L’affaire Lathigee1 sert de leçon pour renforcer notre confiance dans la réglementation du système des valeurs mobilières. Elle prouve qu’un fraudeur ne peut s’échapper aux États-Unis pour éviter de rembourser l’argent qu’il a extorqué aux investisseurs.
Mike Lathigee, le fraudeur, n’était pas étranger au système judiciaire.
En 2014, la Commission des valeurs mobilières de la Colombie-Britannique l’a déclaré coupable d’avoir fraudé près de 700 investisseurs canadiens. La Commission a ordonné à Mike Lathigee de rembourser les 21,7 M$ qu’il a soutirés des investisseurs en plus de payer une sanction administrative de 15 M$. Celui-ci a fait appel de la décision, sans succès.
Mike Lathigee a risqué le tout pour le tout et a déménagé au Nevada. La Commission l’y a poursuivi uniquement pour les 21,7 M$ extorqués aux investisseurs et a laissé la sanction administrative de côté. La Cour du district du Nevada a reconnu l’ordonnance canadienne pour les 21,7 M$.
Le coupable a fait appel de la décision à la Cour suprême du Nevada, mais la chance n’était pas de son côté. Cette Cour a confirmé la décision de la Cour du district : il était tenu de rembourser.
Pourquoi la Commission n’a-t-elle poursuivi Mike Lathigee que pour les sommes extorquées aux investisseurs et non également pour la sanction administrative ?
La loi du Nevada nous donne la réponse. Dans cet État, les tribunaux ne peuvent pas appliquer une amende ou une pénalité imposée par une juridiction étrangère. La Commission a donc laissé tomber la sanction administrative pour donner la priorité à l’ordonnance visant à récupérer l’argent des investisseurs.
Par contre, la Cour suprême du Nevada considère que l’ordonnance de rembourser les 21,7 M$ n’est ni une amende ni une pénalité. Elle sert à priver Mike Lathigee de tout profit de sa fraude. L’argent, une fois versé à la Commission, servira à rembourser les investisseurs. Donc, les dés sont jetés – l’ordonnance canadienne s’applique au Nevada.
Cependant, il y a une exception à la loi de cet État, selon laquelle un tribunal peut appliquer une amende ou une pénalité en vertu du principe de la courtoisie. Ici, la courtoisie signifie que les tribunaux du Nevada peuvent donner effet aux jugements étrangers par déférence et respect.
Ainsi, la Cour suprême du Nevada considère que l’ordonnance canadienne devrait être maintenue, car les critères de la courtoisie sont remplis. Elle confirme que l’ordonnance vient d’un tribunal approprié avec une juridiction et un vrai processus. En plus, elle cite des exemples de coopération entre les commissions des valeurs mobilières canadiennes et américaines. Les deux pays ont non seulement signé des accords pour assurer une coopération en matière de réglementation des valeurs mobilières, mais cette coopération est attestée par les tribunaux canadiens, qui appliquent de la même manière les ordonnances américaines relatives à la fraude boursière.
Donc, Mike Lathigee ne pouvait échapper à l’ordonnance de rembourser les 21,7 M$, car elle ne constitue ni une amende ni une pénalité. La loi du Nevada ne s’applique donc pas. En plus, le principe de la courtoisie permet également à l’ordonnance d’être exécutée.
L’affaire Lathigee nous donne une autre leçon valable. Pour les commissions des valeurs mobilières provinciales, l’investisseur est la priorité. Au lieu de poursuivre Mike Lathigee pour la totalité de la somme qu’il a été condamné à payer, soit pour l’ordonnance et pour la sanction, la Commission prend l’option la plus sûre et la plus certaine. Elle ne laisse rien au hasard et utilise l’argument le plus clair plutôt que celui qui repose sur la discrétion judiciaire.
Le résultat ? La Commission peut s’assurer qu’elle obtiendra une ordonnance permettant de rembourser les investisseurs lésés.
Lorsqu’il s’agit de l’argent des investisseurs, la Commission des valeurs mobilières de la Colombie-Britannique ne joue pas à un jeu de hasard.
- Michael Patrick Lathigee v. British Columbia Securities Commission, 136 Nev Adv Op No 79 (Nevada Supreme Court 2020)
Julie-Martine Loranger associée chez McCarthy Tétrault S.E.N.C.R.L., s.r.l., avec la collaboration de Kevin Pinkoski, stagiaire en droit.
Le présent article ne constitue pas un avis juridique.