Les parents joyeux jouant avec leur petite fille sur le sol à la maison.
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L’union parentale est un nouveau régime de type matrimonial pour les couples en union de fait. Ce nouveau régime vise les conjoints de faits, de même sexe ou de sexe différent, dont un enfant commun naît, ou est légalement adopté, après le 29 juin 2025.

Si le couple a déjà des enfants nés ou adoptés avant cette date, il ne sera visé que si un nouvel enfant naît ou est adopté après cette date, de sorte que l’union parentale ne prendra effet qu’à partir de ce moment, sans rétroactivité. De même, si des parents ont un enfant qui naît ou est adopté postérieurement au 29 juin 2025 alors qu’ils n’étaient pas conjoints de fait, mais qui le deviennent ou le redeviennent, dès lors l’union parentale s’appliquera à eux à compter de ce moment-là.

De plus, il est possible pour des conjoints de fait parents d’un enfant commun né ou adopté antérieurement au 30 juin 2025 de pouvoir adhérer à l’union parentale, et ce, par acte notarié ou sous seing privé devant deux témoins prévoyant les modalités de telle adhésion.

Veuillez noter que, puisqu’il s’agit de droit nouveau et ne débutant que dans un peu moins d’une année, il serait hasardeux et risqué d’émettre des affirmations absolues sur le sujet. Ainsi, dans le cadre de cet article, nous nous limitons à communiquer des informations générales préliminaires, sans opinion juridique. Considérant les incertitudes normales venant avec du droit nouveau, plusieurs de nos hypothèses, affirmations et conclusions peuvent s’avérer erronées. Il faudra suivre l’évolution du dossier !

Les effets de l’union parentale sont les suivants :

  1. Création d’un patrimoine d’union parentale (on peut se retirer de l’application de cette mesure ou ajouter ou exclure des biens de ce patrimoine) ;
  2. Reconnaissance du conjoint en union parentale à titre de conjoint lors d’une succession avec dévolution légale, c’est-à-dire en absence de testament ;
  3. Protection de la résidence familiale (et des meubles qui servent à l’usage du ménage) pendant l’union parentale et les 120 jours (ou plus selon le cas) suivant la fin de l’union (droits d’usage, etc.) ;
  4. Possibilité de prestation compensatoire entre conjoints.

Il est important de savoir si le client d’un conseiller est soumis ou non au régime d’union parentale. Or, la chose n’est pas si aisée à déterminer.

Pour confirmer qu’une personne est bel et bien mariée, à moins d’être dans une situation de mariage et/ou de divorce célébré à l’étranger ou de décès, il suffit généralement d’avoir une copie du certificat de mariage. À moins que le client ne soit aussi en mesure de vous fournir un certificat de divorce (et non pas un jugement de divorce) ou un ancien jugement irrévocable de divorce, on peut généralement considérer que le client est marié. C’est clair ! Dans le cas de l’union civile, pour confirmer ce statut, les documents correspondants sont le certificat d’union civile ou une preuve de dissolution de l’union civile.

Toutefois, il en va tout autrement pour l’union parentale. Dans presque tous les cas, l’union parentale est une situation de fait qui existe sans documentation légale particulière et sans avoir à effectuer une démarche juridique spécifique. Il ne sera pas possible de demander un « certificat d’union parentale » au directeur de l’état civil !

Considérant l’absence de document officiel confirmant l’existence de l’union parentale, voici un cheminement possible (sans aucune garantie d’efficacité) pour déterminer l’existence ou non d’une union parentale. Cette liste de questions est incomplète et elle ne s’appliquera qu’à partir du 30 juin 2025.

