La division de la réglementation de la Bourse de Montréal a émis des lignes directrices établissant des principes et facteurs à considérer dans la détermination de sanctions dans le cadre des plaintes disciplinaires.

Ces lignes directrices prévoient des facteurs atténuants et aggravants, afin de déterminer des sanctions justes et appropriées sans toutefois établir des sanctions prédéterminées. Chaque instance est unique et fera l’objet d’une analyse nuancée de la part du décideur. Cependant, les directives sont au coeur de cette analyse.

Principes généraux

Les sanctions ont pour buts principaux de prévenir l’inconduite, de protéger la réputation de la Bourse et de maintenir « un haut standard de conduite d’affaires dans un objectif de protection du public » (1). Les sanctions doivent être spécifiques aux faits et proportionnelles à la nature juridique à la gravité de l’infraction en cause. Ainsi, pour punir adéquatement une infraction, les lignes directrices indiquent que la sanction doit toujours être plus élevée que les gains générés ou les coûts évités par la commission de l’infraction. L’objectif principal de la sanction est toujours la dissuasion.

Le danger de plusieurs infractions

Les récidivistes subiront des sanctions plus sévères, un principe qui s’aligne sur l’objectif primordial de la prévention. Les infractions antérieures punies par la Bourse ainsi que par d’autres organismes d’autoréglementation en matière de valeurs mobilières ou d’instruments dérivés seront prises en compte. Des lettres d’avertissement ou de rappel de la Division peuvent également être considérées en tant que circonstance pertinente pour l’établissement de la sanction.

Si l’infraction subséquente est commise peu de temps après que la sanction disciplinaire antérieure a été infligée, cette courte période de temps constituera un facteur aggravant. Une sanction plus sévère est aussi possible lorsqu’il existe une tendance ou un schéma de comportements problématiques similaires ou un risque qu’un comportement se répétera dans l’avenir. On peut conclure à ce risque même en l’absence d’antécédents disciplinaires.

En présence d’un risque de récidive, une suspension, une révocation ou l’expulsion seront toutes justifiées comme sanction, surtout lorsque l’inconduite est assez sérieuse pour porter atteinte à la réputation de la Bourse ou à l’intégrité des marchés. De plus, en cas de plusieurs infractions, chacune fera l’objet d’une sanction distincte.

Il est à noter que même en l’absence de plusieurs infractions, une infraction donnée peut être punie plus sévèrement si elle a été répétée ou prolongée dans le temps ou s’il y a un nombre important d’ordres saisis ou de volume négocié. Évidemment, cela sera également le cas si le décideur considère que l’inconduite était intentionnelle.

Jamais trop tard : comment limiter les dégâts

Une fois que l’infraction est commise, le plus important est de coopérer avec la Bourse et d’être transparent. La reconnaissance ou l’admission d’avoir commis une infraction à la Bourse tôt dans le processus constitue un facteur atténuant. Il en est de même s’il y a une autodénonciation de l’infraction à la Bourse. Le fait de tenter de cacher ou de nier une contravention ou un fait important résultera certainement en une sanction plus sévère.

Il sera également bénéfique d’agir de façon positive afin de rectifier l’erreur commise et d’éviter des infractions futures. Pour ce faire, l’adoption de nouvelles méthodes, directives ou formations internes, la prise de mesures disciplinaires à l’interne ou la restitution volontaire à la personne lésée seront des facteurs atténuants considérés dans l’évaluation de la sanction à imposer.

Illustrations pratiques : les affaires Gareau et Costa

Les affaires suivantes illustrent l’application de ces types de directives dans la détermination de la sanction appropriée, et l’importance de la coopération et de la transparence dans le processus disciplinaire.

Dans Re Gareau (2), l’Organisme canadien de réglementation du commerce des valeurs mobilières (OCRCVM) a soupesé plusieurs facteurs dans l’imposition de la sanction.

Pour Kenneth Gareau, on comptait plusieurs facteurs aggravants dominants. Les clients lésés étaient vulnérables et relativement peu avertis et ils faisaient entièrement confiance à l’avis de leur conseiller. En raison des décisions d’investissement inappropriées de celui-ci, les clients ont souffert des pertes financières importantes et des préjudices émotionnels. L’existence de nombreuses transgressions et, par conséquent, d’une tendance à cette conduite répréhensible n’a pas non plus aidé la situation de Kenneth Gareau, qui avait aussi un antécédent disciplinaire. Au surplus, les décideurs ont considéré que la conduite du représentant avait causé un préjudice à l’intégrité du secteur des valeurs mobilières dans son ensemble.

Par contre, parmi les facteurs atténuants, Kenneth Gareau a reconnu ses manquements et exprimé des remords. De plus, il a personnellement versé 106 000 $ afin d’indemniser les pertes des familles lésées. Il a coopéré au cours du processus d’enquête, fournissant de l’assistance et de l’information lorsque c’était requis. Il n’y avait aucune raison de croire qu’il n’agirait pas de manière honnête et équitable dans l’avenir. Ces facteurs atténuants ont aussi compté dans l’analyse du décideur.

Dans le cas de Re Costa (3), Remo Costa a été reconnu coupable d’avoir mené des activités de négociation manipulatrices et trompeuses. Même si le Comité décideur admet comme facteur atténuant le fait que l’intimé n’avait pas d’antécédent disciplinaire, l’effet de ce facteur atténuant a été neutralisé par des facteurs aggravants. En effet, Remo Costa refusait de reconnaître sa culpabilité et niait avoir commis les gestes reprochés. De plus, le décideur a tenu compte de la gravité de l’infraction et du préjudice causé à l’intégrité des marchés financiers. Remo Costa a été condamné à payer une amende de 25 000 $ plus les frais de 15 000 $. Finalement, une suspension de 6 mois et une supervision stricte de 12 mois ont été prononcées.

1. Lignes directrices, Division de la réglementation de la Bourse de Montréal
2. 2011 IIROC 72
3. 2019 OCRCVM 15

* Le présent article ne constitue pas un avis juridique.