Ma réponse est non et voici pourquoi. Puisque plusieurs conditions doivent être remplies, je vais me concentrer ici sur les marchés boursiers.
Indice de référence et réalité
Dans un premier lieu, il convient de se demander si l’indice de référence (ici le MSCI Emerging Markets Index et le MSCI All Countries Index) est représentatif de l’économie? La réponse est non, car la diversité des économies inclues dans l’ensemble des marchés émergents est trop grande. On parle de l’Asie, de l’Amérique du Sud, de l’Afrique et de l’Europe de l’Est. Ces régions sont dans des cycles de développement bien différents et ne sont pas toujours synchronisées en termes de croissance.
De plus, dans la majorité des cas, certains secteurs sont surreprésentés dans l’indice par rapport à leur poids économique réel. On n’a qu’à penser aux banques, aux services publics et aux ressources naturelles.
D’ailleurs, certaines compagnies ont longtemps eu des pondérations qui ne sont pas en ligne avec leur importance réelles. Samsung en Corée en est un bon exemple. Ce problème d’adéquation entre l’indice et l’économie est aussi vrai pour les pays industrialisés. Souvenons-nous qu’au Canada, Nortel fut, pendant un certain temps, environ un tiers de l’indice boursier ce qui ne représentait pas du tout son poids dans l’économie canadienne.
Finalement, la part de l’apport gouvernemental dans les économies n’est pas du tout ou très peu représentée dans les indices. C’est particulièrement important dans le cas des marchés émergents puisque nous connaissons tous le rôle majeur des gouvernements dans le développement des économies moins avancées.
La mondialisation et ses effets
L’effet de la mondialisation n’est pas non plus à négliger. La croissance économique des pays émergents est grandement influencée par la croissance des pays industrialisés, car ils ont besoin d’exporter leurs biens et services, surtout aux États-Unis. Ce modèle économie, qui duplique ce l’approche d’après guerre des Japonais, est quasiment unanimement adopté par les pays en voie de développement.
Leur croissance dépend donc de celle d’autres économies à travers le phénomène d’impartition et de délocalisation vers les pays à faibles coûts de production. Le lien entre la croissance économique et le marché sera plus indépendant des forces externes lorsque la demande intérieure sera suffisante pour générer elle-même de la croissance. Ceci n’arrivera que lorsque le niveau de richesse aura créé une classe moyenne au sein de la population qui sera assez riche et assez nombreuse. Cette classe moyenne émergera bientôt, mais il faudra encore du temps.
Modèle économique
Le modèle économique qui soutient le développement des pays émergents est aussi crucial à la transformation de la croissance économique en rendement pour les investisseurs. C’est encore plus vrai pour les investisseurs minoritaires et étrangers.
Plusieurs pays ont choisi de répliquer le modèle japonais, et ce, assez fidèlement. Dans ce modèle, le rendement des actionnaires n’est pas ce qui est maximisé. Les entreprises jouent un rôle de levier pour le développement économique et la notion de maximisation de la richesse des actionnaires n’est pas celle qui domine la hiérarchisation des priorités.
Dans la majorité des cas, l’actionnaire est le dernier en liste derrière le gouvernement et sa politique économique, les besoins des travailleurs et de la création d’emploi, les familles dominantes, le management, etc.
Dans certains cas, des avantages concurrentiels majeurs sont accordés à certaines entreprises en échange de pratiques qui permette aux gouvernements d’atteindre des objectifs de croissance.
L’exemple du crédit bancaire en Chine nous vient rapidement à l’esprit.
En fait, on remarque que les rendements sur actifs et sur fonds propres sont souvent chroniquement inférieurs dans ces pays. L’accumulation d’actifs semble plus importante que la maximisation des profits, et ce, au détriment des actionnaires.
À suivre le mois prochain dans la prochaine chronique de Pascal Duquette.
Ce texte provient du Stratège, une publication de l’Association de planification financière et fiscale (APFF), et a été écrit par Pascal Duquette.