Mais bon, parce que nous ne sommes pas directeur général d’une équipe de la LNH et qu’il ne nous reste en cette matière qu’à pester contre les échanges qui sont (ou ne sont pas) faits, je vous propose une discussion sur un autre type d’échange que nous vivons dans notre industrie : le changement de courtier pour un conseiller.
Plusieurs représentants en ont vécu un, voire même deux ou plus dans leur carrière. Pour d’autres, c’est un monde parfaitement inconnu. En fait, même pour ceux qui en ont l’expérience, il est important de prendre note que « la game a changé » pour citer un téléroman qui n’a fort heureusement pas survécu au temps.
Alors ça marche comment cette histoire-là? Comment et pourquoi un représentant ou un conseiller voudrait-il changer de courtier?
D’entrée de jeu, laissons le « pourquoi » de côté. Il existe en effet autant de raisons qu’il y a de changements. Certains choisiront d’aller voir ailleurs pour des raisons d’affinités, de liberté, de rémunération, d’avantages concurrentiels ou simplement parce qu’ils ont vraiment besoin d’air frais ou, ne nous mettons pas la tête dans le sable, d’argent.
Concentrons-nous plutôt sur le « comment » que je vous propose de classer en deux catégories : la théorie et la pratique.
La théorie
Selon la règlementation en valeurs mobilières, en tant que représentant ou conseiller en valeurs, votre permis n’est valide que par l’intermédiaire de votre courtier. C’est ce dernier qui effectue la demande de rattachement auprès des autorités compétentes, via la Base de données nationale d’inscriptions (BDNI) ou qui, au contraire, signifie votre cessation de relation.
Lorsque vous choisissez de quitter votre courtier pour des contrées plus verdoyantes, il vous suffit donc de présenter votre démission auprès de votre courtier actuel, celui-ci signifiera dans la BDNI la cessation de votre relation, vous fournira votre rapport 33-109 A1 et le courtier élu de votre cœur pourra alors demander le rattachement de votre permis auprès de lui.
Si votre dossier est net, c’est l’histoire de quelques jours normalement. Simple, non? Pas forcément.
La pratique
L’homme descend du singe. Il lui est donc naturel de ne pas lâcher une branche tant qu’il n’en a pas une nouvelle dans l’autre main. Alors, pendant que vous êtes toujours rattaché à votre courtier, vous concluez une entente en vue de votre transfert avec votre nouvelle flamme.
C’est alors que vous élaborez, dans le plus grand secret, votre plan de transfert : rédaction de votre lettre de démission, préparation d’une communication aux clients, planification de rendez-vous avec vos clients importants, organisation du déménagement, recrutement, etc.
Il y a aussi la possibilité d’aviser aimablement votre courtier actuel pour lui annoncer que vous passez à l’Ouest et lui dire quand. Ce genre d’attitude professionnelle est appréciée et vous grandira. Toutefois, si vous craignez des représailles ou le déclenchement des hostilités, vous ferez l’impasse sur cette possibilité.
Puis, le jour J, tout s’enclenche. Vous démissionnez et lancez la machine : vous contactez rapidement vos clients pour les informer et les rassurer, vous déménagez, votre nouveau courtier tente d’effectuer votre rattachement dans les meilleurs délais et vous entrez dans une course folle pour transférer clients et actifs vers votre nouveau port d’attache.
Car voilà, la procédure de transfert en bloc qui existait auparavant et qui a longtemps été utilisée par la plupart des courtiers en épargne collective n’existe plus depuis 2009, gracieuseté du Règlement 31-103. Cette procédure permettait, par un simple échange de documents, de transférer la totalité des actifs d’un représentant d’un courtier vers un autre.
Dans les faits, de nombreux courtiers ont continué jusqu’en 2015 à effectuer des transferts en blocs, suivant une interprétation différente dudit règlement. Un avis de l’AMF sur la question a définitivement fermé cette porte depuis.
Vous devez donc transférer, un par un, chacun de vos clients en obtenant sa signature.
Pour un représentant ayant peu de clients, c’est relativement aisé. Pour un conseiller mature qui en a quelques centaines, c’est une toute autre histoire. Ajoutons que votre ancien courtier ne devrait plus vous payer pour des clients qui sont encore chez lui, créant ainsi un trou dans vos revenus, le temps que vous ayez convaincu vos clients de vous suivre.
Une fois que vous avez réussi à faire le tour de votre monde et que vos clients sont avec vous chez votre nouveau courtier, vous pouvez reprendre votre rythme d’affaires. En espérant que l’herbe était effectivement plus verte chez le voisin!
La morale de l’histoire
Comme vous pouvez le constater, on ne change pas de courtier comme on change de chemise. C’est une décision importante dans la carrière d’un représentant qui peut devenir un formidable tremplin ou un boulet au pied.
Il est important de bien identifier les raisons qui nous poussent à quitter, de prendre le temps de « magasiner » son nouveau courtier, d’arrêter notre choix sur des critères positifs, de planifier adéquatement notre transfert et de le faire dans le respect et la courtoisie.
Le monde financier au Québec, c’est un gros village où on finit tous par se connaitre. C’est important de maintenir sa réputation car on ne sait jamais ce que nous réserve l’avenir.
Il est évident que l’impossibilité d’effectuer un transfert en bloc constitue une entrave à la mobilité des professionnels dans les réseaux indépendants et donc, potentiellement, à la compétitivité des courtiers entre eux. Les autorités ont fait ce choix sur la base que c’est aux clients de choisir le courtier avec lequel ils font affaire. Ce faisant, ils ont peut-être oublié qu’en dehors des grands réseaux, le client choisit un conseiller bien avant une bannière.
Malgré la difficulté que peut représenter un transfert de courtier, il n’y a rien d’impossible là. Ce peut même être un nouveau départ salutaire. Beaucoup le font chaque année et plusieurs courtiers offrent de l’accompagnement pour faciliter le transfert ou détiennent une véritable expertise en la matière qui vous aidera le moment venu.
Dans tous les cas, gardez en tête que lorsqu’on choisit un courtier, on ne fait pas que choisir un environnement de travail ou un taux de rémunération, on choisit l’endroit où on invitera nos clients à nous suivre. Ils devraient être au centre de la réflexion et non pas à sa remorque.