La notion d’héritage comportemental est à bien connaître lorsqu’un planificateur financier rencontre un prospect ou un client.
En effet, nous avons tous un historique financier et personnel. C’est à dire que l’état émotionnel et rationnel dans lequel nous nous trouvons au moment où nous commençons une discussion financière avec notre planificateur financier est la somme d’actions, de réactions – conscientes ou pas, de perceptions, de craintes que nous avons accumulés tout au long de notre vie.
Vous avez pris « l’habitude » d’épargner un montant fixe de vos revenus depuis votre plus jeune âge ? Nul doute que ce genre d’attitude fera partie intégrante de votre historique financier et que vos décisions futures s’en trouveront fortement influencées.
Aussi, lorsque le planificateur financier voit s’assoir en face de lui un prospect ou un client, et avant même de lui témoigner de l’empathie et démarrer l’analyse de ses besoins, il serait souhaitable d’avoir un historique de ses décisions financières et une bonne idée de son héritage comportemental.
L’analyse des besoins réels et actuels de votre client s’en trouvera grandement améliorée car en tant que conseiller financier, vous aurez déjà une idée de ce qu’il a pris comme décisions dans le passé et de celles qu’il s’apprête à prendre dans le présent. Est-ce un investisseur prudent ou pas?
Quel type d’investissement préfère t’il ? Quels sont les biais qui orientent ses décisions financières? Mais surtout, quels sont vos biais à vous qui risquent de teinter votre compréhension de la situation de votre client?
J’ai mentionné brièvement dans mon article précédent les différents types de biais qui peuvent venir compliquer une discussion financière entre un planificateur financier et son client.
Qu’ils soient cognitifs, émotionnels ou sociaux, les biais existent bel et bien et ne doivent pas surtout pas être négligés lorsque vient le temps de cette discussion.
Ils sont nombreux mais je tenais à vous présenter les principaux :
• Les perceptions :
« idées, compréhensions plus ou moins nettes de quelque chose » (dictionnaire Larousse)
Chacun de nous va voir une image différente, selon ses propres perceptions. Il en est de même pour l’idée que l’on se fait d’une saine gestion de ses avoirs, l’idée est très subjective.
Lorsque par exemple, vous mentionnez au client que le niveau de risque de ses placements est de niveau moyen ou que son profil est équilibré, que comprend il? Quelle est sa perception du niveau de risque à ce moment là?
Il serait utile de donner des exemples chiffrés concrets au client afin de s’assurer que sa perception face à l’évolution de son placement est en lien avec sa réalité.
• Les peurs :
Depuis le krach boursier de 2008, les investisseurs se montrent plus prudents mais surtout plus craintifs et frileux face à des placements financiers pouvant s’effondrer soudainement. L’aversion aux pertes s’est trouvée décuplée chez certains ainsi que leur extrême méfiance.
Rien de plus normal si votre client a peur à la suite d’un crash boursier. Maintenant, si votre client a de la difficulté à gérer sa peur et qu’il risque de prendre des décisions émotives, il serait important de lui expliquer les conséquences de ses gestes et de lui rappeler les décisions qu’il a prises dans le passé, lors d’une période plus calme et plus à la prise de décisions importantes. La précipitation n’est pas toujours bonne conseillère.
• L’insécurité :
Même si le contexte en matière d’investissement est favorable, il y aura toujours des clients qui verront « le verre à moitié vide ». Éternels inquiets, soumis à un fort sentiment d’insécurité financière (justifié ou pas), ils doutent de tout et demandent des garanties, des assurances, des certitudes.
Malgré le fait que l’insécurité soit une émotion normale en période de crise boursière, le planificateur financier devrait revalider le profil d’investisseur de son client pour s’assurer que ses placements et le niveau de risque soient bien en lien avec les placements qu’il détient. Cela servirait aussi de rappel pour le client, en lui expliquant l’évolution dans le temps de la bourse et son impact sur ses placements.
• L’entourage :
Que ce soit pour un achat en ligne ou en boutique physique, environ 80% de vos clients vont demander l’avis d’un proche, d’un ami, de la famille avant de concrétiser leur achat. Le pouvoir de l’influence, de la recommandation, du « bon conseil » a toujours autant de poids lorsqu’arrive le temps de prendre une décision. Croyez-vous que ce soit différent en matière de placements et conseils financiers? Pas du tout.
• Les rumeurs :
Nouvelle, bruit qui se répand dans le public, dont l’origine est inconnue ou incertaine et la véracité douteuse (dictionnaire Larousse).
Hélas, même si la rumeur est incertaine ou douteuse, sa propagation est très souvent ultra rapide grâce aux médias et tout particulièrement, les médias sociaux. Telle banque licencie du personnel ? Telle entreprise voit le cours de ses actions fléchir et c’est le top départ pour des rumeurs, parfois infondées, amis qui peuvent avoir un impact sur les décisions financières de vos clients.
• Les interprétations :
Selon la façon dont vos clients vont interpréter vos explications et vos conseils, leurs décisions peuvent parfois prendre une direction toute différente de celle prévue initialement.
Il est toujours prudent de valider ce qui est compris par le client, à chaque étape de la discussion et que l’information soit la plus précise et documentée possible pour justement, laisser le moins de place aux interprétations.
Vous aurez compris qu’il est crucial de comprendre les biais qui motivent les décisions de votre client et de savoir le rassurer en tentant de répondre à ses questionnements, ses incertitudes, ses croyances; en favorisant la prise en charge rationnelle et émotionnelle de votre client, le seul risque que vous prenez est de développer une excellente relation d’affaires et de développer sa confiance en vous !
Aussi, quel pourrait être le bon discours à tenir pour, au moins créer une prise de conscience et peut-être favoriser sa prise de décision?
À un client fortement influencé par les recommandations de son entourage ou les commentaires publiés sur les réseaux sociaux, il serait peut-être bon de montrer, preuve à l’appui (étude, statistiques, article d’une revue professionnelle connue) la pertinence de ce que vous lui avez présenté et d’insister sur le caractère personnel et unique d’une décision financière (le type de placement de votre belle-sœur Germaine n’est peut-être pas celui qu’il vous faut car pas adapté à votre situation financière actuelle!).
Si votre client se sent dans l’insécurité la plus totale, il conviendra de le rassurer le plus possible en démontrant votre expertise, vos résultats professionnels, la satisfaction de vos clients, mais surtout la fiabilité prouvée des investissements que vous lui proposez. Ce n’est que lorsque vous aurez toute sa confiance que l’émotion diminuera un peu et laissera plus de place à la rationalité nécessaire à la prise de décision.
À ceux qui croiraient qu’une négociation, qu’elle soit financière ou pas, est facile, je répondrai : « Pas tant que cela! ».
Nous avons pu voir que de nombreuses étapes existent, que des critères émotionnels et rationnels sont à prendre en compte afin de mieux cerner qui se trouve en face de vous.
Un autre élément, extrêmement important est également à considérer : notre rapport à l’argent et perception du risque.
Avons-nous tous la même valeur de l’argent ? Lui accordons-nous la même importance ?
Je tenterai de répondre à ces questions lors du prochain article…