lignes, portons notre attention sur nos entreprises et plus précisément, sur nos entrepreneurs.

À ce stade-ci de la pandémie, alors que nous devons accepter de faire face à des mesures restreignant nos routines habituelles pour le bien-être de tous, certains entrepreneurs ont ou auront bientôt joué leurs dernières cartes et devront fermer leurs entreprises. D’ailleurs, plusieurs experts prévoient que petites, moyennes et grandes entreprises de nombreux secteurs devront affronter la faillite et dire adieu à un patrimoine construit à la sueur du front d’entrepreneurs dévoués et engagés depuis de nombreuses années. Si certains font le nécessaire, ou des exploits même, pour éviter la faillite, d’autres devront fermer définitivement les portes de leurs entreprises par anticipation ou prévention.

Aussi durs qu’ils soient, les faits étant ce qu’ils sont, il faudra impérativement garder en tête l’aspect fiscal en lien avec la fin de vie d’une entreprise ou son état d’insolvabilité. Parmi ces nombreuses considérations fiscales, l’une se qualifiera pour le rang des avantages fiscaux : la perte au titre d’un placement d’entreprise, laquelle nous appellerons « PTPE » à partir de maintenant.

Concepts de base

Lorsqu’il est question de PTPE, deux concepts fondamentaux doivent être compris :

  1. La PTPE est, dans les faits, avant tout une perte en capital. Pourquoi donc qualifier celle-ci de PTPE? C’est ce que nous verrons sous peu.
  2. La PTPE peut se « manifester » dans deux contextes précis en lien avec une entreprise :
    • Lors de la disposition d’actions admissibles aux termes d’une PTPE et/ou
    • Lorsqu’une créance sur une entreprise admissible aux termes d’une PTPE devient irrécouvrable.

Avant d’expliquer le côté plutôt technique de la PTPE, commençons avec l’avantage clé qui en découle.

Tel que mentionné ci-haut, la PTPE est essentiellement une perte en capital. Il importe de rappeler qu’une perte en capital sera déductible dans le calcul du revenu d’un contribuable à raison de 50% du montant de la perte, mais seulement jusqu’à concurrence du gain en capital imposable (soit 50% d’un gain en capital) inclus dans le calcul du revenu de ce contribuable. Ainsi, vous l’aurez compris, il sera possible pour un contribuable de déduire une perte en capital déductible pour l’année seulement si, pour cette même année, un gain en capital a été réalisé et donc été inclus (partie imposable) dans le calcul du revenu du contribuable.

C’est pour palier à cette restriction qu’il est permis à un contribuable d’appliquer sa perte dite « nette » en capital à l’une des trois années d’imposition précédant l’année de réalisation de la perte ou lors d’une année future, toujours en respectant la condition d’avoir un gain en capital imposable inclus dans le calcul du revenu pour une année donnée.

Lorsque toutes les conditions sont satisfaites, la PTPE vient quant à elle en quelque sorte contourner les restrictions en lien avec la déductibilité d’une perte en capital que nous qualifierons d’« ordinaire ». En effet, une PTPE aura le privilège, pour une période prédéterminée, d’être admissible en déduction à l’encontre de revenus provenant de toutes sources et donc incluant, mais non limité aux gains en capital imposables pour une année donnée.

S’il n’est pas possible pour un contribuable de déduire une PTPE, faute de revenus, la PTPE pourra être appliquée à l’une des trois années d’imposition précédentes ou à l’une des dix années d’imposition suivantes, tout en respectant les mêmes conditions et privilèges. Suite à la dixième année postérieure à l’année de réalisation de la PTPE, celle-ci perdra son charme pour redevenir une perte en capital ordinaire. À partir de ce point, la portion déductible de la perte en question pourra être déduite uniquement à l’encontre d’un gain en capital imposable, mais pour n’importe quelle année future.

La PTPE peut s’avérer particulièrement intéressante, d’un point de vue fiscal, pour l’actionnaire dont les actions admissibles à une PTPE ont perdu leur valeur. Ce sera malheureusement le cas pour plusieurs entrepreneurs en raison de la pandémie.

 Société exploitant une petite entreprise

Les actionnaires détenant des actions ayant perdu leur valeur pourront, au moment de la vente réelle ou présumée de leurs actions, réclamer une PTPE uniquement si ces actions se qualifient d’actions d’une société exploitant une petite entreprise (« SEPE » ci-après). De façon sommaire et simplifiée, une société qui est une société privée sous contrôle canadien (communément appelée une « SPCC ») pourra se qualifier de SEPE si elle satisfait aux conditions suivantes :

  1. 50% ou plus de la valeur de ses actifs est attribuable aux activités d’une entreprise exploitée activement au Canada, ou
  2. 50% ou plus de la valeur de ses actifs découle d’actions ou dettes de SEPE rattachées, ou
  3. Une combinaison des points 1. et 2.

Pour les fins de ce texte, seul le point 1. ci-dessus sera considéré.

Disposition réputée ou réelle d’une action ou d’une créance

Ayant maintenant défini ce qu’est une SEPE, revenons aux circonstances qui permettraient à un entrepreneur, en situation de fin de vie de son entreprise, de tirer avantage d’une PTPE.

