En effet, après plusieurs années à titre de chroniqueur conformité, j’avais cette impression d’avoir un peu fait le tour du sujet et que les lecteurs méritaient un regard neuf sur ce segment de notre industrie. D’ailleurs, ces dernières années, il m’arrivait de transgresser gentiment les limites du seul sujet de la conformité pour explorer d’autres contrées.
Aujourd’hui, ces limites n’existent plus et il me fera plaisir de vous entretenir, chaque mois, d’un sujet chaud de notre industrie avec le style que vous me connaissez : franc, honnête et… parfois coloré!
Je profite tout de suite de l’occasion pour vous inviter à m’écrire vos commentaires et vos idées de sujets. Écrire tous les mois n’est pas toujours une chose facile et il m’importe de connaître ce qui vous préoccupe afin de demeurer pertinent à vos yeux.
Mais disons qu’à titre de premier sujet pour cette nouvelle chronique, il était difficile de faire abstraction de l’éléphant dans la pièce. D’autant plus que cet éléphant nous a forcé, pour plusieurs, à littéralement changer de pièce et à déménager nos pénates pour vivre en confinement, entre le télétravail, les enfants et les séries Netflix.
À n’en point douter, vous êtes déjà saoulés d’articles et d’informations sur cette satanée COVID-19. Notre point de saturation est clairement atteint ou dépassé et pourtant, nous continuons de recevoir notre dose quotidienne et de l’avaler bien sagement.
C’est pourquoi je vous propose un autre angle à cet enjeu. Celui qui demeure souvent un peu méconnu. Qu’on exécute sans trop se poser de questions mais qui a demandé beaucoup d’huile de coude et a engendré quelques nuits blanches à plusieurs membres de notre industrie.
La question est simple : comment en arrive-t-on là?
Pas comment la maladie a-t-elle été transmise à l’homme ou s’est retrouvée jusque chez nous. Ces questions dépassent nettement mon seuil de compétence et mon explication vaut bien la vôtre.
Plutôt, comment une organisation comme un courtier ou un agent général réussi-t-il la pirouette de respecter les règles de distanciation sociale et de confinement tout en maintenant ses opérations alors qu’il y a à peine plus d’un mois, nous n’aurions jamais pensé en être là?
Commençons par la base : tout inscrit (courtier ou cabinet) a l’obligation réglementaire de préparer un plan de continuité des affaires afin d’assurer qu’il n’y ait pas de bris de service pour ses clients, advenant un événement fortuit.
Donc, nous avions tous un plan, lequel comprenait généralement une appréciation des risques que nous estimions raisonnablement probables de rencontrer dans la vie de nos organisations : feu, vol, vandalisme, inondation, tremblement de terre, incapacité d’agir de certains membres clés du personnel, etc.
Les plus imaginatifs et les mieux préparés avaient peut-être même poussé jusqu’à l’attaque terroriste ou la maladie… et encore!
L’idée que nous puissions être appelés à nous isoler les uns des autres de manière aussi soudaine qu’étendue ne m’était jamais passée par l’esprit. Et pourtant, l’un de mes loisirs oisifs est d’imaginer une attaque zombie et de me demander ce que je ferais en pareilles circonstances!
Il a donc fallu à chacune de nos organisations franchir ces quelques étapes à la vitesse grand V, en l’espace de quelques heures ou de quelques jours :
Prendre acte de la situation
Nous avons, pour la plupart, refusé un certain temps de prendre la mesure de ce qui s’en venait à nous. Comme si l’idée que ce virus était loin de nous géographiquement maintenait une barrière de sécurité suffisante.
Mais la planète est plus petite que jamais et tout est mondialisé. Ce n’était qu’une question de temps.
Certaines organisations ont agi promptement et ont commencé à réfléchir rapidement à la question. D’autres ont attendu plus longtemps et ont donc perdu le bénéfice du temps pour réagir.
Cette étape implique de mettre en équilibre les avantages et les inconvénients du fait de passer à l’action : va-t-on tout faire cela pour rien en plus d’engager des coûts et de gaspiller du temps? Quel est le risque de ne rien faire? Quels sont les risques d’attendre? Quel est le point limite où nous devrons passer à l’action?
