Un homme d’affaires examine les valeurs statistiques à la loupe.
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Le 16 janvier 2025, l’Autorité des marchés financiers (l’« AMF ») a dévoilé la mise à jour de son cadre de surveillance des institutions financières et des agents d’évaluation du crédit (ci-après les « entités assujetties ») (le « Cadre »)[1]. Ce Cadre a pour objectif d’assurer que le système financier soit dynamique, intègre et digne de la confiance du public[2].

Le nouveau Cadre adopte une approche de surveillance axée sur les risques présentant des impacts potentiels les plus importants pour : la stabilité financière et la protection des intérêts des clients[3]. Le nouveau Cadre se veut également dynamique afin de s’adapter aux changements internes et externes des entités assujetties et d’intervenir au moment opportun.

Nous examinerons certains des changements apportés au Cadre soit :

  • Une approche de surveillance plus dynamique et prospective ;
  • Une transparence accrue et des échanges en continu avec les entités assujetties ;
  • Une importance accordée aux pratiques commerciales et au traitement équitable des clients ; et
  • Un profil de risque qui vise à évaluer la résilience des institutions financières.

Approche de surveillance plus dynamique et prospective

Le nouveau Cadre prévoit une formalisation des vigies en continu des environnements internes (notamment les tendances en matière de stratégies, produits, gouvernance ou pratiques) et externes (notamment les changements macroéconomiques et les innovations technologiques) des entités assujetties[4]. Une vigie spécifique est également effectuée pour les risques en émergence. Cela permettra à l’AMF d’intervenir en temps opportun puisqu’elle maintient une lecture des risques à jour.

Le nouveau Cadre prévoit également que L’AMF passe d’un plan de surveillance de trois ans mis à jour annuellement à un plan de surveillance annuel mis à jour trimestriellement ou au besoin[5]. L’aspect dynamique du nouveau plan de surveillance permettra de l’ajuster lorsqu’un événement survient dans l’environnement interne ou externe de l’entité assujettie et qu’il modifie l’évaluation des risques[6].

Enfin, le nouveau Cadre prévoit une évolution des modes et travaux de surveillance. En effet, la nature des travaux de surveillance de l’AMF peut prendre diverses formes dont notamment des demandes d’informations ponctuelles, d’auto-évaluation ou de rencontres périodiques[7]. Les travaux de surveillance s’intensifient en fonction de l’augmentation du niveau de risque ou du stade d’intervention[8]. L’AMF précise également que ces travaux de surveillance peuvent viser une entité ou une industrie (surveillance transversale).

Transparence accrue et des échanges en continu avec les entités assujetties

Le nouveau Cadre prévoit une communication accrue avec les entités assujetties en fonction de leur catégorisation[9]. Ces échanges en continu permettent un partage d’information sur les risques et tendances entre l’AMF et les entités assujetties.

Le nouveau Cadre prévoit également la communication en temps opportun avec les entités assujetties de tout développement en matière d’encadrement et de surveillance. Par exemple, dans le cadre de travaux de surveillance, l’AMF discute des observations et des recommandations avec la haute direction avant de les finaliser[10]. Cette transparence permet de donner de la prévisibilité aux entités assujetties[11].

Cette communication accrue a pour objectif de renforcer la collaboration entre les entités assujetties et l’AMF.

Importance accordée aux pratiques commerciales et au traitement équitable des clients

Dans le nouveau Cadre, l’AMF accorde une importance particulière aux pratiques commerciales et au traitement équitable des clients lors de l’identification et l’évaluation des risques. L’AMF tient maintenant compte, non seulement de l’impact des pratiques commerciales sur l’entité assujettie, mais également de leur impact sur les clients[12].

En effet, une pratique commerciale inadéquate pourrait avoir un faible impact sur l’entité assujettie, mais avoir un impact important sur les clients[13]. En tenant compte des clients dans son évaluation, l’AMF compte assurer une meilleure protection des clients.

Profil de risque qui vise à évaluer la résilience des institutions financières

Afin de déterminer le profil de risque, l’AMF fait l’analyse de 4 composantes. L’analyse de la composante « Risques non financiers » permet de déterminer la résilience opérationnelle de l’institution financière, soit sa capacité à opérer en cas de perturbation[14]. L’analyse des composantes « Risques financiers et d’assurance » et « Situation financière » permet de déterminer la résilience financière de l’institution financière, soit sa capacité à résister à des périodes de tensions financières[15]. La dernière composante, « Culture, gouvernance et fonction de supervision », permet de déterminer de manière transversale aux autres composantes si la gestion des risques fait partie intégrante de la culture d’entreprise, et ce, particulièrement au niveau du conseil d’administration et de la haute direction[16].

Le Cadre s’applique aussi différemment pour les agences d’évaluation du crédit (« AÉC ») et certaines institutions financières. Les AÉC ne sont soumis à une évaluation que sur deux des quatre composantes, soit celle sur la Culture, gouvernance et fonction de supervision ainsi que celle des Risques non financiers. Les organismes d’autoréglementation et les unions réciproques, quant à eux, ne sont évalués que sur la base de la composante Situation financière.

Suite à cette analyse, l’AMF attribue une cote de profil de risque, variant de « faible » à « très élevée », qui exprime l’impact que la matérialisation d’un risque pourrait avoir sur l’institution financière. L’AMF note que le risque « faible » ne signifie pas un risque nul. Cela tend plutôt à indiquer que l’institution financière met en place des mesures de gestions de risques suffisantes et est considérée comme résiliente face à la matérialisation d’un risque[17]. Cette nouvelle analyse permettra d’assurer la stabilité du système financier face aux potentielles perturbations.

Bref, en adoptant un nouveau Cadre plus dynamique et prospectif, l’AMF se dote des outils nécessaires pour répondre efficacement aux nouveaux risques. Cette approche lui permettra également d’intervenir en temps opportun et de favoriser la transparence dans ses communications avec les entités assujetties.

Par Me Julie-Martine Loranger, avocate émérite, associée chez McCarthy Tétrault S.E.N.C.R.L., s.r.l., avec la collaboration de Yassine Khadir et Vincent Leduc respectivement associée, sociétaire et étudiant chez McCarthy Tétrault, S.EN.C.R.L..

Le présent article ne constitue pas un avis juridique.

[1] https://lautorite.qc.ca/grand-public/salle-de-presse/actualites/fiche-dactualite/lautorite-met-a-jour-son-cadre-de-surveillance-des-institutions-financieres-et-des-agents-devaluation-du-credit

[2] P.7

[3] P.7

[4] P.11

[5] P.14

[6] P.13

[7] P.15

[8] P.14

[9] P.9

[10] P.16

[11] P.9

[12] P.13

[13] P.9

[14] P.12

[15] P.12

[16] P.11

[17] P.13