Si vous pouviez l’appeler, sans doute que vous auriez droit à une petite musique avec cette voix mi-apaisante, mi-agressante : « Votre appel est important pour nous… »
Et si vous essayez d’imaginer ce qui se passe du côté de l’institution cédante, nul doute que vous croyez qu’on se moque de vous et qu’il se raconte des histoires pas possibles sur l’heure du lunch dans la salle de pause : « J’ai pris l’appel. Il m’a demandé quand son transfert serait fait. Je l’ai fait patienter une heure avant… de lui raccrocher au nez! Ahahahah! »
Bien entendu, vos transferts ne parlent pas, vous ne pouvez pas les contacter et j’ose espérer qu’hormis de rare exceptions, personne n’essai sciemment de retarder les opérations dûment demandées par les clients.
Reste que, trop souvent, des délais inacceptables sont observés pour obtenir le transfert de comptes ou de portefeuilles depuis un autre courtier, un assureur ou, pire, depuis une institution financière.
La liste des raisons pour expliquer ces délais qui peuvent parfois atteindre des mois (non, je n’exagère rien) va de la bonne raison jusqu’à celle qui est invraisemblable.
J’ai arrêté de compter le nombre de fois où il faut faxer un formulaire de transfert deux, trois, quatre et même cinq fois, toujours au même numéro et toujours avec une confirmation de réception pour que, finalement, quelqu’un daigne confirmer la réception et la mise en marche du processus de transfert.
J’ai arrêté de compter le nombre de fois où le conseiller, le courtier ou l’institution qui « perd » le compte, exige du client qu’il se présente en personne à la succursale pour « signer des documents », alors que tous les formulaires requis sont déjà dûment complétés et que le consentement est clair… On comprend que c’est plus facile de faire pression sur un client en personne pour le faire changer d’idée que de lui parler au téléphone, quitte à le faire déplacer sous des raisons fallacieuses.
J’ai arrêté de compter le nombre de fois où la demande de transfert est simplement déposée sur le coin d’un bureau en attendant d’être traitée, comme si quelqu’un espérait qu’elle finirait par disparaître d’elle-même.
Et j’ai arrêté de compter le nombre de fois où un CPG a été renouvelé par l’institution financière malgré la volonté clairement énoncée du client de ne pas aller en ce sens EN PLUS de la transmission du formulaire de transfert.
Bref, on a un enjeu ici.
Un enjeu qui touche le client directement puisqu’il voit sa volonté (changer de conseiller, de courtier ou d’institution) contrecarrée ou ralentie pour de mauvaises raisons qui n’ont rien à voir avec lui.
Ce faisant, le client vit des inconvénients désagréables tels que le stress, la frustration mais aussi potentiellement un préjudice financier lorsqu’un écart de marché défavorable survient ou lorsqu’il est maintenu plus longtemps que requis dans un produit plus couteux que celui vers lequel il souhaite se diriger.
Les délais et péripéties de transferts sont également une source infinie de travail et d’inconvénients pour les conseillers et les courtiers qui doivent, en plus du flux quotidien de leurs activités, effectuer des suivis réguliers et serrés, voire mettre de la pression, pour faire avancer ce qui devrait avancer de soi-même.
Je n’ai jamais osé compter combien d’heures je perds dans une année ou celles que consacrent nos employés à de telles tâches mais, question de préserver ma candeur et ma bonne humeur, je ne le ferai pas immédiatement.
Ce qui m’emmène à demander : à quand une norme nationale sur les transferts qui couvrirait autant les courtiers, les assureurs que les institutions financières comme les banques et les caisses?
Pourquoi n’aurions-nous pas tous les mêmes délais pour :
- Accuser réception de la demande de transfert
- Confirmer que la demande est valide et sera exécutée
- Exécuter le transfert
- Transmettre l’argent
Vous ne voyez pas de bonne raison pour démolir cette idée? Moi non plus!
Alors, à mes amis régulateurs de l’AMF, je dirai amicalement qu’en tant que régulateur intégré, vous avez déjà la possibilité d’agir sur les courtiers, les assureurs et le Mouvement Desjardins au Québec.
Vous avez aussi la possibilité de tenter de rallier vos homologues des autres provinces dans les différentes catégories d’inscription.
Vous pouvez même tenter de convaincre qui de droit que la règle devrait aussi être applicable aux banques.
Voilà un changement réglementaire qui ferait une vraie différence pour les clients, les conseillers, les courtiers et tout le reste du secteur financier.
Un changement positif et bienvenu que nous pourrions accueillir avec joie et qui cheminerait dans l’honneur et l’enthousiasme.
Un changement qui nous donnerait une bouffée d’oxygène et diminuerait sensiblement notre charge de travail.
Ça y est, je mets ça sur ma liste pour Noël.
Me reste à essayer d’être sage… Que la force soit avec moi!
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Je ne peux conclure cette chronique sans un mot sur le départ soudain et triste du journaliste Jean-François Barbe qui avait l’habitude d’écrire pour Finance et Investissement. Je n’ai pas eu le plaisir de le connaître personnellement mais j’ai eu la chance d’échanger beaucoup avec lui professionnellement au cours des années. Une intelligence vive, une bonne capacité de synthèse, un intérêt réel pour son travail et un respect de tous les instants. Nos échanges me manqueront. Toutes mes condoléances à la famille et aux proches de Jean-François, mes pensées vous accompagnent.