  1. « Faites-vous vie commune avec une autre personne, de même sexe ou de sexe différent ? »

Pour être assujetti au régime d’union parentale, il faut être conjoints de fait. S’il n’y a pas de vie commune, il n’y a pas d’union parentale, car il n’y a pas d’union de fait. Attention, faire vie commune ne signifie pas nécessairement habiter à la même adresse ! Pour comprendre plus en profondeur la notion de vie commune, vous pouvez consulter notre article « Les subtilités du projet de loi sur l’union parentale »

  1. « Vous présentez-vous publiquement comme un couple ? »

Pour être conjoint de fait au sens de l’union parentale, l’article 521.20 du Code civil du Québec (ci-après C.c.Q.) exige de s’afficher comme un couple (en public, sur des documents, etc.). Dans le cas contraire, il n’y a pas d’union de fait donc pas d’union parentale.

À cette étape, le client est probablement en union de fait, au sens de l’union parentale seulement. Mais, il n’est pas nécessairement en union parentale. Notez que la durée de l’union de fait n’est pas pertinente aux fins de la qualification à l’union parentale. Pas besoin de faire vie commune depuis 6 mois, 1 an ou 3 ans.

  1. « Êtes-vous marié ou uni civilement avec votre conjoint ? »

Si le client est marié (ou uni civilement) avec son conjoint, il n’est pas conjoint de fait. Seuls les conjoints de fait peuvent être soumis au régime d’union parentale.

4. « Êtes-vous marié (ou uni civilement) avec une autre personne que votre conjoint de fait ou votre conjoint de fait est-il marié (ou uni civilement) à une autre personne que vous ? »

Si un tel lien externe au couple existe, l’union parentale ne peut pas exister. Selon l’article 521.20 C.c.Q., elle ne pourra commencer (si les autres conditions sont remplies) qu’à la fin du mariage ou de l’union civile, par décès, divorce ou dissolution de l’union civile.

  1. « Votre conjoint de fait et vous, êtes-vous l’un par rapport à l’autre, un ascendant, un descendant, un frère ou une sœur ? »

Ces liens familiaux excluent automatiquement l’union parentale.

  1. « Avez-vous déjà eu des enfants communs (naturels ou adoptifs) avec votre conjoint de fait ? »

Si la réponse est oui, à cette étape, le type d’union de fait du client est admissible à l’union parentale. Ce qui ne veut pas encore dire qu’il y a union parentale. Si la réponse est non, il semble impossible qu’il y ait union parentale avec cette personne dans la situation actuelle.

Continuons en supposant que la réponse à la question 6 est « oui ».

  1. « Si aucun enfant commun n’est né ou adopté après le 29 juin 2025, avez-vous au moins un enfant commun (encore en vie) ? »

Si la réponse est non, il n’y a probablement pas d’union parentale. Si la réponse est oui, on continue ! Notez que la nécessité ou non que cet enfant (ou au moins un de ces enfants) soit encore vivant n’est pas claire ! Cependant, on peut se demander pourquoi il serait possible de s’assujettir volontairement à un régime qui est censé exister pour protéger les enfants alors que l’on n’a pas d’enfant à protéger?

  1. « Si la réponse à la question 7 est oui, vous êtes-vous assujetti volontairement à l’union parentale devant notaire (par acte notarié en minute) ou par un document privé (“acte sous seing privé”) devant deux témoins ? »

Si la réponse est « oui », il y a probablement union parentale (sous réserve de la situation décrite à la question 9) ! Encore faut-il qu’il y ait encore vie commune et que cette vie commune n’ait pas eue le temps de cesser entre la première et la 8e question !

La loi ne prévoit pas de délai minimal après la fin de l’union de fait pour que l’union parentale prenne fin. Il suffit qu’il y ait fin de l’union de fait selon les critères légaux habituels et cette fin entrainera la fin de l’union parentale.

