Pourtant, la situation d’emplois est robuste et jusqu’à tout dernièrement, nous faisions partie de la minorité des gens qui étaient concernés et attribuaient des probabilités de plus en plus importantes à une récession au Canada.
Par contre, le ralentissement mondial et plus particulièrement celui de la Chine a certainement affecté notre économie qui dépend encore des ressources naturelles. Avec le ralentissement de l’économie mondiale, la demande des ressources continuera d’être négativement affectée. L’inflation devrait alors être contrôlée et ne constituera pas un enjeu selon la Banque Centrale du Canada (BdC).
Dans un tel cas et comme nous l’avons annoncé en décembre dernier, la BdC n’aura pas de raison de hausser davantage le taux directeur. Dans le cas où l’imminence d’une récession serait perçue, elle devrait même modifier sa politique monétaire en baissant le taux directeur.
Nous avons souligné à plusieurs reprises le risque représenté par l’endettement important des ménages canadiens. Cet endettement augmente constamment tous les mois. D’ailleurs, le taux d’endettement des ménages a atteint 179% du revenu disponible au 4e trimestre de 20181. Il s’agit d’un sommet historique qui est même plus élevé que celui des ménages américains avant la crise de 2008.
Le gouverneur de la BdC, Stephen S. Poloz, a expliqué lors de sa récente présentation à Montréal qu’il est certainement concerné par l’endettement des Canadiens. Mais lors du son discours, il a aussi indiqué que les Canadiens ont su s’ajuster et qu’ils achètent maintenant de plus petites maisons. Nous craignons que M. Poloz sous-estime l’impact de l’endettement des ménages canadiens. Étant donné que les nouveaux critères de qualification hypothécaire rendent la stratégie de refinancement pour la consolidation des dettes plus difficile à réaliser, on devrait quand même observer une augmentation de l’endettement par l’entremise des marges de crédit personnelles, des prêts personnels et des cartes de crédit. Dans tous les cas, le taux de service de la dette augmentera davantage étant donné que tous ces prêts comportent des taux d’intérêt supérieurs que ceux des prêts hypothécaires.
Le prix des maisons dans différentes villes canadiennes ont enregistré leur sommet à l’été 2018 et sont depuis en baisse2. Plus particulièrement, Toronto a atteint son sommet en juillet 2017 et les prix sont à la baisse de 4% depuis ce moment. Vancouver a eu son sommet en juillet 2018 et les prix ont connu depuis une baisse de 4%. Si la bulle immobilière venait éclater, il faut s’attendre à ce que cela affecte considérablement la croissance de l’économie canadienne, puisque l’immobilier a représenté un poids très important de la croissance au cours de la dernière décennie.
Du côté positif, le ralentissement économique a fait en sorte que les taux obligataires 5 ans ont baissé de 84 bbs depuis le sommet du 5 octobre3. Ceci fait en sorte que les taux hypothécaires fixes sont en chute présentement. Ainsi, les consommateurs qui renouvellent actuellement leur prêt hypothécaire subissent une augmentation moins importante que ceux qui l’ont renouvelé l’année dernière. L’augmentation du paiement hypothécaire au renouvellement ne sera pas aussi pire qu’on le craignait l’année dernière.
Lors de sa récente présentation à Montréal, M. Poloz semblait très préoccupé par la guerre commerciale opposant les États-Unis à la Chine. C’est impossible de prédire le résultat final des négociations, mais une chose est certaine : les deux parties espèrent un règlement parce qu’il est évident que ce conflit contribue au ralentissement mondial. Dans le cas d’un règlement survenant lors des prochaines semaines, les chances sont bonnes de voir la confiance revenir, ce qui provoquera une reprise de la croissance économique à travers le monde. Un tel scénario aiderait l’économie canadienne. Étant donné que M. Poloz désire voir les taux d’intérêt plus élevés, nous craignons que dans cette situation, il fasse une erreur de politique monétaire en augmentant le taux directeur. Ceci sera néfaste selon nous et ramènera le ralentissement économique. Ainsi, il n’aura pas le choix que de se rétracter par la suite…
Nous espérons quand même que la guerre commerciale se règle à temps avant que l’économie canadienne ralentisse jusqu’à un point de non-retour. Nous espérons également que la BdC ne fera pas d’erreur de politique monétaire afin de limiter un risque de récession. Pour l’instant, malheureusement, les indices démontrent le contraire.
1 Statistiques Canada
2 Indice de prix de maison Teranet de la Banque Nationale du Canada
3 Banque du Canada V39053 : Rendements d’obligations types du gouvernement canadien à 5 ans