Les camps sont bien établis entre les partisans de l’abolition et ceux du statut quo et les ACVM sont très fermes quant à leur intention d’abolir une fois pour toute les FAR, d’où la consultation qui prendra fin le 13 décembre prochain.
Depuis l’avis d’intention publié en juin et jusqu’à la toute veille du lancement de la consultation, il ne restait guère plus que les éternels optimistes ou ceux qui avaient décidé de faire un dernier baroud d’honneur dans le camp de ceux qui souhaitaient, sous une forme ou une autre, le maintien des FAR.
Contre toutes attentes, la lueur d’espoir est venue de là où on l’attendait la moins : de l’autre côté de la rivière des Outaouais.
Alors qu’il est de notoriété publique que le régulateur le plus en faveur de l’abolition des FAR (et depuis le plus longtemps) est la Commission des valeurs mobilières de l’Ontario, c’est le nouveau ministre des Finances de cette même province qui a jeté un pavé dans la marre en déclarant qu’il est en désaccord avec la position avancée par les ACVM.
Il s’agit d’une situation sans précédent connu. S’il est clair que les ministres des finances et le gouvernement de chacune des provinces conservent le pouvoir et la prérogative de mettre en force, ou pas, les projets de règlements proposés par les ACVM, jamais une telle rebuffade n’a été infligée en public ou à ce stade d’une consultation.
En ce qui me concerne, il n’est pas clair à quel point la sortie du ministre ontarien était calculée, appuyée ou au contraire intempestive et inopportune.
Il n’est pas non plus évident ou facile de prévoir où se dirige ce projet de réforme, car les ACVM affirment maintenir le cap et vont de l’avant avec la consultation tout en sachant très bien que l’issue n’est pas aussi sûre qu’elle l’était il y a quelques mois à peine.
Ce qui est clair au contraire c’est que la sortie du ministre annonce un débat beaucoup moins stérile et déterminé que ce qui était prévu.
Ne nous leurrons pas, les ACVM ont recensé plusieurs problématiques touchant les FAR qui ont un impact négatif important pour les investisseurs et qui peuvent créer des situations où leur conseiller ou leur courtier n’agirait pas dans leur intérêt.
Ces problématiques ont été, dans une certaine mesure, documentées et de nombreux cas concrets illustrent bien cette réalité et son caractère contemporain.
Ce qui mène à dire que si vous croyez encore au statut quo et vous vous y attachez au point de nier que des changements, petits ou grands, viendront, il y aurait une vertu certaine à relire De l’origine des espèces d’un certain Charles Darwin et de garder en tête que l’espèce la moins adaptée risque la disparition…
Néanmoins, cela ne signifie pas pour autant que l’abolition soit la meilleure solution ou la seule possible. Utiliser la première partie de cette chronique (ou un raisonnement analogue) pour justifier une telle conclusion serait un peu court et ferait abstraction de réalités beaucoup plus complexes aux ramifications multiples.
Il est impératif que l’intérêt du consommateur prime lorsqu’un projet règlementaire est avancé. Néanmoins, l’intérêt du consommateur ne doit pas forcément être en opposition avec celui de certains acteurs de l’industrie.
Il arrive même parfois que l’intérêt du consommateur, tel que le conçoivent certains, soit en opposition même avec certains consommateurs.
L’interdiction, c’est l’ultime recours. Celui qui ne laisse place à aucun compromis, solution mitoyenne ou pragmatique. C’est la solution à la fois la plus facile, parce qu’absolue, et difficile parce qu’elle force un changement tel qu’il est impossible de prévoir toutes les conséquences.
D’ordinaire, lorsqu’un produit est dangereux, on limite et on encadre son utilisation. On la réserve à des personnes possédant certaines qualifications ou à des situations bien particulières.
C’est ce qu’on fait avec plusieurs substances ou matériaux.
C’est aussi ce qu’on fait avec certaines techniques ou méthodes particulières.
Les FAR n’ont pas leur place dans le cas des prêts leviers. Qu’on interdise leur recours dans ces situations.
Les FAR n’ont pas leur place dans des comptes à haute valeur où le montant des commissions versées n’aurait aucun lien rationnel avec la valeur des services rendus. Qu’on encadre ou limite leur recours dans ces situations.
Les FAR n’ont pas leur place lorsque le client est susceptible de retirer son argent pour répondre à des besoins raisonnablement prévisibles. Qu’on interdise leur recours dans ces situations.
Les FAR ne devraient pas être assumés par les clients alors que c’est le courtier et le représentant qui ont empoché la commission. Qu’on inverse le fardeau et fasse reposer celui-ci sur les épaules de ceux qui ont reçu la rémunération.
C’est certain que, ce faisant, on opte pour le compromis et que certains le reprocheront. C’est certain également qu’on devrait réfléchir aux manières d’encadrer plutôt que de simplement proscrire.
Cependant, peut-être est-ce mieux que de courir après tous ces esprits créatifs qui tenteront de trouver un nouveau chemin pour continuer ce qu’ils faisaient avant.
Peut-être est-ce mieux également que de voir des clients ne pas trouver de conseiller ailleurs que dans une institution financière.
Bref, le débat est bien vivant et la fin n’est peut-être pas aussi certaine que certains l’auraient voulu. Vous avez jusqu’au 13 décembre pour vous faire entendre.