Nous sommes de plus en plus nombreux à demander à voix haute de ralentir le rythme des réformes et de mieux les harmoniser entre elles afin de mieux cibler nos actions et d’atteindre les objectifs fixés.
Avec cette prémisse, il serait normal de m’insurger contre la sortie de la petite dernière : la consultation 81-408 des ACVM sur l’option d’abandonner les commissions intégrées.
Cette consultation est annoncée depuis un bon bout de temps. Tellement en fait que tout l’automne, on a entendu des hauts cris et des chemises se déchirer sur la question. On vous a abreuvé jusqu’à plus soif de scénarios apocalyptiques, jovialistes ou résignés sur cet enjeu qu’on a souvent tendance à simplifier à outrance sans pour autant comprendre les fondements de la question.
Cette simplification à outrance n’est pas l’apanage d’un parti ou d’un autre. Si certains conseillers ou courtiers ont tendance à peindre le tableau tout en noir, d’autres en profitent pour induire que les commissions intégrées seraient dignes des plaies d’Égypte si nous étions à l’époque pertinente.
Au milieu de cette mêlée et malgré l’ère de post-vérité et de faits alternatifs dans laquelle nous vivons, je vous suggère un temps d’arrêt afin de regarder ce qui est devant nous mais, surtout, de vous entretenir du processus de consultation auquel nous avons tous intérêt à participer.
Mon but n’est pas ici de prendre position. Je le ferai au nom de mon courtier en déposant un mémoire en bonne et due forme et en faisant nos représentations aux décideurs concernés en temps et lieux.
Mon but ici est d’essayer, bien humblement, d’assainir le débat et de favoriser un dialogue pertinent qui ne sera pas fait uniquement de positions campées et inflexibles.
Je sais, cela met à mal un modus operandi bien établi et maintes fois mis en application : le régulateur fait une proposition ou une consultation qui a des apparences de simulacre et l’industrie répond avec une brique, un fanal et une volée de bois vert en prenant bien soin de camper sur le statut quo.
Il est vrai que le régulateur ne s’y est pas toujours pris habilement dans ses consultations passées et que parfois, le jupon semblait dépasser. L’industrie s’est souvent retrouvée devant une réforme bien définie en n’ayant pas vraiment la chance d’y apporter des modifications ou suggestions. Du moins, c’est le sentiment partagé par plusieurs.
De l’autre côté, l’industrie a souvent déployé beaucoup d’énergie à défendre le statut quo et à rejeter en bloc les projets de réformes sans prendre réellement en considération les préoccupations, mêmes légitimes, des régulateurs.
S’en suivait donc un dialogue de sourd, plein de méfiance, d’exaspération, d’incompréhension, d’affrontement et de procès d’intention. Bref, un climat joyeux et productif…
Mais voilà, pour la première fois, la consultation 81-408 pourrait faire bande à part et constituer le premier jalon d’un nouveau monde à explorer. Ce pourrait être un cas d’école, de ceux dont on tire les exemples pour le futur. Du moins, c’est mon sentiment bien sincère que j’espère ne pas voir déçu.
Je ne vous parle pas ici des rumeurs et des couacs en provenance de Toronto, joyeusement colportés par les partisans de l’abollition des commissions intégrées ou ceux qui ont un modèle d’affaire déjà prêt qu’ils sont très heureux de vous proposer.
Je vous parle du processus en lui-même : une période de consultation plus longue qu’à l’habitude et qui a commencé après les fêtes pour ne pas faire perdre du temps à l’industrie, un document de consultation beaucoup plus étoffé que ce à quoi on a été habitué et qui décrit bien les enjeux et les données supportant les prises de position des ACVM, une disponibilité très grande du personnel de l’AMF pour discuter des enjeux avec transparence et rigueur, des actions concrètes et nouvelles des régulateurs pour prendre le pouls et fonder ses décisions et une ouverture réelle aux préoccupations de l’industrie et des consommateurs ainsi qu’aux solutions alternatives.
Bref, pour la première fois, j’ai réellement l’impression que nous serons consultés et que nous avons la chance de faire une grosse différence.
Mais ne nous leurrons pas. Les ACVM mettent de l’avant une proposition concrète et il nous appartient de les faire changer de cap.
Si les ACVM ont le fardeau de la preuve de démontrer le bien-fondé de leur proposition, ce qui reste à parfaire, nous avons clairement le fardeau de démontrer en quoi nous pourrions préférer un autre scénario.
Cependant, considérant l’importance des enjeux et la sincère ouverture dont semblent faire preuve les ACVM (le personnel de l’AMF au premier chef) il nous faudra, comme industrie, être rigoureux et constructifs dans notre prise de position.
L’époque où crier fort, taper sur la table encore plus fort et déchirer notre chemise en guise de protestation suffisait est révolue.
Nous devons comprendre la position des ACVM, prendre acte que, sur certains points, des problèmes sérieux et réels sont soulevés et chercher comment concilier la résolution de ces problèmes dans le respect des intérêts de nos clients et de notre industrie.
C’est un défi de taille qui demandera beaucoup de travail. Le 9 juin arrivera rapidement et nous ne serons pas trop de cerveaux à nous y pencher.
Je vous invite donc, que vous soyez conseillers, employés ou dirigeants de courtiers, gestionnaires ou investisseurs à vous faire entendre. En faits, je vous invite à faire entendre votre position, appuyée par des faits concrets et vérifiables.
Nous portons, tout autant que les ACVM, le fardeau de faire de cette consultation un succès. Pour la santé financière de nos clients et l’avenir de notre industrie. Si nous réussissons, cette consultation sera un cas d’école qui pourrait fonder une nouvelle ère dans les relations entre l’industrie et les régulateurs. Si nous échouons, nous vivrons avec les conclusions de la consultation qui pourraient être désastreuses si nous n’arrivons pas à être entendus.
N’attendez pas que quelqu’un le fasse pour vous, prenez le crayon, le clavier ou le micro et soyez partie au processus. Et si vous ne le faites pas, ayez la gentillesse de vivre avec les conséquences en silence.