Au Québec, tous les biens d’une personne sont transmis par succession. Ceci signifie, par exemple, qu’une personne (A) ne peut conclure un contrat avec une autre personne (B) par lequel les parts de fonds communs de placement (FCP) de A deviendront la propriété de B au décès de A. Ce contrat serait nul. Tous les biens de A formeront la masse successorale et le testament (ou le Code civil du Québec (C.c.Q.), pour les successions sans testament) déterminera qui seront les héritiers (après le paiement des dettes!).

À notre humble connaissance, au Québec, il n’existe que neuf exceptions majeures au principe selon lequel les biens sont transmis par succession :

• Une désignation de bénéficiaire sur une police d’assurance de personnes (que la désignation soit faite auprès de la compagnie d’assurance ou dans le testament);

• Une désignation de bénéficiaire sur un contrat de rente (incluant les contrats de rente à capital variable basés sur des unités de fonds distincts (CRCVFD) (appelés communément et ci-après « fonds distincts »), une rente d’accumulation à intérêts garantis et une rente en service) (que la désignation soit faite auprès de la compagnie d’assurance ou dans le testament);

• Une désignation de bénéficiaire sur un régime de retraite;

• Une désignation de titulaire subrogé sur une police d’assurance de personnes (si, bien sûr, la police est toujours en force après le décès du titulaire (ou d’un des titulaires));

• Une désignation de titulaire subrogé sur un contrat de rente (incluant un fonds distinct, une rente d’accumulation à intérêts garantis et une rente en service) (si, bien sûr, le contrat est toujours en force après le décès du titulaire (ou d’un des titulaires));

• Une priorité de paiement au conjoint sur un régime de retraite (lorsque cette priorité existe et qu’un conjoint se qualifie);

• Une priorité de paiement au conjoint sur un CRI ou un FRV de juridiction québécoise (lorsque cette priorité existe et qu’un conjoint se qualifie);

• Une priorité de paiement au conjoint sur un REER immobilisé (REERI), un Régime d’épargne immobilisé restreint (REIR), un FRV ou un FRV restreint (FRVR) de juridiction fédérale (lorsque cette priorité existe et qu’un conjoint se qualifie); et

• Un arrangement fiduciaire (par exemple une portion du REEE).

Ces neuf exceptions ont pour point commun que les sommes ou la propriété de ces biens sont transférées au décès directement à une autre personne, sans passer par la masse successorale. Donc, hors de contrôle du liquidateur et, généralement (il y a des exceptions!), hors d’atteinte des créanciers.

Dans le cas d’un bénéficiaire, par exemple un bénéficiaire de fonds distinct, au moment du décès, le contrat de rente en accumulation prend fin et l’assureur envoie un chèque au bénéficiaire. Il est important de noter que dans le cas du bénéficiaire d’une rente, ce n’est pas la propriété du véhicule de placement qui est transmise mais c’est plutôt un montant (un chèque) qui est payé à titre de règlement d’un contrat de rente (à moins de convenir contractuellement d’un autre mode de règlement).

Par contre, dans le cas d’une désignation de titulaire subrogé, c’est la propriété du contrat qui est transférée par l’assureur, du titulaire décédé au titulaire subrogé. Le transfert de propriété devient un simple mode de paiement de la dette de l’assureur. Par exemple, d’une façon simplifiée, qu’une personne soit bénéficiaire ou titulaire subrogé d’un fonds distinct de 100 000$, la compagnie d’assurance lui doit 100 000$ au décès. Si elle est bénéficiaire, elle sera payée par la remise d’un chèque au décès de la vie assurée alors que si elle est titulaire subrogée, la dette de 100 000$ de la compagnie d’assurance envers elle sera acquittée par le transfert de propriété du contrat au décès du titulaire. De fait, l’article 2453 C.c.Q énonce ce qui suit : « Le bénéficiaire et le titulaire subrogé sont créanciers de l’assureur. (…) »

Il faut noter que la possibilité de désigner un bénéficiaire (ou un titulaire subrogé selon le cas) n’existe que pour les produits de rente, les produits d’assurance de personnes et les régimes de retraite.

De plus, une désignation de bénéficiaire reste une désignation de bénéficiaire, qu’elle soit faite directement sur un formulaire de compagnie d’assurance ou dans un testament. Ceci signifie que même si la désignation de bénéficiaire est faite dans le testament, la prestation de décès sera quand même payée directement au bénéficiaire, sans passer par la masse successorale et sans contrôle du liquidateur. Cette clause de bénéficiaire (si elle est correctement rédigée) ne devient pas un legs par le simple fait qu’elle est inscrite dans un testament.

À la lumière de ce qui précède, il peut être intéressant d’utiliser le transfert direct car dans certaines situations et à certaines conditions, ceci facilite ou permet un roulement fiscal, pourrait augmenter la protection contre les créanciers et pourrait augmenter la rapidité de paiement après décès.

À titre d’exemple, dans certains cas, il peut être prudent d’investir au moins une certaine somme minimale (disons, de 25 000$ à 100 000$) dans des fonds distincts avec bénéficiaire désigné (désigné auprès de la compagnie d’assurance pour fin de rapidité), même si la stratégie globale de placement est en fonds communs de placement, afin qu’il y ait une plus grande probabilité que cette somme soit payée rapidement dans un contexte de règlement de succession contesté.

Veuillez noter que plusieurs exceptions peuvent s’appliquer au contenu de cet article, qu’il vous est fourni à titre informatif et qu’il ne s’agit pas d’une opinion juridique. Les clients doivent rencontrer leur propre conseiller juridique pour vérifier l’applicabilité ou non de ces informations à leur situation personnelle.