Dans le présent article, nous présenterons donc les trois principales méthodes pour retirer l’argent investi dans une société de portefeuille à la suite du décès de l’actionnaire ainsi que leur facture fiscale respective. Pour mieux illustrer nos propos, nous décrirons le cas de Richard, seul actionnaire de Gestion Richard inc. (Gestion R), décédé en janvier 2017 et laissant dans le deuil son fils Martin.
Hypothèses :
– Juste valeur marchande (JVM) des actions de Gestion R en date du décès: 3 millions de dollars (M$). Cette valeur sera maintenue au cours des années subséquentes.
– Prix de base rajusté (PBR) et capital versé des actions de Gestion R: 100 $
– Taux d’impôt personnel maximum sur le gain en capital imposable : 53,3 %
– Taux d’impôt personnel maximum sur les dividendes ordinaires : 43,839 %
– Richard (le défunt) est veuf
– L’actif de Gestion R est composé principalement de fonds communs de placement
– Son fils Martin est l’unique héritier et liquidateur
Option numéro 1 : le statu quo
Lorsqu’un particulier décède, il est réputé disposer de ses biens à leur juste valeur marchande immédiatement avant le décès, entrainant un impôt à payer calculé sur la plus-value accumulée sur ces biens. Dans le cas présent, la disposition réputée de Gestion R entraînera un gain en capital de 3 M$ et un impôt à payer sur ce gain de 799 500 $ (JVM X taux d’inclusion du gain en capital X taux d’imposition = 3 M$ X 50% X 53,3 %).
Son fils Martin héritera des actions de Gestion R, à la suite de la liquidation de la succession, avec un PBR égal au produit de disposition réputé, soit 3 M$. Si aucune stratégie n’est mise en place et que Martin décide, deux ans après le décès de son père, de retirer la totalité de l’argent investi dans la société en déclarant un dividende ordinaire, un dividende de 3 millions $ s’ajoutera à ses autres revenus, entrainant ainsi une deuxième imposition de 1 315 170 $ (Dividende ordinaire X taux d’imposition = 3 M$ X 43,839%).
Facture fiscale totale : 2 114 670$*
*Ce montant n’inclut pas l’impôt à payer sur la disposition des fonds communs de placement détenus par la société ( ce qui constituerait la troisième imposition)
Option numéro 2 : le choix du paragraphe 164(6) LIR
Afin de réduire la facture fiscale, le liquidateur pourrait se prévaloir des dispositions du paragraphe 164(6) de la Loi de l’Impôt sur le Revenu du Canada (LIR) et de son équivalent provincial et liquider Gestion R à l’aide d’un dividende ordinaire avant la fin de la première année d’imposition de la succession. Ce dividende de liquidation, entrainera certes un impôt à payer de 1 315 170 $ pour la succession, mais il créera une perte en capital au sein de la succession, perte qui pourra alors être reportée dans la déclaration finale du défunt et ainsi annuler le gain en capital déclaré lors de la disposition réputée des actions de Gestion R.
Facture fiscale totale : 1 315 170 $*
*Comme dans la première option, ce montant n’inclut pas l’impôt à payer sur la disposition des fonds communs de placement détenus par la société.
Option numéro 3 : le « pipeline »
La technique du pipeline permettrait de limiter l’imposition, à titre de gain en capital, au niveau de Richard (le défunt). Pour ce faire, les étapes suivantes doivent être suivies:
Étape 1
La succession ou Martin, selon le cas, devra procéder à la création d’une nouvelle société dont la succession ou Martin sera l’unique actionnaire.
Étape 2
La nouvelle société créée acquerra les actions de Gestion R, sous certaines conditions, en contrepartie d’une action ordinaire et d’un billet à ordre au montant de 3 M$ (la JVM au moment du décès de Richard) payable à la succession ou à Martin selon le cas.
Étape 3
Après un certain délai (généralement un an), au cours de laquelle Gestion R continuera d’être exploitée en suivant une directive de placements bien établie et ce, selon les exigences actuelles des autorités fiscales, Gestion R et la nouvelle société créée seront liquidées ou fusionnées afin que celles-ci ne forment qu’une seule société appelée, dans le cas présent, Fusion inc. Si certaines conditions sont rencontrées, le PBR des placements détenus au décès sera majoré jusqu’à leur JVM (en date du décès), permettant de réduire les impôts résultant de la vente desdits placements détenus par Gestion R. Ainsi, il est important que la vente des placements soit reportée après la fusion ou la liquidation des deux sociétés.
Étape 4
Pour terminer, la société Fusion inc. vendra progressivement l’ensemble de ses placements afin de rembourser graduellement sur une autre période d’un an, selon les exigences actuelles des autorités fiscales, le billet à ordre de 3 M$.
Facture fiscale totale : 799 500 $ (3 M$ X 50% X 53,3 %)
On constate donc que cette technique nécessite un processus d’implantation complexe et coûteux et qu’il y a des risques fiscaux si les étapes et les conditions exigées par les autorités fiscales ne sont pas suivies et rencontrées. De plus, il faut une période d’environ deux ans avant que Martin encaisse l’argent de Fusion inc et l’obtention, au préalable, d’une décision anticipée favorable des autorités fiscales est fortement recommandée.
Existe-t-il une quatrième option plus favorable ? Oui, dans bien des cas, nous pouvons optimiser davantage les liquidités à être versées à Martin avec un processus beaucoup moins laborieux. Nous retrouvons cette situation, entre autres, lorsque l’assurance vie est intégrée à l’option 2 (soit l’utilisation du paragraphe 164(6) de la LIR), ce qui sera d’ailleurs le sujet de notre prochaine chronique.
Veuillez noter que le présent aticle a été publié avant le lancement de consultations sur la planification fiscale au moyen de sociétés privées par le ministère des Finances Canada, le 18 juillet dernier.
Cette chronique a été écrite en collaboration avec Bruno Dumontier, D. Fisc., Pl. fin. spécialiste PFP. M. Dumontier est collaborateur en planification financière est fiscale au bureau de Québec Ste-Foy
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