Disposition réelle

Même s’il semble peu probable qu’en situation de difficultés financières d’une entreprise, un entrepreneur trouve preneur pour l’acquisition de ses actions dans une SEPE ou d’une créance sur une SEPE, c’est bel et bien possible et lorsque cette disposition génère une perte en capital, en supposant que toutes les conditions soient respectées à la lettre, il sera possible pour l’entrepreneur de réclamer une PTPE. Pour que la perte réalisée par suite de la vente des actions ou de la créance soit admissible au titre d’une PTPE, il faudra s’assurer que la transaction soit effectuée en faveur d’un acheteur n’ayant pas de lien de dépendance avec le vendeur. Il sera prudent de prendre connaissance des règles de lien de dépendance prévues dans la Loi de l’impôt sur le revenu (« LIR ») afin d’éviter toute surprise causant le refus de la PTPE.

Disposition réputée

Qu’advient-il lorsque, compte tenu de l’impossibilité de poursuivre pour l’entreprise, un entrepreneur ne trouve pas d’acheteur pour ses actions de SEPE ou pour une créance sur une SEPE? Étant dans l’impossibilité de vendre, n’était-ce d’un choix prévu à cet effet dans la LIR, la possibilité de réclamer une PTPE ou même une perte en capital ordinaire découlant de ces actions et/ou créances serait évincée.

En effet, lorsque certaines conditions sont satisfaites, il est possible pour un contribuable (en l’occurrence ici, l’entrepreneur) d’effectuer un choix dans sa déclaration fiscale pour l’année afin qu’il soit réputé avoir disposé de ses actions en question ou de la créance admissible pour un prix de vente nul, soit 0 $, permettant ainsi la réalisation d’une PTPE ou d’une perte en capital ordinaire.

Il importe de mentionner que ce choix n’est pas limité à des actions de SEPE ou des créances sur SEPE. Dans le cas où tous les critères relatifs à ce choix sont satisfaits, mais que la société visée n’est pas une SEPE, le résultat final produirait une perte en capital ordinaire plutôt qu’une PTPE.

Sans entrer dans les moindres détails entourant le choix permettant au contribuable d’être réputé avoir disposé de ses actions ou créances dans une société, les éléments suivants doivent impérativement être considérés pour que le choix soit valide :

  • S’il s’agit d’une créance, il doit être établi par le contribuable que celle-ci est devenue une créance irrécouvrable. La question de savoir si une créance est devenue irrécouvrable est une question de fait qui doit être démontrée par le créancier. À titre d’information, l’Agence du Revenu du Canada fait état de certaines directives permettant d’établir si une créance est devenue irrécouvrable, lesquelles peuvent être consultées sur son site internet.
  • S’il s’agit d’actions du capital-actions d’une société, cette société devra soit être en situation de faillite, être mise en liquidation ou être insolvable pour que les actions en question soient admissibles.

D’autres particularités doivent être prises en considération, par contre, elles ne seront pas abordées dans le cadre de ce texte.

Afin d’apporter plus de clarté sur tous ces concepts qui, force est d’admettre, peuvent s’avérer complexes, voici deux courtes mises en situation :

  1. Martin est propriétaire et unique actionnaire d’une quincaillerie qu’il exploite depuis maintenant 15 ans. Son entreprise est constituée en société par actions et se qualifie de SEPE. En raison de la pandémie, Martin devra fermer de façon définitive son entreprise, laquelle est devenue insolvable.

Les données pertinentes aux actions de Martin sont les suivantes :

    • Juste valeur marchande (« JVM ») : 0 $
    • Prix de base rajusté (« PBR ») : 275 000 $

Puisque Martin ne pourrait espérer vendre ses actions, il décide de se prévaloir du choix prévu dans la LIR lui permettant d’être réputé avoir disposé de ses actions pour un prix de vente présumé de 0 $. La différence entre le prix de vente de 0 $ et le PBR de 275 000 $ résultera en une PTPE de 275 000 $, 50% de laquelle, soit 137 500 $, sera déductible dans le calcul de son revenu, et ce, à l’encontre de tous types de revenus.

  1. Martin possède également une créance sur son entreprise de 45 000 $, laquelle a été acquise dans le cadre d’une avance de fonds accordée à sa société il y a quelques années. Évaluation faite et recours épuisés, Martin a établi que sa créance est maintenant devenue irrécouvrable. En se prévalant du choix prévu dans la LIR, Martin pourra, sous réserve que toutes les conditions soient satisfaites, réclamer une PTPE de 45 000 $ grâce à la disposition réputée de sa créance pour un prix de vente de 0 $. La PTPE de Martin sera déductible à 50%, soit pour un montant total de 22 500 $, à l’encontre de revenus provenant de toutes sources.

Tel que le démontrent les exemples précédents, grâce aux dispositions prévues dans la LIR, même s’il est vrai qu’une entreprise en fin de vie attirerait difficilement des acheteurs, la vente présumée d’actions ou de créances admissibles pourra permettre à un entrepreneur de matérialiser une perte en capital. De plus, si toutes les conditions sont satisfaites, tel qu’il a été expliqué plus haut, cette perte en capital pourrait se qualifier de PTPE.

Il importe d’insister sur le fait que pour tous les entrepreneurs devant faire face à la fermeture d’une entreprise dans laquelle ils ont investi, il sera impératif de consulter un fiscaliste qui saura aborder toutes les règles en lien avec les PTPE, les pertes en capital et autres considérations fiscales.

À vous qui devrez faire face à cette dure réalité, courage!

Par Guerlane Noël, CPA, CGA, LL. M. Fisc., Directrice, Planification Fiscale et Successorale, Placements Mackenzie

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