Il existe un certain nombre d’idées bien établies sur la manière dont nous devrions être rétribués. Certains sont de farouches défenseurs du recours aux honoraires, sur une base horaire ou sous la forme d’un pourcentage de l’actif du client, d’autres d’ardents partisans du statu quo alors qu’il existe aussi le clan des angélistes qui aimeraient bien que nous œuvrions bénévolement.
Si le dernier groupe vit clairement sur une planète peuplée de calinours où les éléphants roses sont rencontrés fréquemment, il n’en demeure pas moins que la question de la rétribution du conseiller financier est plus que jamais actuelle et d’intérêt.
Quand un sujet aussi important est au centre de toutes les discussions, se mettre la tête dans le sable et faire comme si tout ça va passer tout seul est une bien mauvaise option. De celles qui peuvent vous mériter un coup de pied mémorable.
Voilà, ça fait deux minutes que vous lisez cette chronique et que, au-delà des quelques sourires que j’ai pu vous arracher avec mes exemples colorés, vous vous demandez où je m’en vais. Pourquoi je reviens (encore) sur le sujet de notre rémunération à titre de conseiller alors que j’ai déjà écrit sur le sujet à plusieurs reprises et que je ne suis clairement pas le seul à le faire.
La raison est plutôt simple : cette question n’est pas réglée. Ni pour vous, ni pour vos client, ni pour les régulateurs.
En ce qui concerne vos clients, ils devraient maintenant savoir, sur une base théorique, comment vous gagnez votre vie avec leur clientèle. L’exemple concret suivra dans les prochains mois avec la fin du déploiement de MRCC2.
En ce qui concerne les régulateurs, le moins que l’on puisse dire c’est que cette question a fait, fait et fera l’objet d’études et de consultations. Nous aurons l’occasion de nous faire entendre auprès d’eux et je vous invite à saisir cette occasion.
Mais vous, chers conseillers. Cette chronique vous est adressée alors essayons de pousser plus loin la réflexion.
Ce passage d’un article récent de la zone FI Relève explique bien une partie de la situation : «À la question de la meilleure forme de rémunération, chaque conseiller a défendu bec et ongles le modèle qu’il ou elle a adopté».
Vous êtes un certain nombre à être passés au mode de rémunération à honoraires. Relativement peu nombreux (en nombre) malgré toutes les fois où on entend parler de vous mais c’est parfaitement justifié de s’attarder à votre modèle.
La rémunération à honoraire est souvent comprise et assimilée comme un mode de rémunération où le client reçoit une facture pour le temps que le conseiller a réellement travaillé dans son dossier. Un peu comme le font les avocats.
Si cette méthode est effectivement une possibilité, la réalité de la majorité des conseillers qui ont adopté un modèle à honoraires est plutôt basée sur la perception d’un honoraire équivalent à un pourcentage convenu de la valeur des actifs sous gestion du client avec le conseiller. Cet honoraire est perçu, souvent trimestriellement, directement sur le compte du client en opérant une vente du montant conséquent à même les valeurs détenues.
Pour la majorité des autres conseillers, le modèle de rémunération à commissions est le mode retenu. Nous aurions cependant tort de nous arrêter à cette généralité car cette réalité en cache plusieurs autres.
Entre ceux qui fonctionnent avec frais d’entrée, frais d’entrée 0%, frais réduits ou frais de sortie différés, il y a tout un monde. Un monde pouvant même se complexifier puisqu’un même conseiller pourrait user, avec différents clients ou même avec un seul, de toutes ces stratégies en même temps dans différentes proportions.
Et chacun jure agir avec diligence, professionnalisme, intégrité et dans l’intérêt du client. Paradoxal? Peut-être. Car les tenants de la rémunération à honoraires fustigent les partisans de la rémunération à commission en invoquant des arguments de transparence et, en inversant les rôles, les partisans de la rémunération à commissions accusent les autres de nuire à l’accès au conseil.
Et si tout était question de mesure? Si l’intérêt du client n’était pas exactement le même pour tous à tout moment?
Je sais, je sais, difficile d’établir une norme applicable à tous avec une reconnaissance que chaque situation est potentiellement unique. Ce serait un beau casse-tête pour beaucoup de gens!
Pourtant, ce casse-tête est possible lorsqu’administré avec une dose de gros bon sens, le proverbial GBS.
Il est, à mon sens, absolument inconcevable qu’un client qui investis des centaines de milliers de dollars avec l’aide de son conseiller se fasse recommander des fonds en frais de sortie différés. Idem pour un client à la retraite ou avec un horizon indéfini ou restreint.
Dans ces cas, le client devrait avoir la possibilité de rémunérer son conseiller sur un mode à honoraire ou se voir proposer des fonds en frais d’acquisition à 0%.
Par contre, demander à un jeune conseiller de démarrer en affaires uniquement sur un modèle à honoraire alors que ses clients, souvent jeunes eux aussi, investissent de petites sommes dans un REER pour leur retraite (et non pour un RAP) serait inutilement dogmatique et potentiellement dévastateur pour l’accès à la profession et la survie dans l’industrie de candidat conseiller qui ont pourtant tout le talent et les capacités de faire le travail.
Ce qui revient à dire qu’il n’y a pas, à mon avis, de mauvais modèle de rémunération. Il n’y a que de mauvaises utilisations ou effets pervers qui peuvent en découler.
Il n’est pas normal qu’un conseiller puisse toucher à plusieurs reprises une commission de vente à partir d’un même investissement initial, simplement en « promenant » la somme d’un fonds à l’autre.
Il n’est pas normal que le client avec un portefeuille important ne puisse bénéficier de rabais de frais de gestion de la part du manufacturier et, potentiellement, de son conseiller et de son courtier.
Il n’est pas normal qu’un client à la retraite ait à payer des frais de sortie sur ses fonds.
Il ne devrait pas non plus être normal d’avoir autant de mal à attirer et retenir dans la profession de bons et jeunes candidats et de leur permettre de vivre décemment dès les premières années de leur carrière sans être des vendeurs d’exception plutôt que des conseillers d’exception.
Nous avons, comme industrie, incluant nos régulateurs et nos clients, un examen de conscience et de pratiques à faire. Si vous croyez en être exempt, nous devrions commencer par vous. Prenez le train de la réflexion au risque de voir ce dernier vous passer sur le corps.
Le pragmatisme doit l’emporter sur l’uniformisation et la systématisation. Ce n’est qu’ainsi que les intérêts de tous, qu’on peut imaginer en conflit constant, pourront s’accorder intelligemment, au bénéfice des clients et de leurs conseillers.