Les deux chercheurs disaient que, lorsque la dette d’un pays dépasse 90 % de son produit intérieur brut, sa croissance économique freine abruptement. Cette analyse est toujours valable, mais les deux étudiants, reprenant les données utilisées par les deux auteurs, ont remarqué que le ralentissement économique arrêtait plutôt à 2,2 % au lieu des -0,1 % prédits par l’étude initiale.
Je veux renforcer le fait que ceci ne change en rien le message de base du livre qui est que lorsque la dette d’un pays dépasse un certain niveau, les politiques traditionnelles ne fonctionnent plus et il perd le contrôle de sa destinée économique. Le débat académique est plutôt sur la quantification de ce niveau.
Je vous ai annoncé précédemment que je vous présenterais différentes façons de solutionner un problème de dette souveraine excessive. Pour nous en apprendre plus à ce sujet, l’histoire est de loin le meilleur guide. Comme a dit Mark Twain et je le paraphrase, « l’histoire ne se répète pas, mais elle rime ».
Mon analyse m’a amené à identifier cinq grandes catégories utilisées à travers les âges : l’appropriation du capital, les alliances, la monétisation, la restructuration et le défaut. Je ne crois pas que ce soit une liste exhaustive et j’invite les lecteurs à enrichir cette liste par leur contribution.
L’appropriation du capital
L’exemple le plus récent est le cas de la taxation des dépôts bancaires à Chypre mais les exemples foisonnent à travers les âges. Nous n’avons qu’à penser à ce qui est arrivé aux Templiers et à Jacques Cœur, homme d’affaire et banquier français prospère. Ils avaient tous les deux prêté de larges sommes aux rois de l’époque, en particulier aux rois de France puisqu’ils étaient sans le sou.
Après avoir contracté ces emprunts, les rois ont trouvé des raisons qui justifiaient de ne pas rembourser leurs prêts, soit en traitant leurs créanciers d’hérétiques, soit en les accusant de fraude. Non seulement leur dette n’était pas remboursée, mais tout était fait pour s’approprier les richesses des soi-disant fautifs. Certains diront que les Juifs, qui étaient durant une longue période les seuls banquiers d’Europe, ont subi le même sort lors de leur expulsion d’Espagne.
Il y a aussi les cas d’appropriation de capital déguisée sous le manteau de la nationalisation. L’industrie pétrolière vénézuélienne et russe nous en a offert de bons exemples récemment.
Dernièrement, l’appropriation du capital a pris une forme particulièrement violente : la guerre. Tout le monde le sait, les conflits qui sont souvent motivés par le pillage. Or, ce pillage est rendu nécessaire par l’incapacité du gouvernement en place de rencontrer ses devoirs financiers.
L’exemple le plus récent est l’invasion du Koweït par l’Irak. Saddam Hussein avait contracté d’énormes emprunts auprès des puissances occidentales pour financer sa guerre contre l’Iran. À la fin de celle-ci, il n’avait pas les moyens de faire face à ses obligations financières. La solution la plus rapide était d’aller chercher l’argent où il était à la fois présent et peu défendu. L’Irak a alors dépoussiéré de vieilles disputes territoriales pour justifier son invasion. Ce fut le début de la fin pour Saddam Hussein.
Solutions
Quoi faire pour éviter de faire les frais des gouvernements mauvais payeurs? La première chose à faire est de rester le plus loin possible de tout investissement dont le remboursement est à la discrétion des autorités politiques dans les pays où la dette souveraine est problématique. La dette souveraine peut être très risquée, mais ce n’est pas le même genre de risque que celui qu’on accole traditionnellement à un fonds d’actions spéculatives ou un titre provenant secteur volatil.
Il est préférable de rechercher un environnement dominé par « a solid rule of law ». C’est-à-dire qu’il n’est jamais bon d’être le créancier d’entités peu solvables et plus puissantes que nous. Ceci n’est pas seulement vrai pour la dette, mais aussi pour tous les actifs et titres boursiers qui sont confinés géographiquement à l’intérieur du territoire physique d’un pays excessivement endetté.
C’est vrai pour les ressources naturelles, mais aussi pour les entreprises locales qui peuvent être taxées à outrance. On favorise donc un minimum de diversification géographique et on met l’emphase sur les multinationales qui peuvent négocier avec les gouvernements.
Dernièrement, si possible, on place légalement une partie de nos économies à l’étranger dans des pays où la situation de dette est saine et où l’on retrouve un système légal solide qui protège la propriété étrangère.
Ce texte provient du Stratège, une publication de l’Association de planification financière et fiscale (APFF), et a été écrit par Pascal Duquette.