  1. « Si la réponse à la question 8 est “oui”, avez-vous cessé de faire vie commune entre la date de signature du document notarié (ou de l’acte sous seing privé) mentionné à la question 9 et, par la suite, repris la vie commune ? »

Puisque l’union parentale (qu’elle existe par assujettissement volontaire ou par assujettissement automatique en application de la loi) prend fin à la cessation de la vie commune (article 521.22 C.c.Q.), il nous semble que la seconde période d’union de fait (la reprise de l’union de fait) ne serait pas couverte par l’assujettissement volontaire à moins de la renouveler devant notaire ou sous seing privé. Ainsi, dans la situation de la seconde période d’union de fait, il n’y aurait pas d’union parentale, à moins que cette période ne se qualifie par la naissance ou l’adoption d’un enfant post 29 juin 2025 (assujettissement automatique par la loi) ou à moins de s’y assujettir volontairement à nouveau. Nous laissons aux tribunaux le soin de déterminer la réponse à cette question et de juger de la validité ou non d’une éventuelle clause dans l’acte initial d’assujettissement volontaire à l’union parentale qui prévoirait la « remise en vigueur » de l’union parentale en cas de reprise.

Question 10. « En supposant que vous n’êtes pas déjà couvert par l’assujettissement volontaire et que vous êtes actuellement conjoint de fait, un enfant commun (commun à vous et votre conjoint de fait actuel) est-il né ou a-t-il été adopté après le 29 juin 2025 (qu’il y ait eu ou non une période d’interruption de la vie commune) ? »

Si la réponse est non, il ne devrait pas y avoir d’union parentale. Si la réponse est oui, il y a probablement union parentale (sous réserve des situations décrites aux questions 11 et 12).

  1. « Si l’enfant de la question 10 est décédé (et qu’il n’y a pas d’autres enfants nés ou adoptés après le 29 juin 2025 encore vivants), est-il mort-né ou né sans être vivant ou viable ? »

Dans le cas d’un enfant mort-né ou né vivant, mais non viable, il est possible que cet enfant n’ait jamais juridiquement existé. Nous laissons les tribunaux clarifier cette situation pour la situation particulière de l’union parentale et nous vous référons à nos commentaires déjà parus dans un autre article « Le régime d’union parentale maintenant adopté ».

Si les tribunaux décident que cet enfant ne se qualifie pas d’enfant au sens des règles sur l’union parentale, il n’y aura pas d’union parentale. Pour le reste de cet article, nous prendrons pour hypothèse (ce n’est pas une opinion juridique) que ce sera l’interprétation des tribunaux (ce que nous ignorons, bien entendu !). Nous effectuons ce choix, car il a au moins le mérite d’aller dans le sens de l’objectif général de la loi qui est la protection de l’enfant, laquelle est un peu inutile s’il n’y a malheureusement pas d’enfant à protéger. Donc, dans une telle situation il n’y a juridiquement pas eu d’enfant et il n’y a pas d’union parentale.

  1. « Si l’enfant de la question 11 est né vivant et viable, est-il décédé (alors qu’il n’y a pas d’autres enfants nés ou adoptés après le 29 juin 2025 encore vivants) ? Et si oui, quand ? »

Le décès d’un enfant qui qualifiait l’union parentale (ou de tous les enfants qui la qualifiaient) ne semble pas mettre fin à l’union parentale. Toutefois, la question se pose si l’enfant est né (ou adopté) après le 29 juin 2025 alors que les parents n’étaient pas conjoints de fait et qu’il décède alors que les parents ne sont toujours pas conjoints de fait. Si, par la suite, les parents de l’enfant décédé deviennent conjoints de fait, est-ce qu’ils sont en union parentale ? Tout est une question d’interprétation de la loi, ce qui est la tâche des tribunaux.

Sans émettre une opinion juridique sur la question, nous utiliserons encore l’hypothèse qu’en l’absence d’enfant à protéger, l’union parentale ne sera pas formée. Dans le cas d’une fin d’union parentale par la cessation de la vie commune et suivie par une reprise de la vie commune, ainsi que le décès de l’enfant pendant la première période de la vie commune ou pendant l’absence de vie commune (en l’absence d’autres enfants qualifiant l’union de fait d’union parentale), nous appliquons la même logique et prenons pour hypothèse que la deuxième période ne sera pas assujettie à l’union parentale (toujours sans certitude !). Nous appliquons aussi la même logique dans le cas où un des deux (ou les deux) conjoints de fait cesse d’être marié, uni civilement ou en union parentale avec une autre personne et que les enfants qualifiants sont décédés avant cette cessation.