Le plus difficile était d’accepter que nous ne disposions que d’informations fragmentaires et parfois contradictoires. Seul le temps nous dirait qui aurait raison et qui aurait agi en temps opportun et de manière proportionnée.
À titre de dirigeant d’entreprise, je peux vous assurer que ce n’est pas aussi simple qu’il y parait de trancher cette première étape.
Établir l’état des lieux et adapter le plan de continuité
Quelle est notre situation actuelle? Quels modes opératoires peut-ont maintenir en télétravail? Qu’est-ce qui doit être adapté, modifié et comment? Ai-je besoin de tout mon personnel? Qui restera pour le courrier et sera donc plus exposé que ses collègues? Où est-ce que j’installe mon monde? Par ordre de priorité, qui sont mes employés clés? Quel est mon plan de remplacement si plusieurs tombent malades au même moment?
Comment maintenir efficacement les relations avec nos clients alors que nous ne pouvons continuer de les voir en personne? Si mes conseillers tombent malades, qui prendra la relève? Si la somme de travail devient trop imposante pour les ressources qui restent, quelle sera la priorisation?
Ce ne sont là que quelques-unes des nombreuses questions auxquelles il a fallu répondre, parfois dans un temps très court et toujours avec une dose de « je ne peux pas croire qu’on va se rendre là » en arrière-pensée.
Faire l’inventaire des ressources manquantes et établir un plan pour les obtenir
Dire qu’on envoi tout le monde en télétravail est une chose. Le réaliser en est une autre.
Avions-nous assez d’ordinateurs portables? De téléphones? De câbles? De numériseurs? D’imprimantes? De toute autres choses nécessaires à l’accomplissement de l’une ou l’autre des nombreuses tâches qui incombent à un courtier ou un agent général?
Facile? Demandez à ceux qui s’y sont pris un peu plus tard que les autres comment il a été agréable de magasiner les éléments manquants! Un peu comme essayer de mettre la main sur du papier de toilette au début de la crise!
Informer l’ensemble de nos équipes, les guider et les rassurer
Sans doute l’une des étapes les plus délicates du lot : communiquer avec son monde.
Comment adopter le bon ton, donner les bonnes informations, au bon moment, d’une manière complète et compréhensible autant du nerveux en chef que de l’analytique profond?
Comment faire évoluer le message au fil de l’augmentation des mesures de distanciation sociale et du déploiement du plan de continuité sans faire monter le stress et l’irritation à des niveaux stratosphériques?
Comment rassurer ceux qui sont stressés, aiguiller ceux qui ont mille excellentes questions prématurées ou revigorer ceux dont le moral est déjà au quatrième plancher afin de se donner le maximum de chance de réussir cette incroyable pirouette.
Redéployer nos activités
C’est à ce moment qu’on appui sur « Go » et qu’on espère que tout va vraiment bien aller.
S’adapter à cette nouvelle réalité
Effectuer une révision des activités plusieurs fois par jour, puis quotidiennement et, enfin, au besoin pour apporter les ajustements nécessaires : il manque un outil ici, il y a un goulot d’étranglement là, ce processus est inefficace et je dois le modifier, etc.
C’est aussi l’étape où se termine le sprint et commence le marathon. Il faut maintenir les opérations, assurer le moral des troupes dans un moment de grand stress et d’anormalité qui impacte tous les piliers de la vie : la famille, le travail, les projets personnels, les amis, les loisirs, etc.
Puis, finalement, espérer revenir à la normalité et commencer à préparer le retour. Sans savoir quand ni comment il se présentera le bout du nez.
Ensuite
Nous pourrons assurément dire que nous l’avons vécu. Il s’agit aussi d’un ultime test de résistance pour nos organisations et notre industrie dont nous saurons tirer des leçons pour le futur.
Dans chaque épreuve il y a un lot d’opportunités que l’on peut saisir et celui qui réussira le mieux à le faire sera le premier à rebondir.
Je nous souhaite collectivement que ce soit tous notre cas et que nous deviendrons tous meilleurs à la suite de cette épreuve inimaginable il y a peu.
Bonne chance à tous pour la fin de ce marathon. Au plaisir de vous retrouver de l’autre côté, en chair et en os! Nul doute que nous l’apprécierons encore plus qu’avant.