Au Québec, la possibilité de désigner un bénéficiaire (ou un titulaire subrogé selon le cas) n’existe que pour les produits de rente, les produits d’assurance de personnes et les régimes de retraite. Dans le cas des rentes, il peut s’agir autant d’un contrat de rente à capital variable basé sur des unités de fonds distincts (CRCVFD) (appelé communément et ci-après « fonds distinct »), d’une rente d’accumulation à intérêts garantis ou d’une rente en service.
La désignation de bénéficiaire en cas de décès sur un de ces types de rente est permise, que la rente (par exemple un fonds distinct) soit enregistrée à titre de REER, de FEER ou de CELI ou non enregistrée. Il faut comprendre que le statut de REER, de FERR ou de CELI ne donne pas à lui seul le droit de désigner un bénéficiaire.
C’est le produit dans lequel le REER, le FERR ou le CELI est investi qui permet ou ne permet pas la désignation d’un bénéficiaire. À titre d’exemple, on ne peut pas, au Québec, désigner un bénéficiaire sur un fonds commun de placement (FCP), même enregistré à titre de REER.
Il est donc permis de se demander pourquoi sur les formulaires de souscription de plusieurs autres produits de placement (autres que des produits de rente) on retrouve souvent la phrase suivante : « Bénéficiaire (non applicable au Québec) :___________». On retrouve cette phrase notamment sur les formulaires de fonds communs de placements.
La raison est que, en général, une désignation de bénéficiaire sur un REER, un FERR ou un CELI est permise pour tous les produits de placement hors Québec.
S’il s’agit d’un produit de rente enregistré ou non enregistré, cette possibilité existe en vertu de la Loi sur les assurances de l’Ontario (L.R.O. 1990, chap. I.8) ou d’une loi similaire d’une autre province. Dans ce cas-ci, les règles sur les désignations sont similaires à celles du Québec, quoique non identiques.
S’il s’agit d’un produit d’investissement autre qu’une rente mais enregistré (REER, FERR ou CELI), cette possibilité existe en vertu de la Loi portant réforme du droit des successions de l’Ontario (L.R.O. 1990, chap. S.26) ou d’une loi similaire d’une autre province.
Examinons un instant les articles 50 et 51(1) de cette dernière loi (loi de l’ONTARIO) :
50. Les définitions qui suivent s’appliquent à la présente partie.
«participant» Personne qui a le droit d’en désigner une autre à titre de bénéficiaire d’une prestation exigible, aux termes d’un régime, au décès du participant. («participant»)
«régime» Selon le cas :
a) fonds, fiducie, régime, contrat ou entente qui prévoient des prestations de pension, de retraite, d’aide sociale, de participation aux bénéfices, ou d’autres bénéfices, au profit des salariés, administrateurs, agents, présents ou passés, d’un employeur, ou de ceux qui sont à leur charge ou qu’ils peuvent désigner à titre de bénéficiaires;
b) fonds, fiducie, régime, contrat ou entente qui prévoient le paiement d’une rente viagère ou d’une rente à terme fixe ou variable;
c) fonds, fiducie, régime, contrat ou entente d’une catégorie prescrite pour l’application de la présente partie par un règlement pris en application de l’article 53.1.
S’entend en outre d’un régime d’épargne-retraite, d’un fonds de revenu de retraite ou d’un régime d’épargne-logement au sens de la Loi de l’impôt sur le revenu (Canada) et d’un régime d’épargne-logement de l’Ontario prévu par la Loi sur le régime d’épargne-logement de l’Ontario. («plan») L.R.O. 1990, chap. S.26, art. 50; 1994, chap. 27, par. 63 (4).
51. (1) Le participant peut désigner une personne à titre de bénéficiaire d’une prestation exigible aux termes d’un régime à son décès et peut également révoquer la désignation :
a) soit par un acte que le participant signe ou qu’une autre personne signe pour lui en sa présence et selon ses instructions;
b) soit par testament.
Donc la possibilité de désigner un bénéficiaire pour un REER ainsi que pour un FERR (et pour un CELI en vertu de l’article 2 du règlement 54/95, O. Reg. 203/09) est une réalité en Ontario et dans les autres provinces, à l’exception du Québec. Ceci s’applique à ces trois types de régimes, qu’il s’agisse de parts de fonds communs de placement, d’un certificat de placement garanti (CPG) de banque, d’actions en bourse ou autres.
Mais attention, un bénéficiaire sur un REER, un FERR ou un CELI en vertu de la Loi portant réforme du droit des successions de l’Ontario n’est pas la même chose qu’un bénéficiaire au sens québécois. La première différence, c’est que, dépendamment des circonstances, parfois le placement REER est racheté au décès et l’émetteur enverra un chèque au bénéficiaire, parfois c’est la propriété du placement (la propriété des parts du fonds commun de placement, des actions, des CPG, etc.) qui est transférée au bénéficiaire. La seconde différence est qu’il est impossible de désigner ce type de « bénéficiaire » de façon irrévocable.
Il faut comprendre que la possibilité de désigner un bénéficiaire sur un REER, FERR ou CELI autre qu’une rente n’a AUCUN fondement juridique NI application en droit civil québécois. À titre d’exemple, sur un formulaire de fonds communs de placement (FCP) (pour un produit vendu au Québec à un résident québécois), le conseiller n’a donc rien à inscrire sur la ligne « Bénéficiaire (non applicable au Québec) :___________».
Plus encore, inscrire un nom sur cette ligne au Québec pourrait créer de la confusion dans l’esprit du client (et, qui sait, engager la responsabilité du conseiller?) ; en effet, le client pourrait croire à tort que son FCP enregistré sera transféré à son décès à la personne désignée. De plus, une telle désignation invalide pourrait-elle servir devant un tribunal à titre d’élément de preuve d’intention afin d’interpréter une clause testamentaire? La question demeure entière….
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