Après toutes ces questions, le fait que l’on conclut que deux personnes sont en union parentale ne signifie pas que ces personnes sont soumises à un patrimoine d’union parentale ni que ce patrimoine d’union parentale, s’il s’applique, n’a pas été sujet à un ajout ou à une exclusion. Il faudrait poser des questions additionnelles !

Même s’il y a eu retrait de l’application des règles du patrimoine d’union parentale, il y a union parentale. Ceci signifie que les trois autres effets mentionnés ci-devant (reconnaissance du conjoint lors d’une succession sans testament, protection de la résidence et prestation compensatoire) s’appliquent.

Autres éléments

Nous remarquons aussi que la définition de conjoint de fait pouvant se qualifier à l’union parentale vise « deux personnes qui font vie commune ». Ceci semble exclure toute possibilité d’une union parentale à trois personnes ou plus, d’autant plus qu’il n’est pas actuellement possible qu’un enfant soit considéré légalement l’enfant de plus de deux personnes.

Il ne faut pas oublier que même si deux personnes ne sont plus en union parentale, il est possible que le patrimoine d’union parentale ne soit pas encore réglé, i.e. que la valeur des biens ne soit pas encore partagée ou qu’une ordonnance ou une procédure soit encore possible ou en cours.

Pourquoi est-il important pour un conseiller de savoir si un client est en union parentale ou non ?

Comme discuté dans nos précédents articles, le statut de « conjoint en union parentale » peut avoir des conséquences importantes sur la planification financière générale d’un client.

Si une personne ne s’est pas retirée de l’application du patrimoine d’union parentale, l’union parentale emporte potentiellement la création d’une dette envers le conjoint ou, à l’inverse, la création d’une créance contre le conjoint. Les conseillers devront redoubler de prudence dans les dossiers où les résidences de la famille ne sont pas déjà détenues 50%/50% par les conjoints.

La dette du patrimoine d’union parentale peut généralement être payée de plusieurs façons, y compris par le transfert de comptes d’investissement, enregistrés ou non, qu’ils fassent partie du patrimoine d’union parentale (par ajout à ce patrimoine en vertu de 521.31 C.c.Q.) ou non. Les conseillers auront probablement à gérer ces transferts.

En matière de planification successorale, le simple fait d’être en union parentale (même si on s’est retiré de l’application du patrimoine d’union parentale) qualifie le conjoint à titre d’héritier légal. Il faudra conseiller au client de consulter son notaire pour faire ou refaire un testament afin de coucher ses volontés sur papier et de prendre en compte les sommes à recevoir concernant le partage du patrimoine d’union parentale.

Pour les gens qui ne se sentent pas encore concernés par l’union parentale, car ça ne s’applique qu’à partir du 30 juin 2025, il est important de comprendre rapidement cette notion, car neuf mois avant cette date fatidique correspond approximativement au début du mois de septembre 2024 !

On se demande à juste titre si le conseiller devra déterminer lui-même si un client est en union parentale ou non. Pourtant, il n’est pas simple de déterminer avec certitude l’existence ou non de l’union parentale et, compte tenu de la nature de la question, il ne faudrait pas non plus que ceci soit interprété comme une opinion juridique (domaine réservé aux avocats et aux notaires). Pourra-t-il simplement se fier à la déclaration du client pour bâtir sa planification financière ? Nous laissons le soin aux différents services de conformité à la disposition des conseillers de répondre à cette question. Une chose est sûre : il y a place à l’erreur…

 

 

Il est important de noter que cet article a été rédigé à titre informatif et qu’il ne constitue pas une opinion juridique, fiscale, de placement ou de planification financière. Tout client ou conseiller qui est dans une telle situation devrait s’assurer de bien comprendre les notions applicables à sa situation propre. Il devrait aussi obtenir des conseils d’un professionnel pour savoir si le contenu s’applique ou non à sa situation.