L’être humain, en quête d’enrichissement constant, est souvent séduit naturellement par ces expériences illusoires. Nombreux sont ceux qui ambitionnent à surpasser les marchés, mais est-ce réaliste de penser pouvoir se démarquer de façon régulière et constante ?
N’en doutez pas, cette fausse croyance est présente autant dans la tête des investisseurs que dans celle des professionnels du secteur des services financiers. C’est d’ailleurs pour cette raison que de nombreux conseillers allouent un temps alarmant à la sélection des titres à recommander à leurs clients. Chaque investisseur ayant des besoins et attentes distinctes, il est sous-entendu que le conseiller se doit de sélectionner le ou les meilleurs produits du moment. Mais qu’advient-il du client rencontré il y a quelques mois pour qui les produits pourraient déjà être considérés comme étant « désuets » ?
Le passé n’est pas garant du futur…
Cette fameuse phrase que l’on entend si souvent, et qui semble pourtant oubliée, vaut la peine d’être réitérée. À titre d’exemple, pour choisir « les meilleurs fonds », plusieurs professionnels basent leurs décisions sur des systèmes de cotation comme celui des étoiles de Morningstar. Saviez-vous que parmi les 248 produits cotés 5 étoiles en 1999, seulement 4 font encore partie de la même classe, et 87 d’entre eux ont tout simplement disparu après une seule décennie[1] ?
Alors comment ces personnes devenues riches à la bourse ont-elles réussi à surpasser les marchés année après année ? Si vous voulez mon avis, il y a probablement une bonne dose de chance dans le lot ou une exagération de la vérité.
Warren Buffet, l’un des plus grands cerveaux de l’histoire en ce qui a trait à la gestion de portefeuille, sous-performe les marchés à certaines périodes. Il n’en est pas différent pour le reste de la planète. En 2016, Vanguard a évalué la performance de 2 224 fonds d’actions américains entre 2002 et 2016. Voici les résultats :
- 54% des fonds initiaux n’existent plus;
- 32% existent encore, mais ont sous-performé leur indice de référence;
- 14% ont surpassé leur indice de référence.
Il est facile d’acclamer les produits de la 3e catégorie comme étant les « grands gagnants », mais durant cette période de 15 ans, ils n’ont pas toujours été à la mode. Parmi ces 14% ayant surpassé leur indice sur 15 ans, 72% ont connu une période de sous-performance pendant au moins 3 ans[2].
Auriez-vous recommandé d’investir dans ces produits durant leur sous-performance? Comment démontrer à un client que c’est ce mandat qui sortira de la foule quelques années plus tard?
À l’encontre de la logique : les biais cognitifs
Bien que d’investir à contre-courant soit un principe logique, rares sont ceux qui sont réellement en mesure d’appliquer cette approche. Dans son livre Pile et Face, Michel Villa, conférencier, formateur, CPA et chroniqueur boursier partage ceci :
« D’abord, plutôt que de nous fier à un processus décisionnel rigoureux, nous avons tendance à fonder notre opinion sur une nouvelle financière pour assouvir notre désir d’établir des liens de causalité. Malheureusement, les médias n’hésitent pas à évoquer en fonction de la direction de l’instrument financier, ce qui est peu utile »[3].
La tendance qu’ont les investisseurs de favoriser les mandats les plus performants « à ce moment » est totalement naturelle selon lui. Il explique ceci par le biais de récence : « En effet, on porte une attention particulière aux informations récentes et on a tendance à penser que c’est ce qui se reflétera dans le futur », explique M. Villa. Ce principe, ajouté au fait que ces fonds performants sont les plus publicisés, mène à délaisser d’autres produits ayant moins bonne figure : « C’est normal, c’est ce qui se vend le plus facilement! », ajoute-t-il.
Pour contrer ce biais, M. Villa recommande d’effectuer ses propres recherches et d’utiliser des sources ayant des avis contraires, ce qui permet aussi de contrer le biais de confirmation, qui explique que nous cherchons souvent à confirmer nos opinions plutôt qu’à les infirmer. En allant chercher des avis d’experts qui sont aux antipodes, ça permet de mieux comprendre les raisons derrière les opinions différentes et ça mène donc à un raisonnement plus éclairé.
L’éducation : une solution
La première étape consiste à se détacher de la quête utopique de surperformance constante. Cette étape est cruciale pour tous les investisseurs, mais elle est fondamentale pour les professionnels des services financiers sur qui les investisseurs comptent. Il est dans le devoir du conseiller d’éduquer son client afin qu’il comprenne qu’il est impossible de promettre que les recommandations seront « les plus performantes ». L’idéal est d’aborder le sujet en fonction de leurs objectifs d’investissement : « Le plus gros risque de l’investisseur particulier n’est pas de faire plus ou moins de rendements que l’investisseur moyen, mais bien de ne pas atteindre ses objectifs ! », explique Michel Villa.
En ce sens, mettez l’emphase sur la création d’un plan avec vos clients et gérez leurs attentes dès le départ. Appuyez-vous de sources et de statistiques bien illustrées afin d’augmenter leurs chances de rétention d’information. De cette façon, lorsque viendra le temps de les rassurer en période plus volatile, il sera simple pour vous de leur rappeler ce qui leur a déjà été expliqué, plutôt que de devoir tout expliquer à un moment où leurs insécurités troublent leurs pensées. Et si votre dentiste ne vous avait pas avisé de la possibilité que vos dents de sagesse sortent? Vous auriez probablement été assez surpris le moment venu! En tant que spécialiste, c’est à vous d’informer vos clients des risques et des façons de réagir face à ceux-ci avant qu’ils ne se manifestent et “défigurent” leur plan financier.
Que faire avec les placements de mes clients ?
Imaginez le temps que vous sauverez si vous décidez de centraliser votre offre de services plutôt que de rester éparpillé. Le but n’étant pas de se fermer les yeux et d’accorder moins d’importance à la sélection des placements pour vos clients, mais bien de réaliser l’exercice de façon encore plus approfondie puis de réajuster votre offre à travers le temps. On appelle cette stratégie la “création de portefeuilles modèles”. Le principe est simple, il s’agit de sélectionner certains mandats allant se retrouver dans votre offre de services et de constituer des portefeuilles modèles pour les différents profils de vos clients.
Cette stratégie comporte une multitude de bénéfices pour vous et pour vos clients. L’article du mois prochain énoncera ces différents avantages et vous guidera à travers les différentes façons de modéliser vos portefeuilles.
[1] JAKAB, Spencer. Heads I Win, Tails I Win : Why smart investors fail and how to tilt the odds in your favor
[2] Vanguard, calculs utilisant les données de Morningstar, 31 décembre 2016.
[3] VILLA, Michel. Pile et Face : Combiner raison et émotion pour réussir en Bourse, 17 novembre 2019.