Les puristes se souviendront des consultations 33-403 et 33-404 qui avaient fait couler beaucoup d’encre et fait surchauffer quelques cerveaux au passage.

J’avoue que le mien a fait partie du lot!

Pourquoi? Parce que ce projet de réforme adoptait une approche différente sans pour autant sombrer dans la modestie.

En effet, les Autorités canadiennes en valeurs mobilières (ACVM) souhaitaient adopter tout un train de mesures ciblant diverses problématiques observées à travers le temps. Ce ciblage, croyait-on alors, aurait pour principale vertu de ne pas déranger autant qu’une vaste réforme.

Or, les réformes ciblées avaient tellement de cibles et allaient tellement profondément au cœur même des processus établis dans l’industrie que cette dernière n’a eu d’autre choix que de réagir très fortement à la première mouture du projet des ACVM et de critiquer, parfois de manière virulente, certains changements envisagés.

À ce moment, une rupture aurait pu survenir. Les ACVM auraient pu se braquer et tenter d’imposer leur train de mesures et l’industrie aurait très bien pu bouder dans son coin et nourrir une sombre théorie du complot. C’est pourtant tout le contraire qui s’est passé, du moins au Québec.

Les contacts entre l’Autorité des marchés financiers (AMF) et l’industrie se sont multipliés. Chacun a fait des efforts pour comprendre la réalité de l’autre. Si bien qu’à leur seconde consultation, les ACVM sont arrivées avec un projet globalement amélioré. Pas parfait, mais certainement amélioré comparativement à sa première version.

Et les échanges ont continués. Les ACVM sont demeurées fermes sur les objectifs poursuivis alors que l’industrie a souligné, exemples à l’appui, les faiblesses de certaines mesures proposées.

Au terme de cette seconde consultation, les ACVM sont rentrées dans leurs terres pour digérer, réfléchir et pondre une version finale des réformes axées sur le client.

C’est cette version finale que nous attendons prochainement et qui pourrait redéfinir de manière majeure les obligations des courtiers et des conseillers mais également l’expérience vécue par nos clients.

Je n’ai pas le plaisir (ou l’honneur) d’être dans le secret des dieux. Je lirai, en même temps que tous ce qui sera publié et j’avoue que j’ai un peu hâte mais que j’ai surtout espoir que les ACVM viseront juste cette fois.

La ligne peut être très mince entre un décollage réussi et un décrochage parce qu’on a visé trop haut, trop tôt.

Une réforme trop ambitieuse qui demanderait trop de ressources et de temps à l’industrie pour des gains modestes en termes d’amélioration de la protection du public aurait pour effet d’affaiblir l’industrie et la qualité finale des services rendus aux clients, sans compter une possible augmentation des coûts ou perte d’accès au conseil pour certains.

À l’inverse, une réforme mièvre n’est pas souhaitable car les enjeux soulevés par les ACVM méritent d’être adressés afin de rehausser les standards et d’offrir à nos clients la meilleure version de nous-même.

C’est un jeu d’équilibre auquel il n’est pas facile de se prêter. D’autant plus qu’il se joue dans un monde en constant mouvement qui n’attend pas les réformes pour évoluer.

Il demeure que la responsabilité de présenter un cadre bien adapté et un dosage adéquat incombe aux ACVM. C’est sur leurs épaules que repose le fardeau et nous pourrons juger, à la lumière de la prochaine publication, s’ils s’en sont acquittés avec succès.

Mais concrètement, à quoi devrions-nous nous attendre?

  • Un rehaussement des exigences en matière de gestion des conflits d’intérêts

La ligne est claire. Les ACVM estiment depuis longtemps qu’il subsiste dans notre industrie des conflits d’intérêts qui devraient être évités ou mieux encadrés et il serait surprenant que, sur ce point, elles battent en retrait.

  • Un rehaussement des exigences en matière de connaissance du client et du produit

C’est la base du travail de conseiller. Renforcer la base est souvent une bonne idée. Espérons seulement que le dosage des ACVM sera plus digeste que ce qui avait été soumis pour les consultations jusqu’ici car sinon, nous pouvons prédire une somme d’efforts importante, des coûts non négligeables et des enjeux d’applicabilité réels sans pour autant que les résultats soient à la hauteur des attentes de certains régulateurs. Ce ne serait pas faute d’effort, mais parfois, la gestion des attentes est la meilleure stratégie. À suivre!

  • Un rehaussement des exigences en matière de convenance

Avec la connaissance du client et du produit, la convenance est la pierre d’assise de tout conseil et de toute offre de service à un client. Les ACVM semblent porter, avec raison, une grande attention sur ce point. Toutefois, comme pour le point précédent, le bon dosage doit être au rendez-vous et nous aurions tous intérêt à nous souvenir que le mieux est parfois l’ennemi du bien.

Au final, nous découvrirons sous peu la ligne qu’entendent tracer les ACVM. Cette ligne aura des effets importants dans notre industrie pour de nombreuses années à venir. Souhaitons qu’elle n’en soit pas une de fracture mais plutôt garante de succès sur toute sa longueur.